Fin du remboursement de l'homéopathie : Lehning et Boiron n’avalent pas la pilule
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Fin du remboursement de l'homéopathie : Lehning et Boiron n’avalent pas la pilule

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A la suite de la décision de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de stopper le remboursement de l'homéopathie à l'horizon 2021, les laboratoires Boiron et Lehning montent au créneau. En saisissant le Conseil d'État, ils espèrent faire annuler cette mesure.

Stéphane Lehning espère parvenir à faire annuler la loi sur la fin du remboursement homéopathique — Photo : © Jonathan Nenich

L’annonce a fait grand bruit dans l’écosystème de la santé : cet été, le gouvernement a décidé que l’assurance-maladie ne rembourserait plus aucun produit homéopathique à horizon 2021. Et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a d’ores et déjà arrêté le calendrier : aujourd’hui, une part significative des traitements homéopathiques sont soumis au remboursement, à hauteur de 30 %. Au 1er janvier 2020, ce taux tombera à 15 %, avant donc janvier 2021, et la fin du remboursement.

« Nous estimons que c’est une catastrophe pour les patients, qui sont dissuadés d’aller vers ce genre de traitement. Cela va à l’encontre de l’homéopathie telle qu’elle a été imaginée au XIXe siècle par Samuel Hahnemann et les autres pionniers : des soins naturels accessibles à tous », lance Stéphane Lehning, président des Laboratoires Lehning, situés à Sainte-Barbe, en Moselle.

La procédure d’évaluation de l’homéopathie remise en cause

Avec les Laboratoires Boiron (CA 2018 : 604 M€, 3 700 salariés), ils ont déposé deux recours auprès du Conseil d’État, afin d’annuler cette décision. « Nous remettons en cause la procédure d’évaluation de l’homéopathie par la Haute Autorité de Santé. 1 153 molécules remboursables ont été analysées en un temps trop court par rapport aux standards. De plus, l’efficience médicale est remise en cause, mais avec les molécules prises au cas par cas. Or, dans l’homéopathie, c’est la combinaison de molécules qui fait l’efficacité du traitement qui, en plus, est individualisé », lance le dirigeant.

« Si les conséquences ne mettent pas le groupe en péril, il nous faut revoir la politique commerciale et nous adapter à la situation. »

En France, le budget lié à l’homéopathie remboursée est de 126 millions d’euros, quand le total des remboursements de médicaments atteint 20 milliards d’euros. « C’est une goutte d’eau. D’autant que les produits homéopathiques remboursés sont soumis à une taxe étatique qui rapporte plusieurs millions d’euros. Qui du coup ne rentreront plus dans les caisses publiques », poursuit Stéphane Lehning.

Pour Lehning, une baisse du CA de l’ordre de 10 %

Spécialisés dans l’homéopathie et dans la phytothérapie, les Laboratoires Lehning (330 salariés ; 60 millions d’euros de CA) ressentent déjà les effets de cette loi, notamment au sein de la filiale parisienne Rocal (30 employés, 6,5 M€ de CA), qui commercialise environ cinq millions de tubes d’homéopathie. Les ventes ont chuté de 40 à 60 %. « Il faut rappeler que chez nous, 50 % de l’homéopathie n’a jamais été remboursée, donc la décision du gouvernement n’affecte pas toute notre activité. Aucun emploi n’est menacé », affirme Stéphane Lehning.

Cette loi cause malgré tout une baisse de CA du groupe de 10 % : « Si les conséquences ne mettent pas le groupe en péril, il nous faut revoir la politique commerciale et nous adapter à la situation », admet le chef d’entreprise. La fin du remboursement pourrait aussi impacter directement les prix des soins homéopathiques : bloqués depuis 1987, par l’État, ces produits ont échappé à l’inflation. « Désormais le gouvernement n’aura plus de prise sur les prix. Il est donc possible qu’ils évoluent », ponctue Stéphane Lehning. Le dossier préparé par les deux laboratoires sera déposé début décembre et la procédure pourrait durer entre 12 et 18 mois.

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