Filiale à 100 % du groupe industriel brassicole allemand TCB (CA : 450 millions d’euros ; 800 salariés), la Brasserie Champigneulles, installée dans la commune du même nom près de Nancy, engloutit chaque année 26 000 mégawattheures (MWh) d’électricité et 60 000 MWh de gaz pour produire environ 3,5 millions d’hectolitres de bière, vendus à 85 % à l’export. "Nous n’avons pas attendu l’explosion des prix de l’énergie pour investir et abaisser notre consommation d’énergie, indique le directeur Patrice Colin. Évidemment, quand nous avons lancé les investissements il y a un peu plus de deux ans, personne ne pouvait dire que la hausse de l’énergie allait prendre de telles proportions, mais nous nous attendions à des augmentations."
Répercuter les hausses sur les prix de vente
Concrètement, pour l’exercice 2023, Patrice Colin verra le montant de ses factures d’énergie, soit gaz et électricité, passer de 4 millions d’euros à 16 millions d’euros. "C’est très bien d’avoir investi pour abaisser la consommation de 10 %, mais c’est largement insuffisant", se désole le directeur de la brasserie qui a réalisé sur le dernier exercice 160 millions d'euros de chiffre d'affaires, avec une équipe de 220 personnes. Car à côté de l’énergie, "les prix des matières premières, des bouteilles, des boîtes boisson, des cartons, des étiquettes ont augmenté depuis le mois de mars", constate Patrice Colin.
Seule solution pour l’industriel, répercuter ces hausses de tarifs sur ses clients. "Nous intégrons ces coûts dans le prix de revient du produit et dans le prix de vente du produit. Encore faut-il que nos clients distributeurs acceptent, mais aussi que le client final, le consommateur, accepte de payer plus et ne se détourne pas de nos produits."
En 2022, la Brasserie Champigneulles a déjà passé trois hausses de prix, mais il faudra encore les "augmenter début 2023", anticipe le directeur. "Certaines grandes enseignes de distribution refusent et nous entrons alors dans une sorte de bras de fer, parce que nous ne pouvons pas produire à perte". Et de laisser entendre qu’il n’est "pas impossible que nous soyons contraints de baisser de manière très importante les volumes de production en 2023".
Dans quelques semaines, la Brasserie Champigneulles pourra s’appuyer sur une nouvelle chaudière à gaz, capable de produire 26 tonnes de vapeur à l’heure. Un investissement de 1,5 million d’euros qui vient remplacer trois anciennes chaudières et devra permettre d’abaisser de 850 MWh par an la consommation du site. "Cette nouvelle chaudière nous permettra de récupérer les calories des fumées, qui sortent à très haute en température. En faisant circuler de l’eau froide dans un échangeur, on en ressort de l’eau chaude qui nous permet de chauffer les bâtiments", détaille Patrice Colin.
Optimiser les process pour consommer moins
Autre investissement, pour un total de 8,5 millions d’euros, l’installation de sept compresseurs pour produire du froid. Le procédé brassicole impose en effet de laisser fermenter la bière dans des cuves maintenues à environ 10°C. La nouvelle installation, qui vient d’être mise en production, permet un gain énergétique de 5 500 MWh par an, dont 1 500 MWh d’électricité et 4 000 MWh d'énergie thermique. "Là aussi, nous récupérons l’énergie véhiculée par ces compresseurs de froid pour fabriquer de l’eau chaude. Et cette eau chaude nous permet de chauffer les 20 hectares des bâtiments de l’usine", souligne le directeur de la Brasserie Champigneulles.
Début 2023, les équipes de la brasserie achèveront un autre chantier visant à limiter les pertes d’énergie. "Nous allons isoler davantage l’ensemble de nos conduites, pour un montant d’un million d’euros", détaille Patrice Colin. Autre chantier devant déboucher sur des économies d’énergie, la régulation des moteurs tournant sur les lignes de conditionnement, de manière à ne pas les laisser tourner à pleine cadence quand ce n’est pas nécessaire.