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En Meurthe-et-Moselle, patronat et syndicats s'accordent pour prévenir les risques psychosociaux liés au télétravail
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En Meurthe-et-Moselle, patronat et syndicats s'accordent pour prévenir les risques psychosociaux liés au télétravail

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La majorité des organisations patronales et syndicales de Meurthe-et-Moselle a trouvé un terrain d'entente pour identifier et prévenir les nouveaux risques professionnels engendrés par le télétravail. Une déclaration commune, signée le 29 mars, pose les bases des prochaines négociations au sein des entreprises.

Les antennes Medef, CPME, CFDT, CGC, UNSA, UDES et CFTC de Meurthe-et-Moselle ont signé la déclaration commune sur le télétravail — Photo : Lucas Valdenaire/Le JDE

C'est assez rare pour être souligné : quasiment toutes les organisations syndicales et patronales de Meurthe-et-Moselle sont tombées d'accord. Medef, CPME, CFDT, CGC, UNSA, UDES et CFTC* étaient réunis à Nancy le 29 mars dans les salons de la préfecture pour signer une déclaration commune avec pour objectif de prévenir les risques psychosociaux liés au télétravail. L'initiative, lancée par le délégué général du Medef 54 Benoît Palisson et les services de Santé au Travail, a été soumise à l'ensemble des partenaires au sein de l'Observatoire du dialogue social départemental.

Prévenir plutôt que guérir

"Ce que demande le ministère du Travail, c'est de rester en télétravail quatre jours par semaine. Encore faut-il avoir avoir un lieu et du matériel adaptés. La promiscuité peut aussi créer des tensions familiales, générer des violences, des séparations voire des suicides. Il est donc largement temps de s'en préoccuper, plaide Patrice Vandenberge (CFTC), président de l'Observatoire du dialogue social de Meurthe-et-Moselle. Pour cela, il faut donner aux employeurs et aux employés des portes d'accès vers la médecine du travail et vers l'ensemble des opérateurs capables de les aiguiller. Il faut leur faire comprendre qu'avant de prendre des antidépresseurs, nous avons des solutions à leur proposer."

La charte commune s'inspire de l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 et jette les bases des futures négociations intra-entreprises : la "concertation de tous les acteurs" (salariés, représentants du personnel et direction), le "devoir mutuel d'information" ou encore "le respect de l'action de chacun". Mais au-delà des grands principes, cette déclaration engage les signataires et oblige chaque société à "évaluer les risques psychosociaux liés au télétravail", informer les salariés des mesures sanitaires et des dispositifs de soutien existants, renforcer le dialogue social pour apporter des réponses "validées et intégrées par tous", et enfin veiller à leur bonne mise en œuvre.

Un point de départ pour l'après-crise

"Concrètement, les partenaires s'engagent à faciliter les accords au sein des entreprises, résume Patrice Vandenberge. Aujourd'hui, notre mission n'est pas de donner les clés mais d'ouvrir la voie. Charge ensuite à chaque partenaire de la suivre. C'est dans leur intérêt, sous peine de s'exposer à des arrêts de travail et à une perte de productivité. Ce que nous voulons avant tout, c'est protéger l'humain en lui permettant d'avoir une vie privée en dehors du travail. Bref, de vivre correctement."

"Cette déclaration n'est pas anodine puisqu'elle engage l'entreprise à prendre en compte de façon prioritaire la problématique des risques psychosociaux."

Pour qu'il cesse d'être subi, le télétravail doit donc être négocié. Et c'est en cela que l'accord entre les différents représentants économiques du département constitue une réelle avancée selon François Merle, responsable de l'unité départementale de Meurthe-et-Moselle à la Direccte Grand Est : "Que le télétravail puisse être discuté avec les représentants du personnel, c'est une bonne chose et c'est aussi très important pour sa bonne mise en œuvre. Une mesure négociée sera toujours mieux acceptée."

C'est pourquoi le rôle de l'Observatoire du dialogue social en Meurthe-et-Moselle est primordial. "C'est lui qui permet un haut niveau d'échange et de proximité entre partenaires, chose qu'on ne voit pas souvent", glisse Gilles Caumont. Pour le président du Medef 54, la démarche est aussi rare sur la forme que sur le fond : "Cette déclaration commune n'est pas anodine puisqu'elle engage l'entreprise, à travers son dirigeant, à prendre en compte de façon prioritaire la problématique des risques psychosociaux." Selon lui, cette charte constitue également un point de départ "essentiel" pour anticiper l'après-crise et la banalisation annoncée du télétravail. Plusieurs axes de travail ont ainsi été définis, comme l'adaptation des durées en fonction du profil du salarié et non en fonction du poste. "Nous nous penchons aussi sur l'équipement technique optimum à apporter au salarié. Les sièges, les écrans et tous les dispositifs techniques pour retrouver la qualité et l'ergonomie des outils du bureau à la maison."

Pas de cadre juridique

Sur ce point, tout reste à faire. Car cette déclaration commune ne répond en rien à la question qui fâche, à savoir qui paie ? "Le gouvernement tend à nous imposer quatre jours de télétravail par semaine mais tout le monde n'a pas un grand appartement avec un vrai coin de télétravail, un ordinateur portable et une connexion Internet, rappelle le président départemental de la CPME Franck Bersauter. Les salariés n'ont pas tous les moyens de se procurer un matériel adapté et toutes les entreprises n'ont pas les moyens d'en mettre à disposition. C'est un budget important. Là-dessus, il faut un vrai dialogue et notre déclaration sert à susciter la réflexion au sein des entreprises."

"Il faut donner les moyens aux employeurs d'aider les employés"

De son côté, l'Unsa 54 se "réjouit d'un accord gagnant-gagnant au service des employeurs et des employés" mais reconnaît ses limites notamment sur la plan financier. "Il faut donner les moyens aux employeurs d'aider les employés mais, sur ce point, nous n'avons pas avancé, admet son secrétaire général William Graff. Il n'y a pas de cadre juridique, c'est chacun dans son coin. Certains parlent d'un remboursement des factures de gaz et d'électricité du salarié. Mais les employeurs répondent qu'il est difficile de quantifier le télétravail. Tout devra se négocier dans l'entreprise."

Payer les factures du salarié, ce n'est clairement pas à l'ordre du jour pour le Medef 54. "Cet aspect n'est pas le plus important à court terme et le deviendra quand le télétravail sera banalisé, répond son président Gilles Caumont. Il y a effectivement des coûts supplémentaires pour le salarié mais il y a aussi moins de dépenses, de déplacement ou de gardes d'enfants. Il faut aujourd'hui rester dans l'équilibre et ne pas s'attacher aux petits détails. A ce jour, les problématiques de santé nous paraissent plus importantes et plus urgentes que l'impact financier, qui n'est pas si défavorable que ça pour le salarié." En revanche, pour plusieurs syndicats, cet impact financier reste significatif et doit être pris en charge. Là encore, les négociations devront se faire au cas par cas, entreprise par entreprise.

*La CGT et Force Ouvrière n'ont pas participé à la signature.

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