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Continental Sarreguemines accélère vers l’usine du futur
Moselle # Automobile # Investissement

Continental Sarreguemines accélère vers l’usine du futur

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Au ralenti pendant plusieurs mois, Continental Sarreguemines a repris son rythme de croisière dès l’automne. Bénéficiaire du plan de relance, l'une des plus grosses usines européennes de pneumatiques passe maintenant à la vitesse supérieure et intensifie ses investissements.

Le directeur général Matthieu Turlure est à la tête de l'usine sarregueminoise de Continental depuis six ans. — Photo : Lucas Valdenaire

« Le plan de relance nous fait gagner une année d’investissement », se réjouit Matthieu Turlure, à la tête de l’usine de pneumatiques de Sarreguemines, en Moselle (1 400 salariés). Le directeur général avait déposé son dossier de candidature au mois d’août. La réponse de la ministre chargée de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher est tombée quatre mois plus tard, début décembre. Le projet de transformation numérique de l’usine du groupe allemand fait maintenant partie des trois premiers lauréats mosellans du fonds de modernisation automobile. Ils sont sept en Lorraine. « Cela faisait des années que nous n’avions pas été aidés sur un certain nombre de sujets, glisse le chef d’entreprise. C’est forcément une bonne surprise ».

Une subvention de 800 000 euros

Avant même d’envisager un tel coup de pouce financier, la direction avait déjà décidé d’investir 2,5 millions d’euros pour moderniser ses lignes de production. Ce nouveau programme était initialement annoncé sur trois ans mais le chèque de 800 000 euros signé France Relance accélère le calendrier. Matthieu Turlure espère désormais boucler le projet en moins de deux ans. « À ce jour, nous comptons plusieurs systèmes numériques, explique-t-il. Quand nous effectuons des analyses transverses de qualité et de performance, nous devons récolter et recouper des données dans différents secteurs de l’usine. Ce n’est pas évident et cela nous prend du temps. » Or, ce nouvel investissement permettra d’établir un système commun à l’ensemble des machines pour faciliter la remontée des données. Au total, près de 300 équipements se retrouveront bientôt interconnectés.

Production de pneus à l'usine Continental de Sarreguemines — Photo : Continental Sarreguemines

« Ainsi, nous pourrons faire un lien beaucoup plus rapide entre le problème sur une machine et la cause, sur une autre. Nous gagnerons en réactivité, en productivité et en qualité. Sur le plan de la performance, nous en attendons énormément. De quoi faire un pas supplémentaire vers l’usine du futur ». Déjà en 2017, Continental Sarreguemines avait investi 6 millions d’euros pour automatiser son processus de vulcanisation, un projet pilote au sein de la division pneumatique du groupe. Depuis, le système fonctionne en série. D’autres initiatives de numérisation ont été menées ces derniers mois pour s’approcher encore de l’usine 4.0. Une expression d’ailleurs reprise par le ministère dans la présentation du lauréat sarregueminois et de sa prochaine transformation numérique à 2,5 millions d’euros : « Ce projet a pour objectif de moderniser l’outil de production par le déploiement de l’intelligence de données, en permettant d’optimiser la supervision des équipements en temps réel. C’est une véritable opportunité pour consolider son avance technologique, renforcer son attractivité et développer l’emploi ».

« Nous sommes l’un des plus gros employeurs locaux et malgré la situation très perturbée, nous avons une responsabilité sociale de formation »

L’emploi, la direction s’est d’abord engagée à le maintenir et les gains de compétitivité induits par ce nouvel investissement devraient y contribuer. Dans un accord d’activité partielle de longue durée (APLD) paraphé en septembre, le groupe promet en effet remplacer tous les départs à la retraite par des embauches à durée indéterminée. Ainsi, 30 CDI ont été signés à Sarreguemines au dernier trimestre 2020. Autre engagement : la poursuite de l’apprentissage et sa cinquantaine de contrats par an. « Nous sommes l’un des plus gros employeurs locaux, rappelle Matthieu Turlure. Et malgré la situation très perturbée, nous avons une responsabilité sociale de formation. Nous avons noué des partenariats avec plusieurs lycées techniques de la région pour former des jeunes à la maintenance ou à d’autres métiers faisant face à des pénuries de vocations ». Cet accompagnement vient d’ailleurs d’être récompensé par le label « Happy Trainees », certifiant les retours positifs des stagiaires et des apprentis.

Usine Continental de Sarreguemines, en Moselle — Photo : Continental Sarreguemines

La production de pneus recule de 20 %

En plus des 1 400 CDI, l’usine de Sarreguemines compte 250 sous-traitants. Aujourd’hui, plus personne n’est en activité partielle. Le dispositif avait été déclenché en mars dernier lors du premier confinement. L’usine avait alors fermé pendant plus d’un mois, du jamais vu depuis la construction de l’établissement en 1964. « Nous avons navigué à vue, raconte le directeur général. Mais surtout, nous avons mis la sécurité des salariés au cœur des décisions. En vue d’une réouverture, nous avons travaillé avec les organisations syndicales pour établir des règles sanitaires très strictes. Ce protocole a même été une référence au sein du groupe ». Par ailleurs, la direction a favorisé l’accord préexistant sur le télétravail et n’a pas sollicité de prêt garanti par l’État. « Nous avons également décidé de ne pas distribuer de dividendes », précise-t-elle.

Dans le sillage du déconfinement, la production est progressivement montée en puissance jusqu’au retour à la normale dès la fin juillet avec 150 intérimaires et plus de 30 000 pneus fabriqués par jour. « Nous avons même fait des mois d’octobre, novembre et décembre supérieurs à ceux de 2019, se félicite Matthieu Turlure. Clairement, il y a eu un effet rebond. » Pour autant, le ciel mosellan reste encore bien encombré. D’une part, la reprise du quatrième trimestre n’a pas été suffisante pour compenser les baisses de volumes engendrées par les restrictions sanitaires de 2020. En effet, la production a chuté de 20 % par rapport à 2019, passant de 9,5 à 7,6 millions de pneus. D’autre part, les incertitudes liées à la situation sanitaire restent tenaces. « Je ne m’avancerai sur aucun chiffre pour 2021, prévient Matthieu Turlure. Notre visibilité est extrêmement faible. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons signé cet accord d’activité partielle de longue durée. Nous l’avons fait pour garantir le maintien de nos compétences mais aussi pour retrouver la flexibilité nécessaire en cas de besoin ».

« La réduction des émissions de CO2 exigée par l’Union Européenne est devenue un critère prépondérant pour l’acquisition de nouveaux marchés »

Selon lui, l’usine ne retrouvera pas ses volumes habituels avant deux ans, minimum. Pour les écouler, Continental Sarreguemines compte toujours sur les marchés étrangers (90 % de sa production est destinée à l’export) mais, là encore, il va falloir s’adapter au nouveau contexte international, qu’il soit sanitaire ou politique. En effet, le Brexit, est passé là. « Nous avons des clients outre-Manche, rappelle le directeur général. Nous devons donc adapter nos processus de douanes. Mais l’impact reste limité car le Royaume-Uni n’est pas notre plus gros marché. Aujourd’hui, nous sommes essentiellement tournés vers l’Union européenne ».

Pneus haut de gamme et nouveaux contrats

L’UE, avec ses nouvelles exigences de réduction des émissions polluantes, doit être prise en compte, elle aussi, dans la stratégie de développement du groupe. « C’est même devenu un critère prépondérant pour l’acquisition de nouveaux marchés. À la responsabilité sociale et sociétale s’ajoute la responsabilité environnementale. » Pour tomber à zéro émission de CO2 avant 2040, la direction assure travailler sur son empreinte carbone. Elle rappelle d’ailleurs que sa production de vapeur se base désormais sur un système de cogénération. Concernant la chaudière de l’usine, un vaste projet est également annoncé pour 2025.

L'usine de Sarreguemines produit entre 9,5 et 10 millions de pneus par an. En 2020, l'activité a chuté de 20% — Photo : Continental Sarreguemines

Continental Sarreguemines s’attaque également au dioxyde de carbone via sa gamme de pneus à basse résistance aux roulements. « Sur cette innovation, nous sommes pilotes au sein du groupe, tient à souligner Matthieu Turlure. Il s’agit de suivre les tendances des véhicules hybrides et électriques. L’objectif est d’accompagner nos clients dans leurs objectifs environnementaux ». Le groupe vient d’ailleurs de décrocher un nouveau contrat avec Peugeot sur une base annuelle de 500 000 pneus nouvelle génération. Et pour étoffer encore un peu son portefeuille produit, la direction souhaite passer d’un pneu de 17 à 18 pouces en moyenne (les produits actuels s’échelonnent entre 14 et 20 pouces). « Notre ambition est de fabriquer des pneumatiques de plus en plus haut de gamme, ceux qu’on appelle les pneus UHP : ultra-haute performance ». Ainsi, malgré le coup d’arrêt historique au printemps 2020, les projets n’ont pas été remis en cause. « Et nous continuerons à investir en 2021, promet la direction. Nous aurons encore plusieurs mois difficiles mais cela ne nous empêchera pas de construire l’avenir ».

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