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Bientôt une usine géante de panneaux photovoltaïques en Moselle ?
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Bientôt une usine géante de panneaux photovoltaïques en Moselle ?

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La Commission nationale du débat public vient de valider le lancement d’une concertation publique sur un projet pharaonique engagé par le groupe norvégien REC. Ce dernier confirme son intention d’installer une énorme usine de panneaux photovoltaïques à Hambach, en Moselle : 680 millions d'euros d’investissements et 1 800 emplois sont en jeu.

Fondé en Norvège en 1996, le groupe REC compte 2 000 salariés dans le monde et deux usines en Norvège et à Singapour — Photo : REC Solar

Jusqu’à présent, rien ne filtrait. Ou presque. Cela fait un an et demi que le dossier est en négociation. Un an et demi que le groupe norvégien REC (2 000 salariés, 500 M$ de CA en 2019) envisage d’installer une méga usine de panneaux photovoltaïques en Lorraine. Plus précisément sur la partie Est de la ZAC Europole II à Hambach, près de Sarreguemines (Moselle). L’arrivée du fabricant scandinave est d’autant plus attendue que le projet est gigantesque avec ses 1 800 créations d’emplois et ses 680 millions d’euros d’investissement.

Plus qu’une simple éclaircie, ce projet solaire XXL pourrait dégager l’horizon économique d’un territoire récemment secoué par la vente de l’usine Smart. Le salut économique des lieux pourrait donc passer par l’énergie solaire. C’est pourquoi l’Élysée, le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Économie scrutent le dossier lorrain de près. Que dire des élus locaux qui ne pouvaient imaginer meilleure nouvelle pour leur bassin d’emploi. D’une prudence extrême, l’agglomération de Sarreguemines souhaite encore mener les discussions dans la plus grande discrétion. Les conditions pour finaliser l’implantation sont nombreuses et l’épidémie de Covid-19 repousse sans cesse les échéances. 

Principal obstacle : la concurrence. Car ce sont bien deux immenses usines de panneaux photovoltaïques qui sont actuellement à l’étude en Europe. En plus du projet porté par le groupe REC, le suisse Meyer Burger a dévoilé avant l’été son intention de faire de même, en Allemagne. « Les besoins du marché européen sont tellement importants qu’aucune de ces deux usines ne se retrouverait en situation monopolistique », rappelle David Gréau, le directeur général adjoint d’Enerplan, le syndicat des professionnels de l’énergie renouvelable. 

Neuf millions de panneaux par an

Malgré le silence des communicants et des élus locaux, il n’est plus possible de nier l’avancement du projet norvégien en terres lorraines. D’une part, le groupe a fondé pour l’occasion une filiale tricolore REC Solar France. D’autre part, il a saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) au mois de juillet dernier, procédure aussi lourde qu’engageante. Cette dernière a validé le 4 novembre 2020 le lancement d’une concertation publique. Si les conditions sanitaires le permettent, cette dernière pourrait se dérouler du 14 décembre 2020 au 8 février 2021 avant le lancement d'une éventuelle enquête publique. Des réunions d’information, des tables rondes, des expositions et des ateliers sont déjà envisagées dans plusieurs communes du département pour présenter le projet aux habitants.

Ainsi, selon le document de concertation préalable, la nouvelle installation mosellane s’étalera sur près de 148 000 m², soit l'équivalent de plus de 20 terrains de football. Le début des travaux est espéré au mois de juin 2021. Tout se fera sur place : la production des cellules, l’assemblage des modules, le contrôle qualité ainsi que la réception des matières chimiques et l’expédition des produits finis. La mise en service de l’usine est prévue pour 2022, avant d’atteindre son rythme de croisière en 2025. À terme, 9 millions de panneaux photovoltaïques seront fabriqués chaque année.

Des chiffres qui impressionnent autant qu’ils interrogent. À Hambach, REC ne voit-il pas trop grand ? Produire autant d’unités, c’est bien. Les vendre, c’est encore mieux. « L’appétence du marché pour le photovoltaïque est énorme, estime David Gréau. En France, actuellement, nous sommes sur un rythme d’une puissance de 1GW installée chaque année », soit la puissance moyenne d’un réacteur de centrale nucléaire. Mais ce rythme est encore loin d’atteindre les objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie, ce document qui fixe la trajectoire et les résultats à atteindre pour le mix énergétique français : « Il faudra multiplier par quatre la puissance installée chaque année pour aller vers l’objectif défini par la PPE », souligne-t-il.

Pour les acteurs publics et parapublics engagés (Business France, DGE, CDC, Bpifrance…), l’enjeu dépasse largement les frontières régionales. En plus de diversifier l’activité industrielle d’un territoire en proie aux difficultés socio-économiques, il s’agit de développer une véritable filière française et européenne de production photovoltaïque pour concurrencer les modules asiatiques inondant le marché mondial (on estime que 80 % des panneaux installés en France viennent de Chine).

Compétitivité et bilan carbone

En posant sa « Gigafactory » au cœur du vieux continent, le groupe norvégien REC fait le pari de limiter le transport et donc son empreinte carbone : « Dans ce type d’usine hautement automatisée, le coût de la main-d’œuvre ne pèse que pour une petite part dans le prix final », précise David Gréau. Et quand le donneur d’ordres relève l’importance du critère « bilan carbone » dans son appel d’offres, au final, le panneau photovoltaïque venu d’Asie n’est plus aussi compétitif que celui produit en Europe. 

D’autant que le groupe norvégien compte sur un saut technologique important pour faire la différence sur le marché : l’hétérojonction. Ce procédé d’assemblage innovant des matériaux, déjà utilisé à plus petite échelle sur le site REC de Singapour, présente des rendements de 20 à 30 % supérieurs aux techniques actuelles. Il possède aussi un meilleur bilan carbone et un moindre coût de production (jusqu’à 7 % inférieurs par rapport aux procédés de fabrication standard). Toujours selon le document de concertation préalable, les recherches du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au travers de l’Institut national de l’énergie solaire (INES), « sont à présent à un stade de développement mature, le procédé est prêt à un transfert technologique et une production à l’échelle industrielle ».

Enfin, de tels projets ne se concrétisent que si les conditions d’accueil sont favorables. Depuis plusieurs années, les autorités multiplient les appels du pied pour développer la filière solaire en France, et REC ne s’y est pas trompé. Selon la CNDP (Commission nationale du débat public), le fabricant norvégien entend bien « profiter du rehaussement des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) en matière de photovoltaïque ». Cette dernière compte doubler la puissance du parc solaire français en trois ans, et la quadrupler en huit ans. Pour atteindre ces chiffres, le gouvernement enchaîne les subventions et les dispositifs d’aides pour les particuliers mais aussi pour les entreprises, trouvant un écho particulièrement favorable dans le Grand Est. La région est aujourd’hui la cinquième plus grande productrice d’électricité solaire en France, la première dans la moitié nord du pays.

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