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4 Murs investit pour tout changer
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4 Murs investit pour tout changer

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À l’image d’une start-up, l’enseigne 4 Murs, fondée à Marly en 1969, est en train de pivoter. Tirant jusqu’alors ses revenus de la vente de papier peint, l’entreprise s’est tournée vers l’ensemble des produits de la décoration intérieure et de l’équipement de la maison. La transformation a déjà nécessité 35 millions d’euros d’investissement et représente un véritable défi logistique.

Christophe Ranchoup et Thierry Gagnot - 4 Murs — Photo : Jean-François Michel

Le 2 avril prochain, le groupe 4 Murs, basé à Marly en Moselle, va ouvrir les portes d’un nouveau magasin, installé dans une cellule de 2 500 m2 au sein du centre commercial Waves, à proximité de Metz. "C’est un bon exemple pour illustrer notre nouvelle stratégie", souligne Christophe Ranchoup, directeur général délégué et directeur du développement commercial du groupe 4 Murs. "Nous étions sur un magasin historique, face à une grande surface de bricolage, dans lequel on accueillait le client qui avait un projet pour sa maison et qui cherchait son papier peint ou sa peinture. En déménageant dans le centre commercial Waves, nous allons nous déplacer au cœur du flux, là où sont réalisés des achats d’impulsion."

Fini les magasins remplis de rouleaux de papier peint, le sol en moquette et les faux plafonds couverts de néon, le groupe 4 Murs a décidé de prendre un virage stratégique et de rénover l’ensemble de ses magasins pour les transformer en "concept store", tournés vers le "lifestyle", où le papier peint trouve sa place à côté de la high-tech, de l’ameublement, des objets de décoration, de l’épicerie ou encore de la cosmétique.

Lancée en 2016, la mutation a trouvé des clients : "Nous avons terminé l’exercice 2021 sur un chiffre d’affaires de 98 millions d’euros", précise Christophe Ranchoup. "Nous sommes en croissance depuis 5 ans, d’environ 10 % chaque année", souligne Thierry Gagnot, directeur général délégué et directeur du marketing pour 4 Murs. Les dirigeants de l’entreprise se sont donnés "4 à 5 ans" pour atteindre "130 voire 140 millions d’euros de chiffre d’affaires". Les effectifs au siège ont déjà plus que doublé en cinq ans, passant de 50 à 110, et l’enseigne compte près de 700 collaborateurs dans son réseau de magasin.

Un groupe de travail qui a bousculé la stratégie

Une véritable renaissance pour 4 Murs, qui était jusqu’alors coincée avec son "produit ADN", le papier peint. "Le marché est en baisse depuis les années 80", précise Thierry Gagnot. "On est passé de 100 millions de rouleaux vendus chaque année, à aujourd’hui tout juste 20 millions, soit un marché divisé par 5." Moins de mètres carrés dans les appartements et les maisons des Français, une meilleure isolation, des modes de chauffage qui dégradent moins les intérieurs, "le papier peint devient une tendance de décoration, et plus de rénovation", souligne Thierry Gagnot. "Mathématiquement, le nombre de rouleaux vendus diminue." Les conséquences ne se sont pas fait attendre : en 2019, l’enseigne spécialisée dans la vente de papier peint Chantemur, qui pesait encore près de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, a été liquidée, entraînant la fermeture de 35 points de vente. Chez 4 Murs, pas question de regarder son marché péricliter.

C’est en 2015 que les premières réflexions ont été lancées au sein de l’entreprise. "Nous sommes partis d’une page blanche, en nous mettant en marge de l’entreprise, en sortant de son système organisationnel et de pensée de l’époque, mais sans intention de bousculer la stratégie de l’entreprise", se souvient Thierry Gagnot. "Pour former le groupe de travail, j’ai choisi des directeurs de magasins, essentiellement des gens de terrain qui avaient entre 15 et 20 ans d’expérience, et qui étaient en demande de renouveau." Les réflexions aboutissent à une première ébauche et décision est prise dès 2016 d’expérimenter en créant un nouveau magasin en Seine-Maritime, à Montivilliers, à proximité du Havre, où le groupe 4 Murs a l’opportunité d’acheter un terrain et de lancer "le Lifestyle, qui était le concept store en version 0. Il a fallu beaucoup d’heures de travail pour le faire naître, mais il est bien né", estime Christophe Ranchoup.

Une transformation qui s’inscrit dans la durée

L’année suivante, trois magasins seront rénovés afin de mesurer le potentiel commercial du concept. "Dans les quelques mois qui ont suivi, nous avons décidé d’ériger ce concept de magasin en stratégie d’entreprise", explique le directeur général délégué de 4 Murs. Société familiale, dont l’intégralité du capital appartient à Cédric Drugmanne, le fils du fondateur Michel Drugmanne, 4 Murs revendique une "culture entrepreneuriale" et une "certaine indépendance" dans ses choix. "Ce moment de transition si important, nous avons choisi de l’autofinancer", précise Christophe Ranchoup. "Cela nous permet d’être assez libres dans nos décisions stratégiques et de mener le projet comme nous le souhaitons", insiste le directeur général délégué qui apprécie "de s’inscrire dans la durée" pour mener le projet de transformation de l’entreprise. "Nous ne sommes pas dans la perspective de faire rentrer des investisseurs, ce qui aurait pu nous contraindre à dégager un certain niveau de rentabilité. Nous démontrons notre conviction à travers la façon dont nous finançons notre développement", souligne Thierry Gagnot.

Aujourd’hui, la société mosellane a converti 53 magasins, soit un investissement de près de 35 millions d’euros. "Il faut 700 000 € pour transformer ou ouvrir un magasin", souligne Christophe Ranchoup, qui confirme : il faudra investir un montant similaire pour aller au bout de la transformation de l’enseigne. S’appuyant sur un réseau de 100 magasins en France et 7 en Belgique, le groupe 4 Murs veut aussi compléter son maillage territorial, notamment dans le sud de la France. "Historiquement, le papier peint, c’était plutôt au Nord et la peinture au Sud", relate Christophe Ranchoup. "Désormais, nous avons affiné notre concept et nous sommes mieux adaptés aux typologies de clients du Sud."

Vers 30 % de l’activité réalisée grâce au papier peint

Exit les rayons remplis de papier peint, les surfaces des magasins 4 Murs, soit 900 m² en moyenne, font la part belle à des "univers qui correspondent à des modes de vie", détaille Thierry Gagnot. À travers des "scénarisations" destinées à "valoriser les produits", 4 Murs veut maintenant dénicher les articles qui feront les tendances de demain. "Notre positionnement est un peu à contre-courant des grandes enseignes qui en veulent toujours plus, avec un référencement qui devient prolifique. Nous allons sélectionner des produits adaptés et judicieux en termes de qualité, de style décoratif ou même de valeur pour nos clients".

À l’image d’une start-up, l’entreprise fondée en 1969 vient de pivoter : "Mais le plus dur a commencé, affirme Thierry Gagnot. Ce nouveau concept a complètement changé les codes et les croyances de l’entreprise sur la façon de vendre son produit ADN, le papier peint." Un produit ADN qui a même progressé en chiffre d’affaires dans les premiers magasins transformés. "Nous avions le sentiment qu’on lui donnait moins de place, mais il a été beaucoup plus valorisé", pointe Thierry Gagnot en présentant de vastes décors représentant des motifs floraux, dessinés en interne. Dépendante hier à 100 % du papier peint, 4 Murs réalise aujourd’hui 60 % de son chiffre d’affaires sur ce produit. Et l’objectif cible est environ "30 %", affirme Thierry Gagnot. Une petite révolution qui semble à la portée de l’entreprise mosellane. En Belgique, où l’enseigne s’est installée avec son nouveau concept sans avoir d’historique, les magasins font effectivement "environ 40 % de leur activité" avec le papier peint, précise Christophe Ranchoup.

Résoudre l’équation logistique

Imaginé et revendiqué comme un "concept store de périphérie", le nouveau modèle de 4 Murs s’appuie sur un positionnement géographique très fin, allant jusqu’à assumer des fermetures et des déplacements de magasins. Pour Christophe Ranchoup, "post-Covid, post-confinement, on observe une forme d’exode urbain. Quand vous travaillez à la Défense à Paris, par exemple, vous êtes mieux dans une petite maison à Chartres". Cette évolution des bassins de consommation autour des villes françaises vient conforter le groupe qui mise sur la périphérie pour aller chercher les flux de consommateurs. "Je ne dis pas que nous n’irons jamais nous installer en centre-ville", concède Christophe Ranchoup. "Mais pour y aller, il faut être prêt au niveau de la logistique."

Pour le directeur général délégué du groupe, c’est le chantier le plus important mené actuellement par 4 Murs. En changeant de modèle et en s’ouvrant à d’autres familles de produits, l’entreprise a fait exploser le nombre des références gérées : "Nous sommes à plus de 7 000 actuellement", détaille Thierry Gagnot. "La logistique a dû suivre", enfonce Christophe Ranchoup. "En réaction, nous avons acheté des surfaces autour du siège, et nous sommes à 7 entrepôts aujourd’hui, de plus ou moins grande taille, pour un total de 9 000 m2".

Du retard sur le digital

Une situation que les dirigeants entendent rationaliser, en investissant dans une plateforme logistique de 20 000 m2, "idéalement à une demi-heure du siège", précise le directeur général délégué qui veut voir ce nouvel outil dédié à la croissance de 4 Murs sortir de terre dans "deux ans et demi, maximum trois ans". Une urgence dictée par les impératifs du marché : "L’expérience client doit être omnicanal", pose Christophe Ranchoup.

Concrètement, un client doit pouvoir commencer ses achats sur le site internet de l’enseigne, avant de se rendre en magasin pour un conseil, pour ensuite valider son panier en famille, sur son smartphone. "Derrière, il faut être capable de livrer très vite. Mais livrer un canapé, ce n’est pas la même chose que d’expédier des rouleaux de papier peint", assure Thierry Gagnot, qui concède aussi des "retards sur le développement du digital". Fin juin, 4 Murs pourra s’appuyer sur une nouvelle version de son site marchand, "un site qui sera bien mieux calibré par rapport à notre positionnement de concept store, et qui invitera les internautes à nous considérer pour autre chose que pour du papier peint". Réalisant aujourd’hui seulement 3 % de son chiffre d’affaires en ligne, 4 Murs veut atteindre les 10 % dans les années à venir. Pour Christophe Ranchoup, si le "réseau des magasins est aujourd’hui assez solide", il ne permettra pas à lui tout seul d’assurer la transformation de 4 Murs, qui doit s’appuyer sur "un site web fort, une colonne vertébrale solide".

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