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Singa Nantes : "La création d’un réseau professionnel est un levier d’insertion énorme"
Interview Nantes # Réseaux d'accompagnement

Pauline Bian-Gazeau cofondatrice et directrice de Singa Nantes "La création d’un réseau professionnel est un levier d’insertion énorme"

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L’association Singa Nantes accompagne les personnes réfugiées et migrantes vers la création d’entreprise. Ces nouveaux arrivants sont épaulés par une équipe nantaise et formés par des experts et dirigeants qui apportent conseils et expériences.

Pauline Bian-Gazeau, cofondatrice et directrice de l’association Singa Nantes — Photo : David Pouilloux

Quelle est la mission de l’association Singa et d’où vient votre volonté d’accompagner les personnes réfugiées et migrantes vers la création d’entreprise ?

Singa veut dire "lien" en lingala. Notre mission est de créer du lien, de faciliter la rencontre, en particulier la rencontre avec les personnes de la société d’accueil. Singa est aujourd’hui un mouvement international, principalement européen, mais aussi présent au Canada ou au Maghreb. Un chiffre du haut commissariat aux réfugiés est éloquent : seulement 12 % des réfugiés connaissent un Français qui ne soit pas payé pour lui parler. Autrement dit, 88 % des personnes que connaît un réfugié en France sont des travailleurs sociaux. Singa s’est créé autour de ça : comment créer du lien. La création d’un réseau professionnel et d’un réseau amical est un levier d’insertion énorme. C’est comme cela que l’on va entendre parler d’un emploi, d’un nouveau métier. Au sein de la communauté Singa, rapidement, la création de lien répondait à une autre attente : l’envie de créer son entreprise. Beaucoup de personnes réfugiées disent souffrir de déclassement professionnel sur le marché du travail. Il faut en moyenne dix ans à un réfugié pour retrouver un emploi avec le même niveau de qualification que dans son pays d’origine.

À Nantes, vous avez lancé un incubateur pour ces femmes et ces hommes qui souhaitent devenir chef d’entreprise. Quels sont leurs profils ?

On peut dire qu’il y en a trois. Le premier est celui d’une personne qui veut créer son entreprise, car c’est un moyen de retrouver une place qui convienne davantage à son niveau professionnel. Pour d’autres réfugiés, qui étaient déjà chef d’entreprise dans leur pays, c’est le souhait de le redevenir en France, sans savoir comment s’y prendre. Un troisième profil relève de personnes bien intégrées ayant la volonté d’aider les autres en créant une association pour les accompagner dans leur intégration. Une promotion compte 10 à 15 personnes. Elles peuvent suivre l’accompagnement qui dure six mois. La plupart ont entre 30 et 40 ans, et viennent du monde entier : Mexique, Chili, Syrie, Afghanistan, Sénégal, Éthiopie, Soudan, Cameroun. Nous venons de lancer la troisième promotion.

Quelles sont les étapes de cet accompagnement ?

La première est une étape de sensibilisation à la création d’entreprise. La seconde est l’étape d’émergence du projet, où l’on passe de l’idée à la formalisation concrète. La dernière est le passage dans l’incubateur avec une formation qui dure six mois. Un suivi individuel est garanti. Chaque porteur de projet a un mentor, un entrepreneur qui a une expérience dans le secteur d’activités choisi par le nouvel arrivant. Il lui apporte une vision stratégique et du réseau. Il y a aussi une mise en lien avec des experts, comptables, juristes, avocats, communiquant, et des formations collectives, des ateliers, sur la prospection commerciale, par exemple… Par ailleurs, des chefs d’entreprise, comme Kevin Goujon, le dirigeant de N’go Shoes, ou Simon Robic, le cofondateur de Screeb, viennent également partager leur expérience.

Qu’attendez-vous des chefs d’entreprise ? Peuvent-ils vous aider ?

Nous sommes au cœur de l’écosystème institutionnel et économique. D’un côté, nous sommes en lien avec la Préfecture, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, par exemple. De l’autre avec les structures d’accompagnement, comme l’Adie, La Cordée, Le Palace, les Ecossolies, et l’Université de Nantes. Mais nous tenons à renforcer nos liens avec les PME et les ETI de notre territoire, avec leurs dirigeants comme nous le faisons avec le Germe (Groupes d’Entraînement et de Réflexion au Management des Entreprises), un réseau de managers humanistes. Elles peuvent, par exemple, faire du mécénat de compétences (mettre à disposition un salarié pour l’association durant une journée, NDLR), du mentorat ou des dons. Une façon de soutenir ces talents venus d’ailleurs.

Nantes # Réseaux d'accompagnement # Création d'entreprise # International