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Sandrine Pelletier, PDG d'Aplix : la bienveillance au pouvoir
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Sandrine Pelletier, PDG d'Aplix : la bienveillance au pouvoir

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Sandrine Pelletier a repris depuis six ans la direction d’Aplix, numéro deux mondial des systèmes d’attache auto-agrippants installé au Cellier (Loire-Atlantique). Elle qui n’avait jamais imaginé reprendre l’entreprise familiale ose se démarquer de ses prédécesseurs en bousculant les habitudes hiérarchiques et en ouvrant l’ETI vers l’extérieur. Portrait.

Sandrine Pelletier a repris depuis six ans la direction d’Aplix, numéro deux mondial des systèmes d’attache auto-agrippants installé au Cellier (Loire-Atlantique). — Photo : Ymla44

C’est la première fois qu’elle se prête au jeu du portrait. Et ce n’est clairement pas un exercice avec lequel Sandrine Pelletier est à l’aise. « Nous sommes plutôt secrets dans la famille », s’excuserait presque, avec un grand sourire, la PDG d'Aplix, le numéro deux mondial des systèmes de fixations auto-agrippants. Cela fait maintenant six ans qu’elle a repris, avec son cousin Fabrice Billarant, la direction du groupe international (1 000 salariés, 208 M€ CA en 2017), qui développe des fixations innovantes autant pour les couches-culottes que pour les toits des voitures, les isolants des avions ou les emballages alimentaires.

Si tous deux ont hérité des rôles de leur père respectif, lui s’occupant de la partie commerciale et marketing, et elle de la direction générale, leur mode de management est très différent. Dès sa nomination à la tête d’Aplix en 2012, Sandrine Pelletier a bousculé les traditions familiales. Pas question de rester à Paris où était pourtant précédemment installé le siège du groupe. À 45 ans, elle déménage et s’installe au Cellier, dans le pays d'Ancenis (Loire-Atlantique). « La partie humaine était très importante pour moi, il fallait que je sois sur place », explique-t-elle.

Un management très collaboratif

Son arrivée change clairement l’ambiance au sein du siège qui accueille un tiers des effectifs du groupe. Sandrine Pelletier laisse constamment sa porte de bureau ouverte, et prend toutes les semaines le temps de faire le tour des ateliers pour discuter avec les opérateurs, pour les saluer, prendre des nouvelles. Une révolution. « J’ai une vraie relation de proximité avec eux, je connais souvent bien leurs problèmes », constate-t-elle. Serait-ce sa sensibilité féminine ? « On n’écoute pas assez les gens qui font », répond de manière plus pragmatique la PDG. « Cela me paraît normal d’être proche, cela ne m’empêche pas de mettre des barrières quand il le faut. Je sais qu’ils connaissent mon histoire, ils ont en retour une vraie gentillesse et bienveillance », poursuit-elle.

« Cela a été un vrai choc de revenir dans l’entreprise. J’avais vraiment été élevé dans l’idée que je ferais autre chose »

La PDG du groupe spécialisé dans les systèmes de fixation s’ouvre en interne mais aussi à l’extérieur. Dès sa prise de fonction, Sandrine Pelletier réfléchit sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), et intègre parallèlement le Club des Trente et le réseau Dirigeants Responsables de l’Ouest (DRO). « C’est une personne très à l’écoute. Elle a un management très collaboratif. Elle n’est pas chez DRO par hasard », confie Philippe Oleron, président du Groupe Sigma et président du réseau DRO. « Sandrine Pelletier réunit en elle le meilleur de l’intuition féminine, d’un management humaniste », explique Hubert de Boisredon, PDG d’Armor. Daniel Le Coënt, PDG du groupe familial Wirquin, avec qui elle échange de temps en temps, retient son élégance, sa prestance et sa détermination. « Elle va au charbon. Je l’embaucherais volontiers pour qu’elle me donne des conseils stratégiques ! », plaisante-t-il. « Cela ne doit pas être facile dans son domaine très concurrentiel. Je suis admiratif de ce qu’elle fait, toujours diplomate mais déterminée, ordonnée et pédagogue ».

Recrutée par un chasseur de tête pour intégrer l'entreprise familiale

Cette vision de l’entreprise, cette façon de manager, Sandrine Pelletier a mis du temps à l’assumer. Elle n’avait jamais pensé à reprendre l’entreprise familiale. « Quand nous étions jeunes, mon père (Jean-Philippe Billarant, PDG de 1974 à 2012) nous parlait très peu de la société. Ce n’était pas un sujet. Il avait la hantise que l’on fasse du mal à la société ».

Diplômée d’HEC, elle commence sa carrière comme consultante en organisation pour Arthur Andersen à Paris, puis passe dix ans au Club Med où elle finit comme directrice financière d’une des filiales des villages vacances. Elle y acquiert une expérience des organisations à l’international. C’est ce qui interpelle le chasseur de têtes employé par Aplix qui cherche en urgence à remplacer le secrétaire général. C’était en 2002. La petite fille du fondateur a alors 35 ans et ne bénéficie d’aucun passe-droit. « C’était très bien comme cela, je ne voulais pas arriver avec la casquette “fille de” », se rappelle-t-elle.

Elle passe toute une série d’entretiens avec la direction et le conseil d’administration. « Cela a été un vrai choc de revenir dans l’entreprise », se souvient-elle. J’avais vraiment été élevé dans l’idée que je ferais autre chose. » « Ce n’était pas dans les plans de la famille », confirme Fabrice Billarant, qui travaillait alors sur le site américain d’Aplix, à Charlotte (Caroline du Nord) et qui ne voyait sa cousine que deux fois par an.

Photo : Le Kwalé

Même après dix ans au poste de numéro trois de l'entreprise, elle n’imagine pas reprendre la succession de son père et refuse même la proposition en 2010. « C’était compliqué dans ma vie personnelle, je venais de perdre mon mari, j’avais mes deux enfants, et je ne me sentais pas de reprendre le poste », explique-t-elle. Passent les mois et même les années sans que le conseil d’administration ne trouve la perle rare. C’est au dernier moment, alors qu’un candidat se présente, qu’elle décide finalement de se lancer. Une décision qui l‘amène à changer de vie, à quitter Paris, où elle avait toujours vécu, pour s’installer à Nantes avec ses enfants.

La famille avant tout

Elle y construit un nouvel équilibre, trouve un peu de temps le midi pour faire du sport, quand elle n’est pas à Shanghai, à Charlotte ou au Brésil sur un des six sites de production. « Cela lui permet d’évacuer », constate Fabrice Billarant. Dans son emploi du temps surchargé, elle s’arrange toujours pour être là pour le dîner du soir avec les enfants, quitte à venir travailler tôt le matin. Elle tient par exemple à faire le tour de France des écoles pour les oraux avec son fils et à l’accompagner elle-même aux épreuves du bac. « Ce sont des priorités sur lesquelles je ne tergiverse pas. La vie m’a appris que la famille reste la plus importante », confie-t-elle.

Un sens de la famille qui transparaît aussi au sein même de l’entreprise où certains collaborateurs se connaissent depuis vingt ans, et où ils ont rencontré leur conjoint. « Pour la fin d'année, nous organisons une fête avec les salariés. À chaque fois, certains lui demandent de prendre un selfie avec eux », raconte Élodie Legoff, responsable de la communication d’Aplix. La PDG se prête au jeu, alors qu’elle avoue détester être prise en photo. La bienveillance avant tout.

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