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Pierre Bessé (Bessé) : « Le risque cyber est le risque de demain »
Interview Nantes # Assurance # International

Pierre Bessé président de Bessé Pierre Bessé (Bessé) : « Le risque cyber est le risque de demain »

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Président de Bessé, l'un des premiers groupes indépendants français de courtage en assurance, Pierre Bessé a fondé sa stratégie sur l'ultraspécialisation et l'innovation. Il entame désormais une nouvelle étape de son développement avec des opérations de croissance externe ciblées et un déploiement à l'international.

Pierre Bessé a pris les rênes de l'entreprise familiale de courtage en assurances d'entreprises en 2010 — Photo : Bessé

Depuis 2009, date à laquelle vous avez pris les rênes de l’entreprise familiale, le groupe a doublé de taille, rien qu’en croissance organique. Sur un marché très concurrentiel, comment expliquez-vous cette réussite ?

Pierre Bessé : Je l’attribue d’abord à notre vision du métier. Celui-ci ne consiste pas à distribuer des polices d’assurance fabriquées par des assureurs. Nous, nous voulons être à l’écoute des risques et des enjeux menaçant nos clients, principalement des ETI et des grands groupes, pour les conseiller et co-construire avec eux un programme d’assurances adapté à leur activité, l’intensité de leurs risques, leur surface financière… Ensuite, il faut assurer le pilotage et le suivi de ce programme qui vit au même rythme que l’entreprise. L’assurance est trop souvent considérée comme un mal nécessaire par les chefs d’entreprise. J’aimerais leur faire partager ma conception d’un outil dynamique, proactif, contribuant à la pérennité de l’entreprise.

Est-ce pour mieux accompagner et conseiller vos clients que vous avez misé sur la spécialisation ?

P. B. : Tout à fait ! Nous avons fait le choix depuis près de 60 ans de nous organiser, non pas autour des métiers de l’assurance, mais de ceux de nos clients. Nous avons débuté notre activité dans les secteurs maritime et logistique. Puis chaque décennie a vu l’arrivée d’un nouveau pôle : l’industrie et les services, puis la distribution automobile et le machinisme agricole, l’immobilier et la construction, l’agroalimentaire, l’énergie et l’environnement et, plus récemment, la protection sociale. Aujourd’hui, toutes nos filières contribuent de façon à peu près équilibrée au chiffre d’affaires qui devrait atteindre 119 millions d’euros en 2019, contre 113 millions en 2018, avec 470 salariés. Il est clair que, chaque fois que nous investissons dans un nouveau pôle, c’est avec l’ambition de devenir référent sur ce secteur. Notre stratégie, c’est de faire la course à la spécialisation avec des équipes qui se sur-spécialisent au fil du temps. À titre d’exemple, nous avons recruté l’ancien directeur de l’Île Longue à Brest pour notre pôle maritime. Nos équipes sont composées d’experts qui baignent au quotidien dans le même univers que leurs clients.

Pendant longtemps, vous avez privilégié la croissance organique et puis, récemment, vous avez réalisé plusieurs opérations de croissance externe. Est-ce un changement de stratégie ?

P. B. : Après Ressources en 2015 et Courcelles Prévoyance en 2017, nous avons effectivement racheté Atlantis Assurances et Euro Cautions en 2019 pour devenir un des leaders du conseil en assurances auprès des constructeurs de maisons individuelles, une micro-niche. La croissance externe a pour vertu de nous faire gagner du temps et des compétences dans des domaines où nous avons de la valeur à apporter. Mais la philosophie de la maison, c’est toujours de grandir par croissance organique, en saisissant les opportunités de croissance externe qui font sens.

Et à l’international ?

P. B. : Il y a deux façons d’aller à l’international. La première consiste à accompagner nos clients dans le monde entier. C’est ce que nous faisons à travers nos différents réseaux de partenaires qui nous permettent d’être présents dans 150 pays. La seconde, c’est d’être capables d’exporter notre modèle en dehors de nos frontières. Nous nous intéressons de près à l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Ce déploiement passera sans doute par des opérations de croissance externe dès 2020.

Comment choisissez-vous les nouvelles filières dans lesquelles vous souhaitez vous développer ?

P. B. : Les choix se font au fil du temps, au gré des opportunités, en fonction des intervenants sur le marché… Pour garder toujours un temps d’avance, nous misons sur l’innovation. Avec la spécialisation, l’innovation constitue le deuxième pilier sur lequel repose notre stratégie. Nous investissons chaque année 6 % de notre chiffre d’affaires dans la R & D. Faire de la R & D signifie, pour nous, être en veille pour identifier les nouveaux risques auxquels seront exposés nos clients. Quand un sujet nous semble potentiellement intéressant, nous affectons des moyens pour l’approfondir : nous montons une équipe dédiée, nous consultons des experts extérieurs, nous réalisons des études… Si cette phase de réflexion confirme notre intuition de départ, alors nous nous attelons à construire des équipes, à embarquer avec nous des prestataires pour concevoir des offres nouvelles et différenciantes. Dans un premier temps, cette démarche ne génère pas un euro de chiffre d’affaires. Mais c’est un investissement qui, peut-être un jour, nous permettra d’ajouter une brique supplémentaire à nos métiers avec un temps d’avance sur le marché. C’est en accompagnant des projets pilotes dans le domaine des énergies marines renouvelables que nous avons pris pied sur cette niche du marché et proposé des garanties spécifiques, là où il n’existait pas de réponse auparavant. Dans ce cas de figure, notre métier consiste à placer l’assureur en zone de réassurance en lui démontrant que nous sommes en mesure de prévenir les risques et de les estimer. Cela dépasse de loin le métier de courtier.

Quels sont les risques émergents sur lesquels vous travaillez actuellement ?

P. B. : Je citerai deux exemples. Le premier porte sur un secteur traditionnel : celui de l’agriculture. Les producteurs sont aujourd’hui en première ligne pour assumer une grande partie des risques de la filière agricole. Leurs revenus sont impactés par la multiplication des aléas climatiques, les nouvelles contraintes sanitaires et réglementaires, la volatilité des marchés… Nous avons donc mené en 2019 des travaux de R & D pure en analysant, au travers de plusieurs enquêtes auprès de nombreux acteurs du monde agroalimentaire, comment nous pourrions sécuriser la chaîne contractuelle avec l’amont agricole. Cette réflexion a notamment débouché sur une solution qui permet à l’organisme collecteur d’apporter un filet de sécurité au producteur pour couvrir ses coûts de production en contrepartie d’un engagement de livraison et de bonnes pratiques culturales.

Vous évoquiez également les cyber risques ?

P. B. : Pour nous, le risque cyber est le risque de demain. C’est l’enjeu majeur dans le pilotage des risques en France. Il s’agit d’un risque systémique, immédiat, qui peut être global et dont on ne mesure pas toutes les conséquences éventuelles. La transformation digitale de l’économie avec le big data, l’intelligence artificielle, les objets connectés, etc. rend les entreprises vulnérables à de nouvelles menaces, en particulier via le développement de la cybercriminalité. Les sinistres peuvent se mesurer en termes financiers, d’image, de réputation, de dommages causés à des tiers… Pour explorer le sujet dans toutes ses dimensions, nous avons interrogé de multiples spécialistes, parmi lesquels des experts en neurosciences. Associés au cabinet Pwc, nous avons publié une étude sur la perception du risque cyber par les PME et ETI. Les résultats sont paradoxaux : 76 % des dirigeants d’ETI sondés déclarent avoir subi au moins un incident cyber, mais ils cernent encore mal les contours précis de la menace et ne se sentent pas directement exposés en dépit des attaques. Pour faire avancer la prise de conscience, Bessé a lancé un club de réflexion sur le sujet réunissant public et privé. Notre mission est de sensibiliser les entreprises au risque cyber et de les accompagner dans son traitement par des solutions assurantielles adaptées.

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