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Patricia Brochard (Sodebo) : « Les brevets ne protègent plus, il faut des innovations de rupture »
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Patricia Brochard (Sodebo) : « Les brevets ne protègent plus, il faut des innovations de rupture »

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En juin, Sodebo va réunir sur un nouveau site de 5.500 m² ses équipes R & D et marketing, près du siège de Saint-Georges de Montaigu. L'investissement illustre l'organisation transversale lancée par l'entreprise pour innover. Interview de Patricia Brochard, coprésidente de Sodebo.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Votre groupe agroalimentaire, qui emploie 2.000 salariés, construit un nouveau bâtiment juste à côté de votre siège de Saint-Georges de Montaigu. De quoi s'agit-il ?
Ce nouveau site de 5.500 m², dont 3.500 m² de bureaux, doit rassembler d'ici début juin en un même lieu nos services R & D, marketing et communication, aujourd'hui dispatchés à plusieurs endroits. Même si elles travaillaient déjà ensemble, ces équipes vont se rapprocher. Une salle de création commune a même été créée.


Pour vous ce bâtiment symbolise un certain type de management sur lequel vous pariez...
Cela illustre un nouveau modèle managérial transversal qu'on développe depuis deux ans. Objectif : casser les effets de silo, le cloisonnement de chacun dans son domaine. Pour cela, on a lancé des formations à des méthodes de gestion des projets, de production en équipe, etc. Derrière, figure l'ambition que tout le monde se sente impliqué, du responsable de service à l'opérateur. Par exemple, pour créer la Pasta Box, Sodebo a lancé une sorte de start-up en interne : une équipe composée d'employés en production, aux côtés d'autres issus de la R & D, du marketing, jusqu'au contrôle de gestion. Au total, une douzaine de salariés y a participé, avec un noyau dur de quelques personnes. Pendant 18 mois, ils ont planché sur ce projet. On faisait déjà un peu ça, on le formalise aujourd'hui avec une certaine méthodologie. En fin de compte, on revient au modèle d'une petite PME, où tout le monde travaille avec tout le monde, un service étant souvent représenté par une seule personne. Il faut être plus agile pour avoir le maximum de réactivité. Tout s'accélère tellement aujourd'hui...


Dans l'industrie, le rythme des créations de nouveaux produits a fortement augmenté...
C'est clair. Auparavant, lorsqu'on lançait un nouveau produit phare, on était entre guillemets à l'abri pendant une dizaine d'années. Plus maintenant. Regardez aujourd'hui, notre Pasta Box, lancée en 2009 a été copiée et commercialisée huit mois seulement après son lancement. On a beau déposer des marques et des brevets, la réalité c'est qu'aujourd'hui vous ne vous protégez plus de grand-chose. La meilleure protection reste d'avoir un temps d'avance. Comment ? Pas seulement avec des nouveautés mais avec des innovations de rupture comme l'ont été la pizza ovale ou la Pasta Box. Ce que fait Sodebo beaucoup plus fréquemment qu'auparavant, tous les trois ou quatre ans en moyenne. Ça ne veut pas dire créer quelque chose de 100 % nouveau à partir de rien. Le plus souvent, on bouscule les codes et habitudes avec de nouvelles façons de consommer en s'adaptant aux nouveaux usages. Prenez les salades, on les avait déjà lancées il y a 15 ans, avant de les arrêter. On les a relancées sous formes de salades repas, il y a trois ans, avec un assortiment : légumes, assaisonnement, graissin et même un cookie. L'idée était de répondre aux modes de consommations nomades.


Sodebo c'est une petite ville. Tout est regroupé en un site ?
Tout, hormis une cinquantaine de commerciaux qui sillonnent la France. Nos sept usines s'étendent sur Saint-Georges de Montaigu, zone du Planty, et la commune voisine de La Guyonnière. L'entreprise occupe 110 hectares, dont 20 hectares de bâtiments, qui abritent plus de 100 métiers : nos sept usines, la plate-forme d'expédition, la maintenance, une blanchisserie, une crèche... On fabrique nos propres machines, on cultive nous-même nos salades, on fait notre jambon... Cette forte intégration fait partie de notre force. C'est un moyen de maîtriser la qualité et ça offre des possibilités d'évolution en interne pour nos salariés.

Combien investissez-vous chaque année ?
Environ 30 millions d'euros.


Quelle place occupe Sodebo dans la grande distribution aujourd'hui ? La pizza reste votre produit phare ?
Tout à fait. La pizza représente environ 50 % de notre production. Sodebo livre 95 millions de pizzas par an. Il y a six gammes pas moins de 34 références différentes sur ce produit. Sodebo reste leader sur la pizza, loin devant la MDD (NDLR : les marques de distributeur), mais occupe aussi le rang de leader sur les box et salades et de co-leader en sandwich. On produit au total 83 millions de sandwichs, 28 millions de salades, et 18 millions de box...


Êtes-vous en croissance ?
Hormis une légère baisse en 2008, notre chiffre d'affaires affiche une croissance molle d'environ 3 à 4 % depuis 2007.

Quid de l'export ?
L'international ne représente que 5 % de notre chiffre d'affaires aujourd'hui, essentiellement en Belgique et en Suisse. D'ici un an, Sodebo va essayer de sortir des frontières européennes. La fille de ma soeur Marie-Laurence, Anne-Charlotte, âgée de 28 ans, nous a rejoints pour ça. Elle a déjà une expérience dans le marketing et revient d'une expérience de plusieurs années au Mexique.

Avec vos deux sœurs vous avez repris l'entreprise créée par vos parents en 1973. Vous préparez donc déjà l'arrivée de la troisième génération ?
Dans les deux prochaines années, on aura un plan pour préparer la transmission. Dans la troisième génération, certains font encore des études, d'autres travaillent ailleurs ou montent leur start-up... On essaie de leur donner une culture de l'entreprise. Chaque année, une réunion est organisée sur un thème précis : comprendre l'histoire de l'entreprise, les étapes de sa construction, les difficultés qu'elle a pu rencontrer, ses succès aussi... Sodebo fait partie de l'association Family business network, un cercle d'entraide pour accompagner les entreprises familiales. La transmission demeure à la fois une question simple et compliquée. Il faut être très précautionneux. Les jeunes ne doivent surtout pas se sentir obligés. Sinon on risque des drames familiaux lourds. Pour nous la liberté c'est important. Notre mère nous a même dit : ne faites pas ça, c'est vraiment difficile ! Elle rêvait plutôt de nous voir devenir prof ou pharmaciennes en se disant que c'était plus facile pour gérer en même temps la vie de famille. Mais on était piquée. Depuis toutes petites. Au début c'était un moyen de passer du temps avec nos parents, sinon on les aurait peu vus. Puis on s'est imposé en faisant les saisons plutôt que d'aller en colonies de vacances. Et on a assisté à l'expansion de l'enseigne. L'ambiance était très excitante.

Si aucun enfant ne reprend la direction opérationnelle, vous prévoyez une transmission familiale via le capital ?
Oui. Après on attend de voir comment évolue la législation. Aujourd'hui transmettre reste extrêmement coûteux en France. Ce qui explique qu'il y a beaucoup moins de reprises familiales que dans certains pays comme l'Allemagne. La France va être obligée d'évoluer sur le sujet, sinon la seule solution sera de vendre à des groupes, voire à des étrangers.

Sodebo (Saint-Georges-de-Montaigu)
Présidentes : Patricia Brochard,
Marie-Laurence Gouraud, Bénédicte Mercier
2.000 salariés ; 410 M€ de CA
02 51 43 03 03 ; www.sodebo.fr

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