Nantes
Pascal Lefeuvre : « Le chaos peut être bénéfique à l’entreprise »
Interview Nantes # Organismes de formation # Management

Pascal Lefeuvre chef d'entreprise et auteur du livre "Les Vertus du chaos" Pascal Lefeuvre : « Le chaos peut être bénéfique à l’entreprise »

S'abonner

Chef d'entreprise nantais ayant vécu deux redressements judiciaires, Pascal Lefeuvre, aujourd'hui consultant en développement personnel et coach certifié, capitalise sur ses échecs. Il met son expérience de la résilience et du rebond au service des dirigeants et de leurs équipes, via la théorie du chaos, qu'il expose dans son livre Les Vertus du chaos. Explications.

Pascal Lefeuvre met la théorie du chaos au service du management dans son livre " Les vertus du chaos " — Photo : Pascal Lefeuvre

Le Journal des Entreprises : N’est-il pas un peu provocateur d’aller parler des bénéfices du « chaos » à des chefs d’entreprise qui consacrent l’essentiel de leur temps à structurer, organiser, planifier… ?

Pascal Lefeuvre : Mon livre parle avant tout de résilience. Le chaos, c’est quoi ? C’est un big bang, le début de quelque chose de nouveau. La théorie du chaos a été conceptualisée par le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine et d’autres scientifiques. Pour eux, le chaos, ce n’est ni bien, ni mal : c’est l’état d’un système.

Un chef d’entreprise et ses collaborateurs, par exemple, constituent un système humain en interrelation. Or, ces systèmes peuvent avoir plusieurs états. Le premier, c’est l’équilibre. Le deuxième, c’est l’oscillation. Dans une pièce, s’il fait trop chaud, le thermostat va corriger le déséquilibre en arrêtant le chauffage. Mais à partir d’un certain stade appelé « tipping point » (ou point de basculement), le système se dérègle. Au lieu de rester sous contrôle, le désordre s’auto-amplifie. Le thermostat est cassé : plus il fait chaud, plus il déclenche le chauffage.

Le monde est actuellement dans cette phase. Les choses évoluent très vite. Le système n’a plus le temps de s’adapter aux changements.

Comment la phase de chaos se traduit-elle dans une entreprise ?

P. L. : Dans une entreprise, la phase de chaos fait suite à un redressement judiciaire, un impayé, le départ d’un collaborateur clé, la perte d’un gros client, le pivotement d’un modèle économique… Ces événements sont traumatisants pour les collaborateurs et pour le chef d’entreprise. Le traumatisme est démultiplié par la solitude du dirigeant. Celui-ci ne peut pas se plaindre. Il doit faire bonne figure pour préserver sa famille, ne pas démotiver ses salariés, ne pas perdre la confiance de ses clients, fournisseurs…

« Il n’est pas nécessaire d’attendre d’aller mal pour vouloir aller mieux. »

Tout le monde n’est pas égal face à ces traumatismes, mais tout le monde a en soi l’énergie du rebond qui sommeille. Le neuro-psychiatre Boris Cyrulnik l’a bien illustré dans ses livres sur la résilience.

Comment sort-on du chaos ?

P. L. : La phase chaotique a deux issues : ou le système s’effondre, ou un nouvel équilibre émerge. La théorie du chaos appliquée au management a forcément une issue positive. Elle consiste à mobiliser la formidable énergie mise en œuvre lors de ces changements pour faire naître des solutions bénéfiques.

L’approche, présentée dans ce livre, est liée à mon histoire personnelle, puisque j’ai connu deux redressements judiciaires à sept ans d’intervalle. En 2007, après le dépôt de bilan du laboratoire de recherche pour l'industrie pharmaceutique que j'avais créé en 2002 et qui se développait à l'international, je me retrouve interdit bancaire, sans revenus, avec une caution de 120 000 euros à rembourser. Je me suis reconstruit et j’ai rebondi, en puisant dans des ressources que j’expose dans mon livre. L’objectif est de faire profiter mes clients et lecteurs de mon expérience et des outils, très puissants, liés à la théorie du chaos pour aller vers du mieux, sans passer par un épisode traumatique. Il n’est pas nécessaire d’attendre d’aller mal pour vouloir aller mieux.

Comment mener à bien le processus de résilience ?

P. L. : Le chaos fait exploser les anciennes façons de penser, de faire, les croyances, les mauvaises habitudes… Pour enclencher le changement sans passer par la case chaos, il faut déconstruire brique par brique les anciens schémas de fonctionnement et les anciens systèmes de valeurs pour les reconstruire. Il faut désapprendre pour réapprendre.

« Il faut se poser la question : "Où va mon entreprise ?" Quand on a un cap, on est porté par un élan. On arrête de se mettre des barrières. »

Cela passe par plusieurs étapes. La première consiste à aller chercher ses « talents invisibles ». Pour cela, il faut se demander d’où l’on vient. La vie nous emmène parfois sur des chemins qui nous font oublier ce que nous aimions dans notre enfance, dans notre passé. Le travail que je mène auprès des dirigeants et de leurs équipes consiste à aller rechercher ce qu’ils sont vraiment pour faire émerger ces ressources oubliées qui constituent autant de points forts, sur lesquels s’appuyer. L’idée est de focaliser son énergie dessus, plutôt que de s’épuiser à compenser ses points faibles.

Je fais également travailler mes clients sur ce que j’appelle « les potentiels impensables », en les faisant se poser la question d'où ils vont. Quand on a un cap, on est porté par un élan. On arrête de se mettre des barrières.

Quels résultats pour le chef d’entreprise et l’entreprise ?

P. L. : La théorie du chaos permet de donner du sens à ce que l’on fait, de savoir où l’on va. Au bout du compte, elle apporte de l’efficience et améliore la performance de l’entreprise. Elle permet de performer sans se forcer.


Livre Les Vertus du chaos, Pascal Lefeuvre, éditions Les Traces de l'Oubli.

Nantes # Organismes de formation # Management