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Neopolia : « Rien n’est fléché pour les PME dans le plan d'aide à la filière aéronautique »
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Alain Leroy président de Neopolia Neopolia : « Rien n’est fléché pour les PME dans le plan d'aide à la filière aéronautique »

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Alain Leroy, président du réseau Neopolia, qui réunit 240 entreprises industrielles des Pays de la Loire, se bat pour obtenir des financements de la part de l’État, que ce soit pour les projets de relance des PME de la filière aéronautique comme pour le projet commun de construction de cargos à voile pour Neoline et de site industriel à Saint-Nazaire.

— Photo : Neopolia

Où en êtes-vous du projet de construction de cargos à voiles pour Neoline ? Le projet initialement prévu pour 2021 a pris quelques mois de retard manifestement.

Alain Leroy : Nous cherchons toujours 4 millions d’euros pour accompagner nos travaux de R & D sur un projet qui représente un investissement total de plus de 90 millions d’euros pour les TPE et PME membres du réseau Neopolia. Nous avons le soutien de nos partenaires bancaires et les fonds propres. Nous avons rencontré plusieurs fois des représentants de l’État depuis un an mais je ne comprends pas pourquoi le projet n’aboutit pas. C’est un projet de création de filière, qui devrait générer entre 250 et 300 emplois au démarrage. Il coche toutes les cases du plan de relance ! Il y a une question de souveraineté derrière. Pour la construction de la coque du cargo (à voile de Neoline, NDLR), nous sommes obligés d’aller chercher un prestataire à l’étranger puisqu’il n’y a plus de chantier en France capable de construire des navires de plus de 92 mètres, hors les Chantiers de l’Atlantique qui ont leur plan de charge. Fin octobre, nous avons rencontré avec Neoline les services de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, afin d’exposer nos besoins. Nous espérons être entendus, sachant que sans ce soutien nous serons contraints d’abandonner et de laisser ce projet partir se réaliser hors de France.

Le réseau Neopolia rassemble aussi des sous-traitants de l’aéronautique. Le gouvernement a promis 15 milliards d'euros pour aider la filière aéronautique, est-ce que les membres de Neopolia ont pu en bénéficier ?

Sur les 15 milliards d'euros d’aides de l’État, si l’on enlève l’aide de 7 milliards pour Air France, celle de 1,5 milliard accordée au collectif Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile, qui fédère l’ensemble des acteurs du transport aérien, NDLR) et les commandes aux constructeurs, seulement 300 millions sur trois ans sont dédiés aux projets d’entreprises sans qu’il y ait un budget fléché vers les PME et ETI. Que restera-t-il pour les PME et TPE ? Aujourd’hui toutes les aides dédiées au secteur aéronautique vont principalement vers les grands groupes. Je suis profondément dépité, voire écœuré.

Vous en avez parlé avec les collectivités locales et les représentants du gouvernement localement ?

Dès 2022, le Neoliner devrait effectuer deux rotations par mois en partant de Saint-Nazaire, direction Baltimore sur la côte est des Etats-Unis, en passant par Halifax et Saint-Pierre-et-Miquelon. — Photo : Bureau Mauric

Les services de la Région Pays de la Loire et de la Préfecture de région, avec qui nous travaillons au travers de bons échanges, ne suffisent pas pour faire infléchir la position actuelle de l’État. Il faudrait que l’on oblige Bercy à flécher au moins 10 à 15 % des fonds vers les PME.

Ce n’est pas le seul projet sur lequel vous attendez une réponse de l’État. Neopolia a un autre projet industriel de grande ampleur en cours à Saint-Nazaire ?

Nous sommes par ailleurs candidat à l’appel d’offres lancé pour le programme national Territoires d’industries à Saint-Nazaire. Nous proposons de construire un site industriel mutualisé à Saint-Nazaire qui permettrait de construire des gros objets maritimes, comme des bateaux bien sûr mais aussi des bouées, des grosses structures etc. Nous sommes en discussion constructive avec le Grand Port maritime de Nantes Saint-Nazaire et nous sommes à la recherche d’un espace de 10 à 20 hectares en bord de quai. Le site intégrera des services mutualisés tels que la maintenance, la logistique, la manutention, le réseau informatique, les services de restauration des salariés, une crèche et même une école intégrée pour former nos salariés (du CAP au master).

"Avec ce projet de ré-industrialisation, nous pouvons être les champions du monde de la filière vélique !"

Quel est l’enjeu de ce projet ?

Ce site pourrait compléter le dispositif pour assurer le soutien à la filière vélique sachant que le marché de la marine à voile représente 250 bateaux à construire par an d’ici à 2030. Si l’on arrive à capter ne serait-ce que 1 à 2 % du marché, cela nous fera déjà entre deux et quatre bateaux en commande par an. Nous sommes pour le moment en phase 1 du projet avec l’aide de l’État en Région. À part les Chantiers de l’Atlantique et les chantiers militaires, il n’y a pas d’autres industriels capables de construire des bateaux de plus de 90 mètres. Avec ce projet de ré-industrialisation, nous pouvons être les champions du monde sur ce sujet, il y a une vraie filière à créer.

Le gouvernement et le Conseil régional des Pays de la Loire ont annoncé des plans ambitieux pour soutenir la filière hydrogène. Avez-vous déjà des projets en cours avec le réseau Neopolia ?

Il y a aujourd’hui 51 entreprises membres de Neopolia qui sont inscrites dans le groupe de réflexion sur l’hydrogène et nous avons pour le moment lancé 17 projets. Nous travaillons par exemple avec Duqueine Atlantique sur la fabrication de réservoirs d’hydrogène. Avec Man Energy Solutions (650 salariés, 200 M€ de CA), à Saint-Nazaire, nous avons proposé d’étudier et de transformer les moteurs traditionnels à pistons afin d’utiliser l’hydrogène comme carburant. Nous avons proposé à Stéphane Le Foll, président de Le Mans Métropole, de participer à ce projet en travaillant sur un véhicule pour les collectivités. Il était plutôt favorable à cet axe de développement. À ce jour nous attendons le retour de ses services.

Dans un autre registre, EDF a choisi de faire construire son bateau de service en mer (CTV Crew transport Vessel) destiné au projet éolien marin de Guérande par le groupe Louis Dreyfus Armateurs (18 M€ de CA, 2 600 salariés). Nous espérons que ce dernier choisisse de travailler avec nous. Nous proposons la seule solution industrielle totalement française. Pour ce projet industriel, nous avons pu avancer très favorablement avec les services de la Région qui ont parfaitement compris l’enjeu industriel de ce projet pour le territoire et d’ainsi ancrer une vraie filière de compétences hydrogène.

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