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Marc Bouchery : « Sur l’aéroport Nantes-Atlantique, la réalité nous montre bien que le plan B n’existait pas »
Interview Nantes # Politique économique

Marc Bouchery ancien directeur du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand ouest Marc Bouchery : « Sur l’aéroport Nantes-Atlantique, la réalité nous montre bien que le plan B n’existait pas »

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Il a suivi pendant de nombreuses années le dossier du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes en tant que directeur du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest. Marc Bouchery publie le livre Autopsie d’un déni démocratique (éditions Librinova). Il revient sur toute l’histoire de ce projet d’aéroport abandonné par le gouvernement en janvier 2018.

Marc Bouchery a été directeur du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest de 2016 à 2018. — Photo : Amandine Dubiez - Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Pourquoi avoir écrit le livre Autopsie d’un déni démocratique sur l'histoire du projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes ?

Marc Bouchery : Au moment de la déclaration d’abandon du projet par Edouard Philippe en janvier 2018, j’ai été choqué de la façon dont cela a été présenté par « 50 ans d’hésitations », de la manière de faire croire que le réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique n’avait pas été envisagé et que les électeurs n’avaient pas voté en toute connaissance de cause le 26 juin 2016. J’ai commencé à relire les rapports écrits sur le sujet depuis le début du projet dans les années 60. Plus j’avançais dans cette lecture, plus je constatais que les arguments du Premier ministre étaient contredits par les faits. Contrairement à ce qu’il avançait, le réaménagement de Nantes-Atlantique avait déjà été étudié plusieurs fois. De toutes les études qui ont été menées, aucune n’a affirmé que le maintien à Nantes Atlantique était impossible mais qu’il aurait deux évolutions néfastes sur l’environnement et l’urbanisme. Ce maintien a aujourd’hui deux conséquences que l’on constate bien : les nuisances sonores et l’étalement urbain engendré, avec des coûts pour l’agglomération.

J’ai voulu aussi, avec ce livre, réhabiliter l’engagement et le travail des élus locaux totalement éludés par les médiateurs pour satisfaire un ministre du gouvernement qui est parti depuis… Ce livre permet ainsi avec le recul de montrer comment les médiateurs ont orienté leur rapport qui avait pour objectif de faire croire à un maintien possible de Nantes-Atlantique quitte à minimiser les délais de procédures, les trafics, les coûts, les conséquences sur l’urbanisme, les populations.

Vous rappelez dans ce livre que le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-landes était soutenu par les Verts à l’origine ?

M. B : Oui, à la fin des années 90, les Verts soutenaient le projet, et Dominique Voynet elle-même avait fait une déclaration à l’Assemblée Nationale pour le soutenir, arguant que le trafic aérien ne pouvait pas se concentrer uniquement à Paris. C’était un projet qui avait été pensé avant tout pour l’environnement et pour la population, afin d’éviter l’étalement urbain autour de Nantes. Toutes les études environnementales montraient bien que la situation était compliquée autour de Nantes-Atlantique avec une zone Natura 2000 à proximité et des capacités d’extension très contraintes. Tout montrait que la meilleure option pour accompagner la croissance du trafic aérien était de transférer l’aéroport. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne devait impacter que 900 personnes, contre 80 000 pour Nantes-Atlantique à terme.

Alors que la concertation publique doit prendre fin en juillet, quel scénario pensez-vous le plus crédible pour l’avenir de Nantes-Atlantique ?

M. B : Je ne sais pas. La réalité nous montre bien qu’il n’y avait pas de plan B. Je ne sais pas quel sera le scénario privilégié sachant que les coûts estimés vont de 400 à 900 millions d’euros si on ajoute une deuxième piste ou une piste transversale ; d’autant qu’aucun délai n’est donné par la Direction Générale de l'Aviation Civile. Alors que Vinci s’était engagé sur 315 millions d'euros à l’ouverture prévue de Notre-Dame-des-Landes sur une concession de 55 ans, il faudra trouver un concessionnaire qui acceptera de mettre le double pour une durée de concession incertaine avec un plafond de 15 millions de passagers probablement atteint autour de 2040-2045. Même si les mouvements actuels souhaitant limiter le transport aérien ou taxer le kérosène sont à prendre en compte, ils ne sont pas de nature à remettre en cause le doublement du trafic mondial de 4 à 8 milliards de passagers d’ici à quinze ans, y compris dans l’Ouest où les alternatives TGV sont inadaptées aux liaisons point à point en Europe. Il faut espérer que les garants de la Commission nationale du débat public pourront lever les doutes sur les incertitudes actuelles.

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