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« L'Université de Nantes peut aider les entreprises à innover »
Interview Loire-Atlantique # Organismes de formation # Innovation

Aurélie Bineau et Benoit Furet de l'Université de Nantes Aurélie Bineau et Benoit Furet de l'Université de Nantes « L'Université de Nantes peut aider les entreprises à innover »

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En trois ans, l'Université de Nantes a plus que doublé ses partenariats de recherche avec les entreprises. Projets de R&D, innovation, formations, elle veut se rapprocher des groupes et PME du territoire. L'enseignant-chercheur-entrepreneur Benoît Furet, inventeur de la maison construite en impression 3D et conseiller Innovation et Relations entreprises auprès du président de l’Université de Nantes, et Aurélie Bineau, responsable Partenariats, innovation et entrepreneuriat pour l'établissement nantais, lancent un appel aux entreprises. Ils les trouvent trop frileuses dans leurs projets de recherche.

— Photo : JDE

Le Journal des Entreprises : Un espace consacré aux entreprises, une filiale dédiée à la recherche appliquée, une nouvelle formation sur la transformation numérique... l’Université de Nantes collabore de plus en plus avec les entreprises. Pour quels résultats ?

Aurélie Bineau : En trois ans, l'Université de Nantes a augmenté de 150 % son chiffre d'affaire sur les activités avec les partenaires. A travers sa filiale Capacités (dont l'Université détient 97 % du capital et la CCI Nantes-Saint-Nazaire 3 %) elle a développe des prestations de R&D pour 200 clients, dont la moitié sont des PME. Elle compte 90 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 8,3 millions d'euros, dont 13 % à l'international. Par ailleurs, une cinquantaine de start-up sont issues des laboratoires de l'Université de Nantes.

Benoît Furet : Nous voulons amplifier la dynamique entrepreneuriale. Beaucoup de sociétés voient encore l’Université comme un gros mammouth où les projets n’avancent pas. Au Canada, où j’ai enseigné il y a près de 20 ans, j’étais en relation directe avec les entreprises. Quand je suis revenu à Nantes en 2002, nous étions les premiers, avec Patrick Cheppe, PDG d’Europe Technologies, à initier un projet labellisé entre entreprises et université, avec le pôle de compétitivité EMC2.

Quand on va à la rencontre des entreprises, on se rend bien compte qu’elles pensent que l’université n’est pas faite pour eux, qu’il n’y a que des blouses blanches. Ce n’est pas du tout cela.

Qu’est-ce que l’Université de Nantes peut apporter aux entreprises ?

B. F. : Par exemple, des chercheurs travaillent actuellement à développer l'offre de compétences sur l'intelligence artificielle. Nous sommes, notamment, en cours de montage d'un projet d'IA avec une PME nantaise, pour laquelle nous allons exploiter des algorithmes d'extraction de connaissances et de prises de décision, développés en laboratoire et qui seront appliqués sur un produit grand public. Nous travaillons aussi pour un autre projet avec Mecachrome, un groupe sarthois spécialiste de l’usinage pour l’aéronautique, et avec Airbus sur leurs machines de production. Au sein de l’université, nous faisons aussi des recherches sur la captation de signaux électriques émis par le cerveau, qui peuvent permettre de créer des interfaces homme-machine pour piloter des drones par exemple.

« Je trouve certaines entreprises françaises trop frileuses. Non, la recherche n’est pas faite que pour les grands groupes ! »

L’avantage c’est que l’université peut faire travailler ensemble plusieurs laboratoires. Sur la thématique de l’assistance aux gestes avec les exosquelettes, il y a l’aspect technique, qui fait l’objet de recherches au sein des laboratoires du Staps, mais aussi l’aspect humain, sur lequel on travaille, avec nos collègues des sciences humaines et sociales, pour mesurer l’acceptabilité de la technologie.

Vous lancez un appel aux entreprises ?

B. F. : Il ne faut pas qu’elles se limitent, ni qu’elles aient des a priori. Non, la recherche n’est pas faite que pour les grands groupes. Je trouve les entreprises, pour certaines, trop frileuses. Cela me fait mal au ventre quand je vois ce que l’on développe avec Batiprint, sur l’impression 3D de maisons, et que ce sont des entreprises norvégienne ou chilienne qui viennent nous proposer des partenariats...

Pour vous donner un exemple, l’an dernier, un laboratoire chinois est venu me chercher pour me proposer d'aller travailler là-bas deux mois dans l’année, de manière à mener des projets, et ce pour un salaire de 26 000 euros mensuels. D’autres collègues ont sûrement déjà eu ce genre de propositions. Ce n’est pas étonnant de voir nos chercheurs partir à l’étranger.

L’Université de Nantes vient d’intégrer le Reuters Top 100, le classement des universités européennes les plus innovantes. Il ne faut pas laisser partir nos pépites !

Les entreprises de la région se plaignent de difficultés de recrutement. L’Université de Nantes peut-elle les aider ?

B. F. : Honnêtement, pour les étudiants, certaines entreprises industrielles apparaissent comme ringardes. Il faut qu’elles donnent envie aux jeunes ! Quand j’assiste à des réunions dans des start-up, cela se passe dans des canapés, pas autour d’une table. C’est une autre façon de travailler. Il faut que les entreprises prennent ce virage. Je crois à la "geekisation" des métiers. Mes étudiants, par exemple, sont tous sur leur portable, tout le temps. Au lieu de les en empêcher, je leur demande de faire des recherches avec. Il faut que les entreprises s’adaptent aux jeunes.

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