LGV : Nantes doit-elle craindre Rennes et Bordeaux ?

LGV : Nantes doit-elle craindre Rennes et Bordeaux ?

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L'accélération de la desserte ferroviaire vers les villes de la façade ouest d'ici à 2017 relance la compétition entre Nantes, Rennes et Bordeaux. Comment les trois villes s'organisent dans cette perspective ? En tirent-elles déjà partie ? À qui profitera le plus la LGV nouvelle ?
— Photo : Le Journal des Entreprises

Le compte à rebours est lancé ! Dans moins de deux ans, Rennes, Nantes et Bordeaux seront plus près de Paris par le TGV. Pour la cité des ducs, le gain ne se limite qu'à quelques minutes. Rien à voir avec Rennes qui sera à 1h30 de la capitale. Une opportunité à ne pas manquer pour le président de l'agglomération bretonne, Emmanuel Couet : « Se rapprocher de Paris par le fer est un atout décisif, pour hisser Rennes dans la division supérieure ». À Nantes, ce n'est pourtant pas vers la capitale bretonne que les regards se tournent. Mais vers le Sud, vers Bordeaux qui sera bientôt à un peu plus de deux heures de Paris. Dans la cité des ducs, certains ne cachent pas leurs inquiétudes. Pour le Nantais Hubert de Boisredon, P-dg d'Armor (2.000 salariés), « il est vital que Nantes ne se laisse pas distancer ». Et l'industriel de plaider pour davantage de liaisons aériennes. Un professionnel de l'immobilier nantais tire carrément la sonnette d'alarme. « Rennes et ses 30 minutes de train d'écart avec Nantes, ça ne fera pas la différence. Par contre, trois ou quatre degrés d'écart avec Bordeaux, là, on est mal, on est très mal ! ».




L'enjeu : Les Parisiens

Le principal enjeu de cette bataille ferroviaire ? C'est le marché de la délocalisation d'entreprises parisiennes. Nantes possède une bonne longueur d'avance sur Rennes et Bordeaux à ce jeu, qui contribue au dynamisme économique de la ville. Depuis 2010, 25 % des entreprises que Nantes Saint-Nazaire Développement, l'agence économique de la métropole, a accompagnées dans leur implantation dans la cité des ducs sont originaires de Paris. On parle de 102 entreprises, qui ont créé 1.419 emplois sur le territoire. Et souvent, dans les raisons qui expliquent leur implantation à Nantes, les Parisiens citent la proximité, via le TGV, avec Paris.




Concurrence bordelaise

Si Rennes et Bordeaux se rapprochent de la capitale, attention aux mirages ! Le Mans en a, par exemple, fait les frais. « La LGV est nécessaire mais n'a jamais été suffisante pour qu'une ville se développe, s'il n'y a pas une politique économique de développement », temporise Jean-Marc Trihan, P-dg du promoteur rennais Lamotte, présent aussi à Nantes et à Bordeaux depuis peu. Reste que Bordeaux n'a pas dans son jeu que les cartes TGV et météo. « Il y a une vraie concurrence à venir, selon un autre professionnel de l'immobilier nantais. Les Bordelais ont bien avancé sur leurs quartiers d'affaires de la gare. Et ils développent une communication extrêmement agressive. » D'après les confidences d'un collaborateur de Nantes Saint-Nazaire Développement, la chasse aux entreprises parisiennes promet d'âpres batailles : « En 2017, avec tous leurs projets, la force de frappe des Bordelais va être terrible. Aujourd'hui, on ne les voit pas... La concurrence, c'est Lyon, Lille, Toulouse et le Sud de la France. » André Delpont, expert conseil chez Bordeaux Euratlantique, confirme que les cartes vont être rebattues : « Toulouse est notre concurrent actuel, Rennes et Nantes seront nos concurrents de demain. Ces deux villes ont mangé leur pain blanc et elles s'aperçoivent qu'elles vont devoir le partager. Je comprends leur inquiétude, car au-delà de l'effet LGV, "l'effet Atlantique" est très important. Les entreprises sont sensibles aux aspirations de leurs cadres, et ceux-ci sont attirés par la nature et le sport, domaines où Rennes et Nantes ont très bien joué leurs cartes. Or, Bordeaux commence également à avoir cette carte. Nous devenons une ville à la mode et nous devons nous dépêcher d'en profiter ».




Complémentarité Nantes-Rennes

Un élu nantais décrypte anonymement : « La vérité, c'est que Bordeaux avait du retard, pas seulement sur Nantes, mais sur toutes les grandes métropoles », ajoute-t-il, pas plus inquiet que cela. Face à cela, politiquement, Rennes et Nantes préfèrent faire front commun. Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole le défend : « Avec Rennes d'abord, je crois à la carte de la complémentarité. Quand avec Nathalie Appéré, la maire de Rennes, nous portons ensemble un projet d'université en commun, les présidents des deux CCI, Nantes et Rennes, sont avec nous pour porter cette bataille au niveau du gouvernement. Que nous disent-ils ? Qu'il n'y a aucune concurrence entre les entreprises nantaises et rennaises ? Bien sûr que non. Ça, c'est la vie du monde des entreprises. Par contre, ils nous disent que oui, à l'échelle du pays, à l'échelle de l'Europe encore plus, on a tout intérêt à jouer des complémentarités parce qu'il y a des questions de taille, de capacité à challenger les plus grandes villes européennes. Je crois à cette carte de la complémentarité. » Notre élu nantais anonyme analyse : « Notre enjeu, c'est d'être capable de jouer la carte de la coopération avec Rennes et Brest. Bordeaux, avec qui ils coopérèrent demain ? Quand on veut peser en Europe, l'échelle grand Ouest est déterminante ».




Bordeaux regarde aussi le sud

La complémentarité, Bordeaux espérait la jouer avec Toulouse et l'Espagne, grâce à la réalisation de LGV au-delà d'Aquitaine. Mais ce hub ferroviaire du grand Sud-Ouest a du plomb dans l'aile : le projet de la LGV au Sud de Bordeaux vient de recevoir un avis défavorable de la commission d'enquête. Finalement, les trois villes tireront toutes bénéfice de la LGV, mais à quel rythme et qui ira le plus vite ? Rennes n'en est qu'aux fondations et sa gare n'a rien encore d'un hub régional. De son côté, Bordeaux a engagé quatorze chantiers dans et autour de sa gare, pour un investissement de 200 M€. Nantes joue sur son expérience et la continuité.

Côté immobilier, cette nouvelle donne va bouleverser les quartiers des gares. Rennes et Bordeaux prévoient plus de 100.000 m² de bureaux supplémentaires en 2017. Nantes, deux fois moins. Mais là encore, le quartier d'affaires de la gare de Nantes a une bonne longueur d'avance. Il s'étend déjà sur 410.000 m² et les Nantais lissent davantage son développement. 200.000 m² supplémentaires devraient tout de même sortir de terre d'ici 2022. Et si la ville garde son rythme de commercialisation, les mètres carrés à venir ne devraient pas avoir trop de mal à trouver preneur. Le quartier d'affaires de la gare de Nantes est en effet occupé à 94 %.