Pays de la Loire
Le e-commerce revoit sa stratégie après le Covid
Enquête Pays de la Loire # Commerce # Conjoncture

Le e-commerce revoit sa stratégie après le Covid

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La période des confinements a suscité un engouement sans précédent des ventes à distance. Encore faut-il entretenir la tendance. Les e-commerçants de Loire-Atlantique et de Vendée repensent une partie de leur modèle à l’aune des nouvelles habitudes de consommation. En parallèle, des start-up locales déploient des innovations qui ouvriront, espèrent-elles, la voie à de nouvelles pratiques en ligne.

Les confinements de 2020 (entre mars et mai et d’octobre à décembre) puis de 2021 (de mars à mai) ont fortement bénéficié au commerce en ligne. Depuis, les professionnels du secteur s’attachent à maintenir leur croissance — Photo : DR

Ce fut une période dorée pour les affaires dans une phase sombre comme jamais pour un large pan de l’économie. Cet apparent paradoxe singularise le commerce en ligne qui n’a jamais autant été propulsé que durant le Covid et son cortège de boutiques aux rideaux fermés. Aujourd’hui, les acteurs vendéens et de Loire-Atlantique s’arriment à ces mois fastes pour continuer à creuser le sillon de leur croissance.

Pour bien mesurer les ricochets des mesures sanitaires, les chiffres de la Fevad, la fédération nationale du e-commerce et de la vente à distance, sont éloquents. Après 2020 marquée par une forte évolution du nombre d’acheteurs, la deuxième année de pandémie a été celle de la fidélisation. 41,8 millions des Français ont effectué des emplettes sur le Net en 2021, soit 153 000 de plus qu’en 2020. Traduit en chiffre d’affaires, la hausse est de 15,1 % (129 milliards d’euros), et de 25 % en regard de 2019.

"La période Covid, un gros boost"

Caroline Hennequin, d’Ô’Poisson : "Il faut désormais être plus transparent à l’égard du client, montrer notre côté authentique." — Photo : Cyril Raineau

Interroger un dirigeant vendéen ou de Loire-Atlantique du e-commerce sur l’époque Covid, c’est donc invariablement les replonger dans une période faste. "Elle a démocratisé la livraison du frais à domicile", témoigne la codirectrice de Ô Poisson aux Sables d’Olonne, Caroline Hennequin. Sa PME de 14 salariés de livraison de produits de la mer a vu son chiffre d’affaires dopé de 800 000 € en 2018 à plus de 2 millions en 2021. "C’est clairement une période qui a développé notre activité", dit en écho Aude Viaud, dirigeante de Smala, enseigne nantaise de vêtements de seconde main pour enfants (40 collaborateurs) et dont le chiffre d’affaires a été multiplié par quatre en un an pour s’établir à 2,6 millions d’euros en 2021. Guillaume Ziegler, à la tête d’Equi-Clic aux Sables d’Olonne, boutique d’équitation en ligne de sept salariés (chiffre d’affaires non communiqué), se souvient " d’un gros boost" avec des commandes qui ont volé de 14 000 en 2019 à plus de 30 000 livrées en 2021.

Les exemples pourraient se multiplier. Mais la page des confinements est, pour l’instant, tournée, et le fléchissement point. Là encore, les chiffres de la Fevad sont révélateurs d’un changement. Au deuxième trimestre 2022, en miroir du deuxième de 2021, les ventes par internet de produits ont dévissé de 17 %. Une bonne nouvelle toutefois, le niveau demeure plus élevé qu’avant la crise Covid, soit 2019 (+ 33 %). Akeneo a une explication à cette trajectoire. La PME nantaise de 300 salariés qui développe des solutions d’expérience produit pour les professionnels, observe que "depuis la fin de la crise sanitaire, les habitudes de consommation ont changé : les acheteurs sont omnicanaux. Ils s’attendent à ce que les produits soient disponibles partout, en tous lieux et à n’importe quel moment."

L’équation pourrait donc se résumer ainsi : la dynamique fléchit depuis la fin des mesures sanitaires, mais les chiffres demeurent toujours bons puisque le consommateur a changé et est en attente. Comment alors entretenir la flamme de la vente de manière pérenne ?

Diversification, authenticité et adaptabilité

Une des premières réponses est apportée par Rosemood : la diversification. La PME de 130 salariés, initialement positionnée sur le faire-part part et la papeterie personnalisée, tire son épingle de ce jeu complexe en s’ouvrant à l’univers de la photo. "En 2022, le mariage est reparti très fort puisque certains ont été décalés, 2023 sera également une bonne année pour les cérémonies, illustre son président Grégoire Monconduit. Et les gens ont énormément voyagé ces derniers mois, rapportant de leur séjour des photos". Conséquence : le chiffre d’affaires de 10 millions d’euros en 2019 approchera 17 millions en 2022.

L’atelier nantais Rosemood vient d’investir dans une nouvelle presse pour faire face à l’accroissement de son activité — Photo : Rosemood

Autre axe pour conserver une bonne dynamique, investir, un cas de figure qu’illustre également Rosemood. "Pour aller plus vite, nous automatisons des tâches. Nous investissons en ce sens tous les ans, poursuit Grégoire Monconduit. Et en septembre, nous avons engagé plus d’un million d’euros dans une troisième presse pour imprimer nos faire parts et albums photos."

Se positionner local et afficher son caractère authentique font aussi mouche. "On ne doit plus parler de la même manière au client, remarque Caroline Hennequin d’Ô Poisson, il faut être le plus transparent possible." Elle est rejointe dans ce sentiment que les esprits ont changé vers plus d’éthique par Aude Viaud de Smala : "L’énorme prise de conscience écologique (durant la période Covid, NDLR) perdure." Après 2,6 millions de chiffre d’affaires en 2021, elle vise 8 millions en 2022.

Aude Viaud, dirigeante de Smala : "La période Covid est clairement celle où notre activité s’est développée." — Photo : David Pouilloux

Les vieilles recettes sont aussi plus que jamais d’actualité, celles qui rendent visible sur le web. Ces formules éprouvées, Paul Grossin, directeur général de Salvia Nutrition à Landeronde en Vendée, les utilise pour les réadapter. Son entreprise de 19 salariés spécialisée dans l’aromathérapie pour la santé et les cosmétiques (3 millions d’euros de chiffre d’affaires) réalise 30 % de ses ventes via le web. "Les réseaux sociaux, les vidéos sur Youtube, le référencement naturel, c’est n’est pas nouveau mais c’est toujours efficace, constate-t-il. Surtout, la visibilité se travaille régulièrement et il est indispensable de toujours s’adapter aux règles changeantes de Google, Facebook ou Instagram."

Paul Grossin, dirigeant de Salvia Nutrition parrain du club de e-commerce vendéen de partage de bonnes pratiques — Photo : Cyril Raineau

"La clé, c’est l’échange avec le consommateur"

"L’information est la règle d’or du e-commerce, confirme le spécialiste nantais du domaine Akeneo. Le consommateur s’attend à une expérience en ligne aussi bonne, voire meilleure, que ce qu’il a déjà pu vivre dans les magasins physiques." Traduit autrement par Erwann Mesnage, animateur du club e-commerce de la CCI Nantes - Saint-Nazaire : "La tendance forte est à l’hyperpersonnalisation du service. Si quelqu’un arrive sur votre site, il est indispensable de lui faciliter la tâche, de le rassurer. Il faut qu’il ait l’impression d’être en boutique."

"Pour perdurer, la clé, c’est l’échange avec le consommateur, confirme Guillaume Ziegler d’Equi-Clic. Cette approche passe par des newsletters personnalisées, des échanges sur les réseaux, l’anticipation des souhaits. On doit apporter un côté humain au commerce en ligne". Cette démarche est, pense-t-il, d’autant plus pertinente que les boutiques physiques sont affaiblies par les coûts faramineux de l’énergie. Pourtant, il songe à… ouvrir un point de vente."

Equi-Clic en Vendée, songe à ouvrir une boutique physique — Photo : Equi-clic

Nulle contradiction, mais du pragmatisme, la vente à distance étant complémentaire de la physique pour, là encore, tirer profit des bons mois Covid. Erwan Mesnage de la CCI en confirme le bien-fondé : "Des pure players qui recherchent des points de vente souhaitent se positionner en acteur local tout comme ils adoptent une logique multicanal répondant au besoin du client de toucher, de voir."

Vendre à distance tout comme disposer de lieux physiques, Direct Optic en a fait sa marque de fabrique. L’enseigne nantaise qui n’était originellement qu’en ligne (15 millions d’euros de chiffre d’affaires) et qui dispose désormais de 65 boutiques en France, est dans une spirale gagnante. "Nos clients avaient la possibilité de prendre en ligne des rendez-vous dans nos boutiques, mais quasiment personne n’utilisait ce service, se remémore son cofondateur Karim Khouider. Depuis que les magasins ont rouvert après le Covid, ces prises de rendez-vous ont explosé. Nous sommes désormais à des niveaux de fréquentation de nos boutiques de deux à trois fois supérieurs à avant la pandémie."

Les solutions innovantes des start-up du territoire

Si la bonne vielle boutique est loin d’être enterrée, la technologie ouvre aussi des perspectives. Avec des acteurs locaux en première ligne.

iAvdize est l’un d’entre eux. La PME nantaise de 180 collaborateurs vient de lancer une solution dotée d’intelligence artificielle et d’une fonctionnalité de routage géographique. Son but : permettre aux clients à distance des enseignes d’échanger par messagerie, voix ou vidéo avec des vendeurs situés dans le magasin le plus proche de chez eux. "Il obtient le conseil recherché sans se déplacer, parfois hors des horaires d’ouverture des commerces", souligne le président d’iAdvize Julien Hervouët.

Autre entreprise nantaise, autre concept, Lengow. Cet éditeur de solutions pour l’e-commerce (270 salariés) développe une plateforme pour que les commerçants en ligne vendent leurs produits sur les grands sites de distribution, places de marché, comparateurs de prix et autres réseaux sociaux et optimisent ainsi la visibilité de leurs produits en ligne sur différents canaux.

Wonder Partner’s, toujours à Nantes, a de son côté le projet de "réinventer le commerce en ligne." La start-up d’une trentaine de collaborateurs lance un outil dédié aux e-commerçants pour qu’ils proposent des expériences de réalité augmentée. En un clic, le client voit apparaître, à travers son écran de téléphone l’objet qu’il convoite dans son environnement et en taille réelle. "Nous essayons de lever les freins à l’achat en ligne en permettant au client de s’approprier le produit", décrypte Alexis Thomas, co-fondateur.

Alexis Thomas, cofondateur de Wonder Partners : "Plus on dématérialise, plus les clients ont du mal à se projeter." — Photo : Wonder Partners

Cette innovation se rapproche de celle déployée par une autre jeune pousse nantaise, RetailVR. La start-up de 15 salariés développe une plateforme de réalité virtuelle à destination des marques et distributeurs pour doper leurs ventes. "Notre solution crée des univers immersifs en 3D, précise son fondateur Erwan Krotoff. Le client navigue dans cet univers depuis son ordinateur, sa tablette ou son téléphone pour faire ses choix. Nous sommes la seule plateforme sur le marché qui permet d’avoir ce type d’expérience, assure Erwan Krotoff, la plupart des metaverses étant généralistes."

Retail VR, start-up nantaise, développe une plateforme de réalité virtuelle à destination des marques et distributeurs pour doper leurs ventes — Photo : Retail VR

Toutes ces innovations, toutes les stratégies déployées par les e-commerçants locaux pourraient se heurter à une menace qui cette fois, a contrario du Covid, ne devrait pas les épargner dans les prochains mois : l’inflation. Ce poids sur le pouvoir d’achat, selon la Fevad, provoquera un tassement des performances de vente sur le web en cette fin d’année 2022.

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