Lacroix : « Le monde est en train de changer »
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Lacroix : « Le monde est en train de changer »

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Vincent Bedouin, l'un des fils du dirigeant historique, vient de prendre la tête du groupe industriel nantais Lacroix (3.700 salariés). À 40 ans, le dirigeant compte sur les objets connectés pour rendre les voiries « intelligentes » et redresser la barre de son pôle signalisation.
— Photo : Le Journal des Entreprises

V


incent Bedouin, vous venez de succéder à Yves Krotoff à la présidence du directoire du groupe industriel Lacroix, qui est contrôlé à 70 % par votre famille. Ce passage de témoin était prévu depuis longtemps ?

« De par l'éducation, on a été assez orienté vers l'entrepreneuriat. Mon père (NDLR, Jean Bedouin, le dirigeant historique du groupe) nous a toujours dit : " reprendre l'entreprise, ce n'est pas une obligation. Cela peut être une chance, mais il faut le sentir et le mériter ". Moi, je n'ai jamais pensé entrer dans le groupe sans en être un jour le patron. C'est une question de caractère, complémentaire à celui de mon frère (NDLR : Nicolas, directeur financier du groupe). Après, on peut penser tout ce qu'on veut, il faut le mériter !


Après une première expérience chez Vivendi Universal, vous entrez dans l'entreprise il y a dix ans et vous donnez un sacré coup de fouet à l'activité de sous-traitance électronique qui emploie aujourd'hui près de 3.000 des 3.700 salariés du groupe...

J'ai été responsable du marketing stratégique de Lacroix Electronics, une division qui était alors en difficulté. Au bout de deux ans, il fallait accélérer la mutation de cette société. J'en suis alors devenu le directeur général. Pour ça, j'ai été un peu forcer la main de mon père... À 29 ans, j'ai pris la tête d'un ensemble qui pesait 80 millions d'euros. Aujourd'hui, Lacroix Electronics réalise 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cette entité s'est développée beaucoup plus vite que les autres divisions du groupe.


C'est une chance ou un handicap d'être le fils de ?

Chez Lacroix Electronics, les salariés ne connaissaient pas plus que cela mon père. Après, c'est toujours plus facile de conduire le changement quand une division a des difficultés. Il y a une attente de management. Yves Krotoff nous a aussi mis dans les meilleures dispositions, mon frère et moi. Il a joué un rôle très important dans cette transmission.


Vous avez fortement développé le pôle électronique. Tout comme votre père avait fortement développé l'entreprise. Vous avez le même caractère ?

Vu de l'extérieur, c'est vrai qu'il y a beaucoup de similitudes : de la vision, de l'instinct et c'est rapide. On ne supporte pas les petits jeux politiques. Maintenant, je pense que je suis plus analytique que mon père. Lui, c'est un pur autodidacte qui fonctionne tout à l'instinct.


Vous accédez à la tête d'un groupe dont les trois métiers connaissent des évolutions très contrastées. L'électronique, que vous connaissez bien, est en pleine forme, l'activité progressant de 26 % au premier semestre...

On s'est recentré sur le B to B, sur l'automobile, la domotique, l'aéronautique ou le médical. Nous sommes sur des marchés dans lesquels la compétition ne porte pas uniquement sur le coût unitaire, mais aussi sur la qualité ou les délais de livraison. L'une des clés pour comprendre notre développement, c'est que nous avons cherché à identifier des clients susceptibles de tirer notre croissance. On ne choisit pas nos clients, mais on les cible. Par exemple, dans l'automobile, on a misé sur l'électronique des options des véhicules haut de gamme, en se disant que ces options allaient progressivement intégrer les autres voitures. On s'est aussi beaucoup développé à l'étranger avec deux gros sites en Tunisie et en Pologne. En France et en Allemagne, nous sommes sur de l'électronique très complexe ainsi que sur le prototypage.


L'activité du pôle Lacroix City, qui fabrique des panneaux de signalisation routière et du mobilier urbain, est en perte de vitesse, avec un chiffre d'affaires en recul de 16 % au premier semestre. Est-ce inéluctable ?

Même si nos clients (NDRL, les collectivités) sont sous contrainte budgétaire, l'objectif de Lacroix City, c'est bien d'accroître nos parts de marché. Le monde s'urbanise et les villes ont de vrais besoins. Avec les objets connectés, on croit beaucoup au concept de voirie intelligente. Il y a des choses fantastiques à créer. On va être dans un changement de modèle et on investit fortement en R & D pour permettre à ce marché de s'inscrire dans le monde de demain.


Que prépare Lacroix sur ce plan ?

En 2016, on va sortir de nouvelles offres dont je ne peux pas vous parler aujourd'hui. Mais on fait déjà des choses, comme de la télégestion d'éclairage public. On peut suivre les consommations, régler l'éclairage à distance, incorporer des détecteurs de présence. Pour les usagers, c'est davantage de confort et de sécurité, pour la collectivité, c'est aussi des économies d'énergie. Nous avons commencé notre mutation. Les panneaux statiques ne représentent plus que 14 % de l'activité du groupe. Et nous l'avons aussi déjà réalisé chez Lacroix Sofrel (NDRL, la division qui fabrique des équipements de télégestion pour des réseaux d'eau et d'énergie).


C'est quoi votre ambition pour Lacroix ? À quoi ressemblera le groupe dans trois ans ?

Dans trois ans, le groupe sera plus connecté, encore plus international, sachant que nous réalisons déjà plus de la moitié de notre chiffre d'affaires hors de France. J'espère aussi qu'on ira plus loin dans la coopération entre nos divisions. Ce qui est sûr, c'est que nous serons forcément différents. En ce moment, je n'aimerais pas être à la place d'un groupe industriel qui ne vive pas une profonde mutation : le monde est en train de changer. »



Propos recueillis par Stéphane Vendangeons

Lacroix



(Saint-Herblain) Président du directoire : Vincent Bedouin 3.700 salariés 356 millions d'euros de CA en 2014 02 40 92 32 00 www.lacroix-group.com

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