Pays de la Loire
"L'acquisition de la société américaine Firstronic constitue une étape cruciale pour Lacroix"
Interview Pays de la Loire # Industrie # Fusion-acquisition

Vincent Bedouin PDG de Lacroix Group "L'acquisition de la société américaine Firstronic constitue une étape cruciale pour Lacroix"

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C’est un joli coup réussi par le groupe nantais Lacroix. Ce spécialiste de l’électronique aux services des entreprises et de la ville intelligente vient d’acquérir la société américaine Firstronic. L’ETI nantaise met ainsi un pied aux États-Unis, tandis que son usine Symbiose sera livrée à la fin de cette année dans le Maine-et-Loire. Explications de Vincent Bedouin, PDG de Lacroix Group.

Vincent Bedouin, le président de Lacroix Group, une ETI nantaise qui vient d’acquérir l'entreprise américaine Firstronic — Photo : Groupe Lacroix

Que représente l’acquisition de l’américain Firstronic pour le groupe Lacroix ?

C’est un moment important de notre histoire. On a présenté cette année notre plan stratégique qui s’appelle leadership 2025. Nous avons procédé à une augmentation de capital de 45 millions d’euros au printemps 2021 justement pour financer notre plan stratégique. Celui-ci a plusieurs leviers, dont un déterminant : le développement à l’international, notamment grâce à des croissances externes. Nous visions des marchés à l’étranger, en priorité l’Allemagne et les États-Unis. Dans le premier, nous sommes déjà bien développés, mais dans le second, on part de zéro. Et quand on part de zéro, et que l’on veut développer une activité significative, ça passe par une croissance externe. Pour nous, cette opération d’acquisition de Firstronic (un sous-traitant électronique, NDLR), est notre premier pas aux États-Unis, avec une base industrielle forte : deux usines, une dans le Michigan, une au Mexique et 1 300 salariés. De 12,5 %, nous montons à hauteur de 62,5 % dans le capital. C’est une étape structurante cruciale pour nous.

Que vous apporte cette acquisition en termes d’objectif à court terme ?

Notre objectif est de rapidement doubler de taille. C’est-à-dire de passer de 440 millions d’euros en 2020 à 800 millions d’euros d’ici à 2025. On vise le milliard d’euros bien avant 2030. Sur le plan de la marge, on passera de 6 % à 9 %. L’acquisition de la société américaine Firstronic nous permet d’aligner les planètes vers cette trajectoire de doubler de taille d’ici à 2025.

"Nous sommes sur une stratégie d'accélération de nos activités et de développement à l'international"

Notre plan 2020, notre plan stratégique précédent, visait à repositionner Lacroix sur ses activités cœur : les objets connectés industriels et les équipements électroniques pour applications critiques. Dans ce cadre-là, on a réalisé sept croissances externes pour consolider nos activités city (voirie, éclairage, trafic) et environnement (énergie, eau, etc.). Parmi ces sept opérations, il y avait la prise de participation dans Firstronic.

Comment l’avez-vous préparé, cette acquisition ?

On la savait importante pour le futur, mais on ne souhaitait pas prendre de risque. On tenait à vérifier que l’on avait là le bon cheval pour l’avenir. Il fallait apprendre à connaître l’entreprise de l’intérieur, observer son développement et étudier l’intérêt de nos clients pour cette entreprise et ses produits. Dans le plan 2025, nous sommes sur une stratégie d’accélération de nos activités et de développement à l’international. C’était le moment pour prendre le contrôle de Firstronic. On connaissait très bien cette entreprise. On savait qu’il y avait une fenêtre d’opportunité. L’actionnaire historique envisageait de vendre à ce moment-là. On avait un rendez-vous moral avec lui. Il fallait agir vite, augmenter notre capital afin de saisir cette opportunité.

Pouvez-vous brosser le portrait de Lacroix et expliquer son métier ?

C’est une ETI familiale et cotée en Bourse. Cette société compte 4 000 salariés, elle est présente dans 12 pays et compte 10 usines et 12 bureaux d’études. Nous exportons dans 50 pays environ. C’est une entreprise qui conçoit et fabrique des objets connectés et des équipements électroniques professionnels. Nous sommes des acteurs de la Tech et de la Fab. On permet à nos clients d’augmenter leur capacité à intégrer des fonctions intelligentes dans leurs activités. Grâce à nos outils, dans le cadre de la smart city, on peut piloter des infrastructures dans les domaines de la voirie, de l’éclairage public, de l’eau. Pour les entreprises, dans le cadre du B to B, Lacroix va concevoir leurs équipements électroniques, dans les secteurs du bâtiment, de l’automobile, de l’aéronautique ou de la médecine.

Les équipements Lacroix sont-ils intégrés dans le quotidien des gens ?

Lacroix accompagne les Français du matin au soir sans qu’ils le voient. On est cachés. Notre métier n’est pas grand public. Quand un Français se lève, baisse son chauffage, boit un verre d’eau, ouvre le volet roulant d’une fenêtre, prend sa douche, roule en voiture, nos équipements électroniques sont là. Ils assurent la mesure, le contrôle, la sécurité, le pilotage à distance.

"Un feu rouge sur trois contient de l'électronique Lacroix en France"

Dans huit châteaux d’eau sur dix, notre électronique assure le pilotage à distance. En Allemagne, dans une éolienne sur trois, nos produits assurent le raccordement aux réseaux électriques. Un feu rouge sur trois contient de l’électronique Lacroix en France. On en trouve dans les volets roulants, dans le contrôle des fuites d’eau, dans les réseaux de chauffages, dans les voitures, les avions, dans le monde agricole.

La ville intelligente, ou smart city, utilise des objets connectés équipés de capteurs. Les données recueillies permettent de gérer les insfractrutures des villes, notamment l'éclairage public, le trafic des véhicules et la gestion des réseaux d'eau — Photo : Groupe Lacroix

La digitalisation est au cœur de la vie des entreprises et de notre vie quotidienne. En quoi Lacroix participe à cette mutation profonde ?

En fait, on parle de révolution digitale, mais il faut avoir conscience que pour digitaliser le monde, il faut de l’électronique derrière pour que ça fonctionne. Il faut des capteurs pour collecter la donnée, la remonter, et mettre de l’intelligence et de l’efficience dans nos équipements du quotidien, que ce soit un quotidien de citoyen privé ou de travailleur dans une entreprise, dans une usine. Grâce à nos capteurs et à nos objets connectés, nous permettons à nos clients de faire des économies sur la maintenance et nous les aidons à améliorer leurs performances environnementales. Notre secteur de croissance le plus fort dans les années à venir se situera dans le secteur de l’énergie, des énergies renouvelables en particulier, où nos équipements électroniques permettront de faire des économies. D’autres secteurs, comme les batteries, la reconnaissance d’images ou la reconnaissance vocale, la domotique, ont un gros potentiel de croissance. Quand on montre à nos clients ce que nos outils peuvent leur rapporter, ils décident rapidement d’investir.

Le contexte mondial, avec le Covid, perturbe l’approvisionnement en composants. Quel est l’impact de cette pénurie sur les activités de Lacroix ?

Nous allons finir l’année 2021 avec un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros. Certes en hausse de 60 millions par apport à 2020, mais il est clair que nous n’avons pas pu honorer notre carnet de commandes et assurer la livraison de tous nos clients. Nous avons donc une perte de chiffre d’affaires, des taux de marge plus faibles et un impact sur notre trésorerie liée à la gestion des stocks. Mais Lacroix est un groupe solide, nous passerons ce cap difficile. Firstronic, de son côté, finira l’année 2021 avec un chiffre d’affaires de 124 millions d’euros, contre 76 en 2020.

Le groupe Lacroix conçoit et fabrique des équipements électroniques et des objets connectés pour les entreprises et les villes — Photo : A.Martineau

Vous êtes également vice-président du Comité stratégique de la filière électronique française. La solution est-elle que la France et l’Europe se mettent à fabriquer tous les composants électroniques dont son industrie a besoin ?

C’est une évidence, mais il faut cibler l’action et ne pas rêver. Tous les composants n’ont pas les mêmes niveaux de criticité, de remplaçabilité. Il faut se concentrer sur les éléments clés, comme les semi-conducteurs. C’est le cœur de l’intelligence dans l’électronique. Il y a l’électronique grand public, avec les téléphones, les tablettes, qui est un marché de masse.

"Tout en Chine, ce n'est pas possible"

Mais il y a aussi l’électronique pour le secteur industriel, automobile, aéronautique, santé, agriculture, robotique, nucléaire. Ce deuxième marché est un marché de niche, mais nous avons le leadership au niveau mondial. Cette électronique permet d’avoir une souveraineté nationale dans un secteur critique. L’Europe a raison de miser là-dessus. Tout en Chine, ce n’est pas possible. On ne pourra pas tout relocaliser en France ou en Europe. Mais dans ce cas-là, on doit avoir des chemins d’approvisionnements diversifiés. Les grands donneurs d’ordres, les groupes industriels, les États, doivent soutenir et gérer des solutions alternatives, tout en restant dans des conditions de compétitivités.

Un exemple concret qui montre ce qu’il faut faire ?

Notre nouvelle usine, Symbiose, en Maine-et-Loire, sera livrée dans les jours qui viennent. Ledger, l’une des licornes françaises, qui œuvre dans le domaine des portefeuilles numériques, des cryptomonnaies, valorisée à hauteur de 1,5 milliard d’euros, nous a choisis pour fournir son électronique. Elle tenait à acheter du Made in France. Notre usine aura la taille critique pour apporter une réponse suffisante dans un contexte de concurrence mondiale.

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