Grèves, baisse d’activité, débat interne : les "Gilets jaunes" bousculent les entreprises de la région
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Grèves, baisse d’activité, débat interne : les "Gilets jaunes" bousculent les entreprises de la région

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Il y a les patrons qui s'opposent aux "Gilets jaunes", ceux qui manifestent, ceux qui en débattent au sein de leur entreprise, et puis il y a ceux qui subissent une baisse sévère d'activité, comme les commerces ou le port de Nantes-Saint-Nazaire. De Montoir-de-Bretagne à La Roche-sur-Yon en passant par Nantes, le mouvement des Gilets jaunes bouscule la vie des PME de Loire-Atlantique et Vendée. Témoignages.

Un dirigeant d'une PME industrielle de Loire-Atlantique a peur que le mouvement des "Gilets jaunes" entraine "un négativisme ambiant" — Photo : CC0

Face au mouvement inédit des "Gilets jaunes", les chefs d'entreprise se montrent partagés. D'un côté, ceux qui s'expriment contre les manifestants et l’affichent clairement sur les réseaux sociaux, à l’instar de Yoann Choin-Joubert, PDG du groupe nantais Réalités :

Et puis il y a ceux qui enfilent le gilet fluorescent, comme ce dirigeant de Saint-Hilaire-de-Riez, en Vendée, qui s'apprête à manifester pour le troisième samedi d'affilée. Fabien Pasquerault, le dirigeant d’Adom Vendée, une société d’aide à la personne (46 salariés, 1 M€ de CA), se positionnera sur l’un des ronds-points les plus passants de la ville. « Nous ne bloquons pas la circulation, nous voulons juste être visibles », confie le chef d’entreprise, pour qui « ce n’est que le début des protestations. » Il organise même les actions en créant un groupe Facebook qui compte une trentaine de membres. « Nous voulons une justice sociale et fiscale. Je ne suis pas contre payer l’impôt mais je veux plus de transparence et une société plus juste », confie le chef d'entreprise.

Le port de Saint-Nazaire redoute une grève des transporteurs routiers

Les blocages de la circulation opérés par les "Gilets jaunes" sur le port de Saint-Nazaire depuis deux semaines ont sévèrement impacté les activités du port. La ligne maritime régulière entre Montoir-de-Bretagne et Vigo (Espagne) a été à l'arrêt pendant 3 jours, de lundi 3 décembre à mercredi 5 décembre.

« Cela va un peu mieux depuis jeudi, depuis que les blocages se sont transformés en filtrage », confie Jean-Christophe Herry, directeur général de Somaloir (50 salariés). Le spécialiste de la logistique sur le port de Montoir-de-Bretagne qui transporte des véhicules neufs pour le groupe PSA, mais aussi des pièces d’Airbus, s’inquiète, tout comme son voisin de quai Terminal du Grand Ouest du Port de Nantes Saint-Nazaire, de la mobilisation annoncée des transporteurs routiers. Le TGO, qui gère l’intégralité des escales des porte-conteneurs, a lui aussi subi une baisse d'activité, qui impacte la livraison des biens de consommation. Un coup dur à quelques jours des fêtes de Noël.

Les commerces du centre-ville ont perdu 30 % de leur chiffre d'affaires

En Vendée, 82% des commerces auraient été impacté, selon une étude réalisée par la CPME Vendée, auprès de 341 commerces. A Nantes, les commerçants s'inquiètent d'éventuels débordements dans le centre-ville de Nantes en décembre, au moment capital de l'année, où ils réalisent un tiers de leur activité. « Certains gros commerces ont perdu 30 % de leur activité. Je n'imagine pas la situation pour les petits commerces », analyse Olivier Dardé, président de l'association Plein Centre qui réunit les commerçants du centre-ville. Il pense que les "Gilets jaunes", en manifestant en ville, se trompent de cible. « C'est nous, commerces physiques, qui créons des emplois et payons des taxes, nous qui dérouillons et, au bout du bout, c'est Amazon et ceux qui ne paient pas d'impôts qui vont gagner. »

« J’ai peur que ce mouvement apporte un négativisme ambiant. »

Patrick Senez, PDG d'Alm Textile (6 salariés), « partage certaines revendications » mais s'inquiète de « l’impact sur l’économie qui peut être dramatique ». Sa PME, qui livre en grande distribution des vêtements féminins de Caen à Bordeaux, observe une baisse d'activité liée aux blocages de centres commerciaux.

Étonnamment, pour Isabelle Annonier, gérante de Ma product’Yon locale à La Roche-sur-Yon, le mouvement des "Gilets jaunes" a été plutôt bénéfique. Cette boutique de producteurs de fruits et légumes rassemble environ 55 agriculteurs. Elle a connu une hausse d’activité d’environ 7 %, lors des grosses journées de manifestation. « Dans ces cas-là, les gens se rapprochent de ce qu’il y a près de chez eux, estime la gérante. Ils savaient qu’ici, ils trouveraient leurs produits et qu’ils pourraient circuler. » La boutique, située au nord-ouest de La Roche-sur-Yon, n’est en effet pas impactée par les blocages.

Débats entre salariés et PDG

Le mouvement n’a pas d’impact sur l'activité de la PME industrielle STIA (2 M€ de CA, 25 salariés) qu'il dirige. Mais William Wafo a quand même décidé de mettre le sujet sur la table dès le 3 décembre. « Lors de la réunion hebdomadaire du lundi matin, j’ai lancé le sujet des Gilets jaunes. Pour moi, ce n’est pas un problème, je dis toujours que la parole est libre », explique le dirigeant installé à Sainte-Luce-sur-Loire. Les réactions sont alors un peu musclées. Quelques salariés confient qu'ils sont mobilisés. « L’un est venu me prévenir qu’il ne serait pas là mardi car il allait participer à un blocage. J’ai trouvé cela correct de me prévenir. »

Ce qui l’inquiète le plus, ce n’est pas tant les grèves mais plutôt le climat de doute qu’il pourrait engendrer sur ses collaborateurs. « En tant que dirigeant, je passe mon temps à être positif, à instaurer un climat de confiance, et j’ai peur que ce mouvement apporte un négativisme ambiant. Je suis vraiment vigilant là-dessus, car on a réussi à mettre en place une vraie dynamique. » S'il passe du temps à écouter les arguments des ouvriers, il n'hésite pas à partager son point de vue sur la fiscalité des entreprises. « Je leur dis qu’il y a des mesures positives, que les charges ont baissé depuis que François Hollande et Emmanuel Macron sont au pouvoir, que la croissance n’est pas si mal, que l’on a jamais créé autant d’entreprises », détaille William Wafo.

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