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Grand débat national : les idées originales des patrons nantais
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Grand débat national : les idées originales des patrons nantais

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Le 25 janvier, la CCI Nantes Saint-Nazaire organisait, avec le Medef 44, un Grand débat. Parmi la centaine de propositions faites, douze ont été retenues comme étant prioritaires par 800 entrepreneurs locaux. Les dirigeants veulent ainsi encourager les circuits courts, favoriser le télétravail ou recruter des migrants. La rédaction du Journal des Entreprises a sélectionné les quatre suggestions qu'elle juge les plus originales, en donnant quelques axes d’actions possibles immédiatement.

La table 3 débattait sur la fiscalité et dépenses publiques avec la participation de Nicolas Derouault (groupe Idea), Gilles d'Hermies (Exponantes), Birgitta Hillingso (Madam BI), Pierre Woda (Faïencerie de Pornic), François Xavier de Bouard (Secrets de Voyages), Stéphane Pousset (Loire Pilots), Louis Rave (Techna) et Jean-François Manceau (Initiative Pays de la Loire). — Photo : JDE

Le made in local serait la priorité numéro 1 des patrons nantais, devant la baisse des charges et l’harmonisation fiscale. C’est le résultat surprenant du Grand débat national organisé par la CCI Nantes Saint-Nazaire. Plus de 800 entrepreneurs de Loire-Atlantique ont répondu au questionnaire envoyé par la chambre consulaire. Ce dernier compilait les très nombreuses propositions faites alors par une centaine d’élus de la chambre et acteurs économiques du territoire, lors du débat organisé le 25 janvier 2019. Les patrons locaux étaient invités à classer par ordre de priorité les propositions jugées les plus capitales.

Et la mesure qui récolte le plus de suffrages, à près de 95 %, est celle qui veut favoriser les circuits courts, que ce soit pour les matières premières, mais aussi pour la transformation ou la distribution. Sur ce sujet, les entreprises sont demandeuses d’exemples à suivre et d’outils à adopter. Pour amorcer une telle démarche, le mieux est de s’appuyer sur des indicateurs pour évaluer son impact sur le territoire. C’est ce que propose l’agence de notation Biom Work (300 000 euros de CA, 7 salariés), créée en 2012 par Arnaud Lobez, avant d’être rachetée fin 2017 par Laurent Bazin, membre des DRO et dirigeant d’Axis Experts Conseils, un cabinet de conseils et d’audit de 50 salariés présent dans le Nord et à Paris. Plus d’une centaine d’entreprises en Loire-Atlantique et en Vendée, dont 18 % de grands groupes comme Keolis, EDF et 80 % de PME se sont lancés dans la démarche, 600 en tout dans toute la France. En s’appuyant sur 500 critères, Biom Work propose d’évaluer la richesse créée localement par les entreprises, en étudiant leur masse salariale, le traitement qu’elles font des déchets et, bien sûr, l’origine des fournisseurs. Sans oublier leur implication dans l’apprentissage et la formation. Les entreprises répondent d’abord à des centaines de questions, puis des experts viennent vérifier les déclarations dans les comptes et la politique d’achat. L’audit est renouvelé tous les deux ans.

Évaluer son impact sur le territoire

Le meilleur élève français est le fabricant de constructions en bois Piveteaubois (131 M€ de CA en 2016, 400 salariés), basé aux Essarts en Vendée, avec une note de 81. Cela signifie que 81 % de la richesse que l’entreprise créée est redistribuée localement. La moyenne de toutes les entreprises notées par Biomwork se situe autour de 43 %. L’atelier Isac (30 salariés, 3,20 M€ de CA), à Nort-sur-Erdre, lui, présente une note de 61. « On va tenter de faire mieux. Auparavant nous avions une note de 41. Le diagnostic nous a permis de nous améliorer sur certains points », explique Michel Brochu, le directeur général. Lui tente de toujours faire appel à des fournisseurs locaux, même si d’autres plus éloignés proposent le même service moins cher. « Au final, on est parfois 10 % plus cher, mais j’explique pourquoi à mes clients ». Le mouvement des Gilets jaunes l’a encore plus convaincu du bien-fondé de sa démarche. « Les gens n’ont plus les moyens de se déplacer, on va créer une fracture entre les métropoles et les campagnes, il faut donc faire marcher l’économie locale », justifie Michel Brochu. Au-delà de la communication, la note lui sert surtout à fédérer les collaborateurs autour de valeurs communes.

Les dirigeants d'entreprise se sont appuyés sur les questionnaires mis en ligne par le gouvernement. — Photo : JDE

Biom Work n’est pas le seul indicateur à disposition des dirigeants. L’association Planet’RSE, présidée par Benoit Thierry, PDG de Thierry Immobilier, évalue aussi l’impact local des entreprises. Créée en 2014 à l’initiative du Medef, de Dirigeants responsables de l’Ouest et de la CPME avec le soutien de Nantes Métropole et d’Audencia, elle rassemble 85 PME adhérentes de la région. Toutes ont cotisé entre 350 et 700 euros selon leur taille, afin d’être évaluées sur leur politique RSE. L’origine des fournisseurs fait partie des 51 critères retenus pour la notation. Elle est obtenue sur la base d’un audit réalisé entre entreprises et valable deux ans. (voir page 31).

Encourager le télétravail et les horaires décalés

Favoriser le télétravail est une autre proposition du Grand débat national, plébiscitée à 79 %. Les chefs d’entreprise de Loire-Atlantique se disent prêts, selon le questionnaire de la CCI, à encourager le télétravail et les horaires décalés dans les entreprises afin de fluidifier le trafic routier et favoriser la mobilité. Le président de la CCI Nantes-Saint-Nazaire Yann Trichard envisage de proposer aux élus locaux de mettre en place un test avec les écoles et l’Université de Nantes : « Pourquoi ne pas tenter des horaires de rentrée et de sortie d’école décalées afin d’éviter le rush de 8 heures et 18 heures ? ». « C’est une logique globale qu’il faut mettre en place », ajoute-t-il. Pour l’heure, Nantes Métropole s’est d’ores et déjà engagé à créer des lieux de coworking dans chacune des communes de la métropole pour encourager le télétravail.

Des stages obligatoires pour les élus

L’une des autres mesures les plus plébiscitées par les entreprises, à 82 %, est l’instauration d’un stage obligatoire de trois jours pour faire découvrir le monde de l’entreprise aux élus. Ancien dirigeant de DFC2, société spécialisée dans la quincaillerie pour le second œuvre (70 salariés, 12 M€ de CA) et depuis 2015 maire de Monnières, commune de 2 100 habitants dans le vignoble nantais, Benoit Couteau pense qu’il faudrait faire l’exact inverse et demander aux entrepreneurs de s’engager en politique : « Il est illusoire de croire que l’on va faire évoluer les choses en faisant venir les élus dans l’entreprise. À mon avis, il n’y a qu’une seule méthode pour y arriver, c’est que les chefs d’entreprise investissent le monde politique. Tout dirigeant de plus de 50 ans, dont l’entreprise est stabilisée, devrait se poser la question d’un mandat de maire ou d’adjoint. Car, pour faire bouger les lignes, il faut être nombreux. Au sein du conseil municipal, je suis un peu isolé en tant que chef d’entreprise, même si les relations sont bonnes. On me considère comme un empêcheur de tourner en rond. Il faut comprendre que les élus sont convaincus que les entrepreneurs gagnent beaucoup. Ils voient les entreprises comme un porte-monnaie dans lequel on peut puiser dès qu’on a besoin de nouvelles ressources. Les chefs d’entreprise sous-estiment cela. »

Favoriser une politique migratoire orientée

Touhami et Mohammad, originaires du Soudan, vivent en France depuis un an et demi. Début décembre, ils commenceront une formation pour devenir agent d'entretien du bâtiment. — Photo : Jéromine Doux - Le Journal des Entreprises

Dans une région où le taux de chômage est au plus bas et les tensions de recrutement au plus haut, les chefs d’entreprise se disent désormais prêts à embaucher des migrants. Ils sont 66 % à le demander.

Certains ont déjà commencé à recruter des réfugiés. C’est le cas Vendée Concept (66 salariés, 8 M€ de CA) qui vient ainsi d’embaucher en CDI un réfugié de Kaboul au poste de soudeur. Il a été embauché en CDI après son stage. Le dirigeant Eric Legendre compte renouveler la démarche pour recruter des chaudronniers.

Olivier Riom, dirigeant de Vivolum, PME nantaise spécialisée dans les travaux d’aménagement intérieur des locaux professionnels (60 salariés + 30 intérimaires, 6,5 M€ de CA en 2018) a, lui, embauché des migrants, sept au total dont des Syriens, en tant que menuisiers ou staffeurs. Il avertit ceux qui voudraient imiter sa démarche : « L’objectif n’est pas de gagner de l’argent, on en perd plutôt. Nous faisons cela car je considère que c’est l’une des missions de l’entreprise que d’intégrer des personnes éloignées de l’emploi ».

Toutes ces propositions ont été envoyées aux dix députés de Loire-Atlantique, ainsi qu’à la préfecture. Elles ont aussi été déposées sur la plateforme du Grand débat national et relayées au bureau du Medef national.

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