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Foie gras : comment la filière vendéenne fait face à la crise
Enquête Vendée # Agroalimentaire

Foie gras : comment la filière vendéenne fait face à la crise

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La Vendée est le deuxième producteur de foie gras français, derrière le Sud-Ouest. Et comme la région méridionale, le département est en pleine mutation après les différents épisodes de grippe aviaire. Pour protéger leurs productions, les entreprises multiplient les investissements.

Michel Fruchet est directeur général de la coopérative Val de Sèvre et du site Delpeyrat en Vendée mais aussi président du comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras. — Photo : Jéromine Doux - Le Journal des Entreprises

Il est fort probable que le foie gras que vous allez consommer à Noël provienne de Vendée. Le département est le deuxième plus gros bassin de production français après le Sud-Ouest. En grandes surfaces, un foie gras sur quatre provient du département. Et sur les tables des grands restaurants, ce sont même jusqu’à trois foies gras sur quatre qui sont vendéens.

Un fait peu connu puisque, historiquement, le département n’est que le fournisseur de canards des abattoirs du Sud. 70 % des canetons sont élevés en Vendée et dans les départements limitrophes. Dans les années 1990, les éleveurs se sont donc organisés pour devenir eux-mêmes producteurs de foie gras. Aujourd’hui, la Vendée et la Loire-Atlantique concentrent quatre gros acteurs dont deux coopératives qui commercialisent le produit cru et travaillent avec les grandes surfaces et la restauration. Euralis, aux Herbiers, distribue les marques Rougié et Montfort ; et Val de Sèvre, à La Pommeraie-sur-Sèvre, est l’un des actionnaires minoritaires de la holding MVVH qui distribue la marque Delpeyrat.

Labeyrie s’installe en Pays de la Loire

Les deux autres producteurs, Ernest Soulard, installé à L’Oie (Vendée), et Alain François, à Bouaye (Loire-Atlantique), travaillent essentiellement pour la restauration et l’export. L’entreprise ligérienne a d’ailleurs été rachetée, cette année, par le groupe landais Labeyrie. Une acquisition qui offre une position de choix en Pays de la Loire à l'un des plus gros acteur français de la filière, aux côtés d'Euralis et Delpeyrat.

Coïncidence ? Pas vraiment. La région est un emplacement stratégique pour les géants du foie gras. D’abord parce qu’elle est reconnue pour l’élevage de volailles, mais surtout parce qu’il faut répondre à la menace de grippe aviaire. Scinder sa production en deux aires géographiques distinctes permet d’en sauver une partie en cas de propagation du virus.

« Pour se protéger de la grippe aviaire, tous les maillons de la chaîne réalisent des investissements en biosécurité. »

En 2016 et 2017, le Sud-Ouest a été touché de plein fouet par l’épidémie, alors que la Vendée a été plutôt épargnée. 50 % des canards produits par le groupe Euralis et un tiers de ceux produits par Delpeyrat ont donc été sauvés. « Deux ans de suite, nous avons assuré 100 % de la production Delpeyrat, durant près de quatre mois », raconte Michel Fruchet, directeur général de Val de Sèvre et directeur du site Delpeyrat de la Pommeraie-sur-Sèvre.

Investissements massifs pour faire face à la grippe aviaire

Des épisodes qui obligent la filière à se restructurer en profondeur. « Pour se protéger de la grippe aviaire, tous les maillons de la chaîne, sans exception, font des investissements en biosécurité », insiste Michel Fruchet, également président du comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog). Afin de désinfecter plus facilement ses outils de production, le site Delpeyrat a complètement réinventé le circuit emprunté par ses canards et ses transporteurs. Une réorganisation à 400 000 €.

Mais pour le dirigeant, ce sont les éleveurs qui sont le plus touchés. « À tout moment de l’année, nous devons être capable de confiner nos animaux si un virus passe. Nous sommes donc en train de multiplier par deux toutes les surfaces des bâtiments d’élevage », détaille-t-il. Alors qu’il fallait investir 200 000 € pour élever 7 500 canards, il faut désormais débourser 350 000 € pour la même production. D’ici à trois ans, les 140 éleveurs de la coopérative Val de Sèvre auront investi entre 6 et 7 millions d’euros en biosécurité. En attendant, la production devra être diminuée par deux pendant les périodes à risque.

A l’autre bout de la chaîne, les transporteurs sont aussi obligés de s’adapter. Eux misent sur des stations de lavage pour éradiquer le virus s’il est présent. À Bouaye, Alain François envisage d’investir jusqu’à 2,5 M€ pour agrandir son site et le restructurer. 700 m² supplémentaires vont être construits d’ici à fin 2019. Et du côté d’Euralis, l’investissement est aussi humain. « Nous avons formé et créé de nouveaux postes », explique Bruno Martineau, responsable de l’abattoir des Herbiers.

La cible du mouvement vegan

En plus de cette menace sanitaire, la filière est aussi la cible du mouvement vegan et des associations de protection des animaux comme L214. En 2013, les salles de gavage d’Ernest Soulard, producteur de foie gras basé à L’Oie, ont été filmées par cette association, entraînant de longues procédures judiciaires pour l’industriel. Si bien qu’aujourd’hui l’entreprise refuse toute communication. « Nous souhaitons rester discrets », balaie la directrice générale. Pour le président du Cifog, la stratégie est de communiquer davantage sur le foie gras, pour contrer les "bad buzz".

En plus de la communication, la filière mise sur l’export pour retrouver des couleurs. Et tente de répondre aux tendances de consommation. « Le fait maison grandit d’année en année, estime Michel Fruchet. On propose par exemple aux consommateurs des foies gras à cuisiner soi-même ». Mais la filière y va doucement sur les innovations « qui font souvent des flops ». Dans ce domaine, « le maître-mot, c’est la tradition ».

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