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Fétis Group prend le virage de l'électrique et de l'hydrogène
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Fétis Group prend le virage de l'électrique et de l'hydrogène

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L’ETI nantaise Fétis Group, spécialiste des moteurs diesel, prend un virage en direction des systèmes de motorisations électrique et hydrogène. En pleine révolution industrielle, l’entreprise ouvre 45 postes au recrutement et multiplie les partenariats locaux pour s’intégrer à l’écosystème des mobilités lourdes utilisant les énergies nouvelles.

Damien Fétis, Jacques Fétis et Evrard Fétis. Les deux fils encadrent le père lors de la présentation de la stratégie de Fétis Group en direction des énergies nouvelles

On ne le sait pas forcément, mais le moteur hybride le plus connu de Nantes est celui de l’Éléphant qui déambule sur l’île de Nantes. Il a été mis au point par les équipes de Fétis Group, une ETI nantaise aussi discrète que promise à un bel avenir. Avec 550 salariés au compteur et 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, elle lance 45 recrutements pour étoffer ses équipes jusqu’ici spécialisées dans le moteur diesel pour les motorisations lourdes, souvent pointées du doigt pour les émissions de gaz à effet de serre. "Le transport représente aujourd’hui plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, explique Damien Fétis, président de cette entreprise. En France, c’est 110 millions de tonnes de CO2, dont 16 millions pour notre marché, la mobilité lourde. Notre enjeu pour les années à venir, c’est d’accompagner les entreprises concernées dans leur transition énergétique. Au moment de la prise de conscience des enjeux climatiques, il y a un besoin de refonte complète de l’architecture des machines pour qu’elles puissent utiliser les nouvelles énergies comme l’hydrogène."

Un virage industriel très fort

Hasard bienvenu, le siège de l’entreprise se situe dans le Bas Chantenay, à Nantes, dans le quartier d’enfance d’un écrivain nantais de science-fiction visionnaire. "En 1874, dans L’Île mystérieuse, Jules Verne indiquait que l’hydrogène serait l’énergie du futur, dit-il. Aujourd’hui, nous y sommes." Au sein de l’entreprise, qui a fait son miel du diesel, une révolution est donc en marche. "Cela fait 12 ans que l’on s’est ouvert à l’électrification des systèmes motorisés, explique Damien Fétis. Mais nous abordons un virage industriel très fort. Nous avons un rôle déterminant à jouer dans la transition énergétique. Et on croit fortement à l’hydrogène. "

Plus d'une vingtaine d’entreprises sont désormais rassemblées sous l’ombrelle Fétis Group. Cette société est ce que l’on appelle un intégrateur de moteurs pour les PME et les ETI. Historiquement, les premiers clients de l’entreprise née en 1978 étaient constructeurs de bateaux sur la Loire ou des constructeurs de tracteurs agricoles à qui elle fournissait des moteurs. Depuis, le portefeuille de clients s’est étoffé. "Notre activité concerne le off-road (tracteurs, engins de travaux publics, de manutention portuaire, engins miniers…), on-road (camions) et la marine (bateaux de pêche, de transport de passagers, barge fluviale…), précise le dirigeant. Nos clients sont les constructeurs d’engins et de bateaux, mais aussi les utilisateurs, c’est-à-dire les entreprises qui ont des flottes d’engins et qu’il faut convertir à de nouvelles motorisations (le rétrofit). Notre ambition est de devenir un intégrateur européen majeur de la mobilité lourde décarbonée. C’est une course contre la montre. On veut leur faire gagner du temps. "

Les engins de chantier et les engins miniers peuvent être équipés de systèmes motorisés mis au point par les techniciens et les ingénieurs de Fétis Group

Un centre de formation en interne

Désormais, Fétis Group est au cœur d’un écosystème qui repense son logiciel, entre renforcement de l’outil industriel et déploiement de savoir-faire technologiques vers l’usage de véhicules hybrides, électriques et puis vers l’utilisation d’énergies comme l’hydrogène vert. Pour s’adapter à cette mutation inéluctable, un des éléments de la stratégie de l’entreprise repose sur la formation. Les techniciens et les ingénieurs de Fétis Group bénéficient déjà d’une académie en interne. "Environ 300 personnes ont déjà eu accès des formations au sein de notre Seco Academy, rapporte Evrard Fétis, vice-président du groupe familial. Nous formons aussi des salariés de nos clients afin qu’ils acquièrent les compétences nécessaires à l’arrivée de ses nouvelles technologies."

Autre élément de cette révolution en cours, Fétis Group a récemment investi dans un bureau de recherche et de développement. Elle le finance à hauteur de 1,5 million d’euros par an. "Cette somme représente 1 % de notre chiffre d’affaires, estime Evrard Fétis. C’est un début. Nous avons pleinement conscience que l’innovation sera l’une des clés de l’avenir de notre groupe. Nous serons amenés à fortement augmenter nos investissements dans la recherche et le développement."

"L'entreprise est à un moment clé de son histoire"

Une "plate-forme technologique", soit un véhicule de démonstration et de mise au point, est d’ailleurs présentée dans le hall de la société implantée dans la carrière Miséry, là où les caisses en bois pour la bière locale La Muse était fabriquée. La machine permet de développer et de mettre au point pour les clients l'ensemble des "cocktails énergétiques" utilisables par un système motorisé : hybride diesel / électrique ou hybride électrique / hydrogène. "Ce véhicule sert également à la formation, poursuit Evrard Fétis. Pour sa conception, nous avons eu des aides de l’État, mais nous ne bénéficions pas encore du plan de relance pour nos investissements." Un chantier qui sera ouvert très vite. "Nous ne sommes pas habitués à demander des aides pour nous développer, mais l’entreprise est à un moment clé de son histoire. Nous allons y travailler sérieusement."

Le député Michel Delpon était d’ailleurs en visite dans l’entreprise en ce mois de janvier où l’ETI nantaise traçait les contours de son avenir d’ici à 2030. Il est le "Monsieur Hydrogène" de l’Assemblée nationale, auteur du livre "Hydrogène renouvelable, l’énergie verte du monde d’après". "L’État a mobilisé 10 milliards d’euros pour développer les filières industrielles des énergies vertes, via notamment des aides directes, dit celui qui est président fondateur du Groupe d’études sur l’hydrogène de l’Assemblée nationale. L’hydrogène est l’avenir de notre pays, et il faut accompagner les entreprises de nos territoires, comme Fétis Group, dans leur transformation et la décarbonation de notre économie."

Viser le zéro émission de carbone

Face à ce défi, Fétis Group qui vend 10 000 systèmes motorisés par an sous ses différentes marques, sait qu’elle ne pourra pas relever ce défi seule. Manitou, puissant industriel local, Symbio, un partenaire lyonnais qui conçoit des piles à combustible, et Lhyfe, le producteur nantais d’hydrogène vert, sont les partenaires de Fétis dans cette période où s’écrit une nouvelle page de l’ETI. Un projet, nommé Zone d’expérimentation H2, est en cours également avec la participation de Manitou et de Charier, une ETI des travaux publics. Cette expérimentation mettra à l’épreuve les engins de chantiers de demain, des véhicules puissants, à la motorisation utilisant des batteries et des piles à combustible à l’hydrogène pour viser le zéro émission de carbone. Dans un moment de mutation industrielle aussi fort, les partenaires locaux se serrent vigoureusement les coudes.

"On aurait pu rester une petite PME et on aurait sans doute été racheté, raconte Evrard Fétis. Mais on a choisi de grandir, de devenir une ETI. Cela nous impose des changements, sur le plan managérial, et des investissements très lourds. Mais nous vivons une époque incroyable." "La force d’une ETI comme la nôtre, c’est notre réactivité par rapport à des grands groupes, estime Damien Fétis. On souhaite être au cœur de la stratégie de développement de cette filière pour notre pays. Nous sommes aujourd’hui présents dans neuf pays, et nous allons continuer à nous développer à l’international."

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