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Faguo réduit sa facture carbone pour une mode plus équitable
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Faguo réduit sa facture carbone pour une mode plus équitable

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La marque de mode nantaise Faguo propose à ses clients des chaussures, des vêtements ou des bagages éco-conçus. Alors que la PME souhaite doubler son nombre de boutiques d’ici à 2024, elle fait feu de tout bois pour décarboner ses activités. Son engagement pour lutter contre le dérèglement climatique pourrait servir de modèle à des milliers de PME dans le monde.

Nicolas Rohr est le cofondateur de Faguo, marque de mode nantaise dont le produit phare a longtemps été la basket — Photo : David Pouilloux

Il y a deux ans, Faguo quittait Paris pour Nantes. "La moitié de nos salariés nous ont suivis, assurent Nicolas Rohr, le cofondateur de la marque de mode Faguo. Super choix. Tout le monde est content." L’immeuble où est installée la PME, qui compte aujourd’hui 100 salariés et génère 16 millions d’euros de chiffre d’affaires, n’est pas anodin. "Le Zero Newton est un bâtiment à très faible émission de CO2."

Aujourd’hui, la PME accélère les projets pour décarboner son business : site Internet basse consommation, design des boutiques en matières biosourcées et recyclables avec le studio de design nantais Fairly, ligne de vêtements à base de matériaux recyclés issus de la mer… Les idées pour réduire la facture carbone ne manquent pas, et ce depuis longtemps. "Nous mettons en place un plan quinquennal : 200 actions sur cinq ans pour corriger notre impact environnemental." En 2008, un produit de Faguo demandait en moyenne l’émission de 9 kg de CO2, ce sera 5 kg en 2013.

2 millions d’arbres plantés dans 350 forêts

L’arbre est l’emblème de Faguo. C’est aussi le moyen de compenser les émissions de CO2. La société nantaise s’adresse essentiellement aux hommes. Elle s’est fait connaître au début pour ses baskets avant de se diversifier dans l’habillement, la bagagerie et les accessoires de mode. Elle plante un arbre à chaque produit vendu. Elle annonce aujourd’hui 2 millions d’arbres plantés dans 350 forêts françaises, dont 50 000 arbres en Loire-Atlantique, avec le pépiniériste Naudet. Les plantes fixent le carbone émis pour fabriquer, transporter et distribuer les produits de la marque.

S’engager contre le dérèglement climatique

Le CO2, c’est l’obsession de Nicolas Rohr, qui dirige Faguo en duo avec Frédéric Mugnier. Mesurer, réduire et compenser les émissions de CO2 est le premier triptyque de la PME qui utilise des peintures à base d’algues pour ses nouvelles boutiques. "Dès la création de l’entreprise, en 2007, nous avons fait notre bilan carbone, explique le quadragénaire. Nous étions étudiants en école de commerce, nous avions 22 ans, mais nous étions déjà sensibilisés à l’environnement et au dérèglement climatique. Il fallait agir, et accompagner notre génération vers des modes d’habillement plus sains."

Génération. Un mot que l’on retrouve dans le slogan de la marque dans les 32 boutiques ouvertes pour une PME qui vise les 60 en 2024 : "Engager notre génération contre le dérèglement climatique." Un sacré pari dans le secteur du textile et de la mode. "L’industrie de la mode n’est pas exemplaire du tout, reconnaît Nicolas Rohr. Elle gaspille, elle jette, elle émet beaucoup de carbone. Il n’y a pas de filière claire et efficace de recyclage des vêtements."

4 millions de tonnes de vêtements jetés par an

Chacun connaît le gaspillage alimentaire, mais moins le gaspillage vestimentaire. En Europe, 5 millions de tonnes de vêtements sont mises chaque année sur le marché. Dans le même temps, 4 millions de tonnes de vêtements, neufs ou usagés, partent à la poubelle. "Une infime partie est recyclée", se désole Nicolas Rohr. Dans les faits, un Français achète 30 kg de vêtements par an. Seuls 2,5 kg passent par la case recyclerie.

Nicolas Rohr, cofondateur de la marque de mode Faguo, dans les locaux de Nantes — Photo : David Pouilloux

S’habiller moins, mais mieux

À l’opposé de ces chiffres effarants, chez Faguo, on affiche la dimension "fair fashion", c’est-à-dire la mode équitable. Un principe en émerge : "on s’habille moins, mais mieux." Moins de CO2, et mieux sur la qualité des produits. Nicolas Rohr résume : "Nous voulons accompagner nos clients vers le nouveau siècle de la mode." Parmi les bonnes pratiques, on file au rayon recyclage dès la conception du produit. Environ 80 % des collections de Faguo comportent un minimum de 30 % de matière recyclée. Les semelles des baskets sont issues de balle de tennis recyclées.

Le patron n’hésite à faire une démonstration. "On a innové en faisant du design recyclable. Pour tenir les pièces de mon jean, il y a des petits rivets en acier, ici. Nous les avons conçus de manière à pouvoir les retirer en les dévissant avec une petite clé. Les boutons de la braguette, en buis, se retirent et sont consignés. Quand mon jean sera mort, je les enlève, et il reste juste la toile en coton que l’on peut recycler à 100 %, facilement, parce qu’elle n’est pas mélangée à autre chose, du plastique ou de l’acier. "

Une seconde vie pour les produits

Autre bonne pratique, la réparation et la seconde vie. Une fois par mois, dans toutes les boutiques Faguo, le client peut profiter gratuitement d’un atelier réparation chaussures, sacs ou vêtements. Des boutiques où l’on peut également déposer dans des bornes les vêtements que l’on ne veut plus porter. Les vêtements hors d’usage sont envoyés chez un partenaire, I : CO, qui les recycle en chiffon, isolant ou fil. Faguo reprend aussi ses propres produits en bon état, les revend et offre des bons d’achat en échange. "Nous défendons la seconde main de nos produits. On les conçoit pour qu’ils durent longtemps." Durer longtemps était la façon de faire d’autrefois. "Nos grands-parents gardaient longtemps les choses pour économiser, par peur de dépenser, dit-il. Nous, on doit le faire par conviction."

Boutiques et vente en ligne

Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, cofondateurs de Faguo, marque nantaise de mode masculine, comptent doubler le nombre de leurs boutiques d'ici à 2024 — Photo : Benjamin Sellier all right reserved - Benjamin Sellier

L’entreprise nantaise de commerce de détail aime les centres-villes. Ces lieux de vie sont le cœur de son activité, mais l’enseigne de mode ne délaisse pas pour autant la vente en ligne. Là aussi, Faguo vient de réduire la facture carbone sur le numérique qui assure 15 % de son chiffre d’affaires. "La refonte de notre site de e-commerce nous a permis de baisser de 70 % notre empreinte carbone sur le web, précise le dirigeant. On économise 8,6 tonnes de CO2. Chaque page quand elle est consultée émet 0,5 g de carbone aujourd’hui contre 1,7 g auparavant." L’hébergeur du site tourne à l’énergie verte, recycle ses serveurs et s’engage à compenser à 200 % ses émissions de CO2. Sur Internet, la transparence est au rendez-vous : chaque pièce se voit étiquetée avec son coût en carbone total, de sa conception à sa vente en passant par la matière première et la fabrication. Le premier site de e-commerce de mode à pratiquer cet affichage sur toutes ses références.

Inspirer les autres

Nicolas Rohr prend de la hauteur : "On s’aligne pleinement sur l’Accord de Paris de la COP 21", qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 70 % d’ici à 2050 et contenir le réchauffement climatique sous la barre des +1,5 °C. "Chaque entreprise devrait aujourd’hui piloter son budget avec deux lignes de factures : celles en euros et celles en carbone." Combien chacun de leur service ou produit coûte à la planète ? Que font-ils pour réduire la facture carbone dès la conception du produit ? Faguo assume le rôle de leader sur ce terrain et pourquoi pas d’entreprise inspirante pour les autres. La marque porte d’ailleurs une action militante qui va dans ce sens : "Make Friday green again", au sein d’un collectif de 1 200 entreprises qui ne font pas le Black Friday, ce vendredi noir de la vente à prix cassé.

Cet engagement pour une consommation plus responsable n’est pas une surprise. Faguo est une entreprise à mission qui s’engage sur des objectifs précis sur les plans social, sociétal et environnemental. Elle fait aussi partie du club fermé des entreprises avec la certification B Corp, un label international normé extrêmement rigoureux sur les mêmes thématiques et décroché par seulement 4 000 entreprises dans le monde. "Nous sommes cinq entreprises en France à avoir cette double casquette, assure Nicolas Rohr. Chaque année, il y a 50 000 demandes pour devenir une entreprise B corp." Une poignée décroche le Graal.

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