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Coronavirus : ouvrir ou ne pas ouvrir son entreprise, les dirigeants locaux sont divisés
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Coronavirus : ouvrir ou ne pas ouvrir son entreprise, les dirigeants locaux sont divisés

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D’un côté la colère du président de la CPME Pays de la Loire qui refuse de rouvrir son entreprise de BTP parce que « nos salariés ne sont pas des bagnards » dit-il. D’un autre côté, les positions de Claude Robin, PDG du groupe d’expertise-comptable Amarris ou de Jean-Paul Chapron, PDG de l’ESN nantaise ASI qui estiment que « la vie économique ne doit pas s’arrêter », car « si plus personne ne paie personne, que va-t-il se passer ? ». Faut-il laisser son entreprise ouverte comme les Chantiers de l'Atlantique ou la fermer comme Manitou  ? En cette période de confinement liée au coronavirus le débat divise les dirigeants de Loire-Atlantique et Vendée.

— Photo : JDE

Le message du Préfet de région Claude d'Harcourt ce jeudi 19 mars au soir est clair : « il est indispensable que la vie économique de la nation et plus spécifiquement de la région soit la moins impactée possible ». Selon le bilan de la préfecture, depuis le début de la semaine, 751 entreprises des Pays de la Loire employant 17 560 salariés ont demandé à bénéficier de l’activité partielle pour un total de 13,8 millions d’heures.

Ainsi, il indique que les établissements industriels, entrepôts, marchés de gros, sont autorisés à fonctionner "dans le respect des consignes sanitaires en vigueur" et rappelle que le secteur du transport de marchandises, toutes activités confondues, les ports et les entreprises des places portuaires, ainsi que la chaîne logistique doivent rester en activité. Enfin, « les marchés doivent pouvoir continuer à se tenir, mais uniquement pour les produits de premières nécessité », conclut-il.

Le coup de gueule des patrons du BTP

Un message qui ne passe pas auprès des entreprises du BTP notamment, qui avaient été rappelé à l'ordre par le gouvernement un peu plus tôt dans la journée. « Nos salariés ne sont pas des bagnards ! » Olivier Morin, président de la CPME Pays de la Loire et vice-président de la Fédération Française du Bâtiment de Vendée est en colère. Il le fait savoir dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Celui qui est dirigeant de deux PME dans le BTP en Vendée, SR Concept dans la maîtrise d’œuvre et Serge Ratouit SARL, entreprise de maçonnerie générale employant 21 salariés à Belleville-sur-Vie, refuse de rouvrir et de faire revenir ses collaborateurs sur les chantiers, comme l’y incite pourtant le gouvernement. « Je ne céderai pas, je ne plierai pas ! ». Il s’adresse dans cette vidéo directement à Emmanuel Macron.

Ce qui l’inquiète, comme tous les acteurs du BTP : que les entreprises du BTP ne puissent pas bénéficier du chômage partiel. « Mes collègues commencent à recevoir des fins de non-recevoir, on leur dit que le motif n’est pas recevable. Je pensais naïvement que quand Emmanuel Macron parlait de guerre, il évoquait notre combat contre le virus. Il semblerait qu’il s’agisse en fait d’un combat contre l’administration », s’insurge-t-il.

Lui refuse de faire revenir ses collaborateurs sur les chantiers et de les exposer à un risque de contamination. « S’ils vont sur les chantiers, ils devront être deux ou trois dans la camionnette, ce qui est interdit. De toute façon, nos fournisseurs de négoce en matériaux sont fermés et les maîtres d’ouvrage ont fermé les chantiers. En tant que dirigeant, je dois assurer la sécurité de mes salariés. C’est la loi. Nos salariés ne sont pas des bagnards ! ».

« Pourquoi les cols-bleus seraient exposés et pas les cols blancs ? »

Une indignation que partage Yoann Choin-Joubert, PDG du promoteur nantais Réalités (280 salariés, 155 M€ de CA) : « de notre côté, nous avons décidé dès lundi de les fermer ne voyant pas bien pourquoi les cols-bleus seraient exposés et pas les cols blancs. Soit on travaille tous, soit personne, en dehors des produits et services dits indispensables », explique-t-il sur les réseaux sociaux.

Ceux qui ne veulent pas bloquer l’économie

Un avis que ne partage pas Jean Bureau, dirigeant de la scierie TBO à Riaillé, en Loire-Atlantique qui continue à produire quasi normalement. « Sur 40 salariés, nous avons seulement pu en mettre quatre en télétravail (RH, compta, commercial, achat bois), sur les 36 autres, 3 sont absents pour garde d’enfants. Six de nos gros clients sont classés en activités essentielles au bon fonctionnement de notre pays ; ce sont des fournisseurs des industries de l’agroalimentaire et de la santé », explique-t-il. Cela compense en partie nombre de ses autres clients industriels qui ont déjà fermé leurs usines.

Au-delà de son entreprise, le dirigeant est « pour » que les industriels ouvrent leur entreprise. « La communication gouvernementale s’est emballée sur le télétravail, oubliant que la France n’est pas composée que de citadins travaillant devant un ordinateur. La France rurale et industrielle existe encore et c’est elle qui fait tourner l’essentiel de nos activités vitales. Le coronavirus fera sûrement beaucoup de dégâts mais la paralysie de l’économie pourrait en faire beaucoup plus ! »

« Trop de sociétés ferment ou stoppent leurs projets alors qu’elles ont la possibilité de maintenir l’activité »

Jean-Paul Chapron, président d'ASI et ambassadeur de l'égalité professionnelle en Pays de la Loire — Photo : ASI

Une position que partage Jean-Paul Chapron Président de l’ESN nantaise ASI (440 salariés, 37,7 M€ de CA en 2019), délégué régional du Syntec Numérique (syndicats professionnels français de l’industrie du numérique) : « La vie économique ne doit pas s’arrêter, trop de sociétés ferment ou stoppent leurs projets alors qu’elles ont la possibilité de maintenir l’activité pour leurs collaborateurs qui ont besoin de travailler en respectant les consignes, pour leurs fournisseurs ou partenaires, et aussi pour leurs clients. »

Manitou fermé, les Chantiers de l’Atlantique ouverts

Claude Robin est le fondateur et PDG du groupe Amarris, basé à Saint-Herblain. — Photo : JDE

« Ne bloquons pas notre économie » implore également Claude Robin, PDG du groupe Amarris. « si plus personne ne paie personne, que va-t-il se passer ? Notre économie va encore plus se gripper, et nous allons connaître des moments encore beaucoup plus durs », explique le PDG du groupe d’expertise-comptable.

En Loire-Atlantique et Vendée, si la plupart des entreprises de services ou du numérique ont pu basculer leurs équipes en télétravail, la situation est plus compliquée pour les industriels. Il y a ceux qui décident de rester ouverts comme Europe Technologies par exemple ou même les Chantiers de l’Atlantique continuent leur activité, même au ralenti, sans parler des indispensables industriels de l’agroalimentaire qui sont tous mobilisés et ne souffrent d’ailleurs quasiment pas d’absentéisme.

À l’inverse Le groupe Manitou ferme ses opérations en France jusqu’au 31 mars. C’est aussi le cas pour le groupe Herige, spécialisé dans le BTP à L’Herbergement (Vendée), le fabricant d’enduits PRB, basé à La Mothe-Achard (Vendée), tout comme le groupe de concessions automobiles RCM ou le promoteur vendéen Duret Immobilier. Le constructeur de maisons Guérin Bremaud, comme le fabricant de protection en tissus techniques Sofareb, dans le Sud-Vendée, qui confie que « la fabrication, l’expédition, les déplacements en chantiers étaient depuis quelques jours très impactés voire impossibles. » En Loire-Atlantique, le fabricant de ventilation basé à Couëron, Ventilair Sec, a également annoncé qu’il « fermait temporairement pour soutenir l’effort collectif de lutte contre l’épidémie de Covid-19. »

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