Coronavirus : l'épidémie pourrait booster le marché des vans aménagés
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Coronavirus : l'épidémie pourrait booster le marché des vans aménagés

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Partir en voyage avec sa petite maison dans le coffre, direction la nature et la liberté. Et si c'était le meilleur moyen de passer des vacances déconfinées ? La crise sanitaire actuelle pourrait bien accentuer une tendance de fond observée chez les vacanciers depuis quelques années. Ils délaissent les campings et les hôtels pour l’aventure en vans ou en fourgons aménagés. Sur ce nouveau marché, de nombreuses entreprises locales se sont positionnées.

Le marché des vans aménagés affiche des taux de croissance à deux chiffres depuis cinq ans — Photo : Elise Fournier-Travel Camper

Partir en roadtrip en van, se garer face à la mer ou en pleine forêt, dormir sur le toit relevable et se réveiller chaque matin en pleine nature. Et si partir en vacances en van était la solution idéale pour profiter des congés à l’heure du coronavirus ? À l’heure où les Français se creusent la tête pour organiser leurs vacances d’été tout en respectant les gestes barrière, le van aménagé apparaît comme l’une des meilleures façons de vivre le déconfinement. La crise sanitaire pourrait donc bien accentuer une tendance bien réelle dans le secteur des loisirs et du voyage.

En France, selon le syndicat des véhicules de loisirs, les ventes de vans neufs affichent une hausse en 2019 de plus de 17 % par rapport à 2018, après une autre année de croissance de l’ordre de 15 %. « On est sur une croissance à deux chiffres depuis cinq ans », remarque Antoine Guéret, directeur marketing du fabricant de camping-car Pilote. Une croissance pour ces fourgons ou vans, trois fois plus grande que celle de leurs grands frères les camping-cars. « C’est un marché qui n’existait pas il y a 10 ans, et qui a doublé depuis 5 ans », constate Antoine Guéret. « Même si le van ne connaîtra peut-être pas une croissance à 2 chiffres en 2020 ou 2021 à cause de la crise sanitaire, sa part de marché dans les véhicules de loisirs devrait continuer à croître ! », assure-t-il.

Un marché émergent capté par des PME

Choisir un van plutôt qu'un camping car permet à ses adeptes de se garer n'importe où. — Photo : Elise Fournier-Travel Camper

Plus compact (5 mètres), plus petit (moins de 2 mètres), plus discret et plus facile à manœuvrer qu’un camping-car, le van ou le fourgon aménagé permet à ses adeptes de circuler en ville, de se garer n’importe où ou presque, même en pleine nature, ce qui est interdit aux camping-cars. Qu’ils soient surfeurs des mers, fans de sport en nature, couple de quadra avec enfants ayant soif de liberté, ou, jeunes seniors en quête d’aventure, les adeptes de cette vie de baroudeurs refusent en bloc l’idée même de s’équiper d’un camping-car qu’ils jugent encombrant et un peu ringard. « Le camping-car, c’est le confort mou. Le van, c’est l’aventure facile », résume un des acteurs du marché.

Cette tendance dite du « slow travel » a ouvert la voie à un nouveau marché et à de multiples acteurs nouveaux qui sont tous apparus ces dix dernières années. Ce sont des aménageurs, la plupart du temps des PME de moins de 10 salariés, fondées par des artisans qui savent bricoler et transformer un utilitaire en petite maison sur roue et par des loueurs. Make my Van à Nantes, Créavan à La Roche-sur-Yon, My Kit Van aux Sorinières, Sam’Evade à Montreverd, la petite maison Campervan, Océvan, il en existe une dizaine rien qu’en Loire-Atlantique et Vendée. Certains sont aussi devenus loueurs de van avec une flotte de 10 à 15 véhicules comme Travel Camper à Cheix-en-Retz.

40 % de l’activité de Pilote et de Rapido

Si l’engouement se vérifie partout en France, c’est en effet à l’Ouest que le marché est le plus dynamique, du fait de la présence historique dans les Pays de la Loire de deux des trois plus grands constructeurs de véhicules de loisirs : le groupe Rapido basé en Mayenne (480 M€ de CA, 1 500 salariés), deuxième acteur français du camping-car et le groupe Pilote (300 M€ de CA, 1 000 salariés), installé à la Limouzinière, dans le sud de la Loire-Atlantique. Ces constructeurs de camping-car ont pris, ces dernières années, un sérieux virage vers le van. Chez Pilote, les vans ou fourgons représentent ainsi 25 % des ventes. « L’objectif est de dépasser les 40 % », explique Antoine Guéret. Le groupe Rapido va dans la même direction. Les deux groupes, ont tous les deux investi en masse ces dernières années.

Chaque van aménagé comprend un lavabo, un réfrigirateur, une banquette, des rangements et des plaques de cuisson aux gaz. — Photo : Elise Fournier-Travel Camper

Ainsi, à Benet en Vendée, le groupe Fleurette (200 salariés), filiale depuis 2005 du groupe Rapido, vient d’investir 6 millions d’euros dans une ligne de production de vans aménagés. L’investissement fait suite à la reprise de Westfalia, le groupe allemand connu dans le secteur pour avoir aménagé, dans les années 60, les fameux premiers combi Volkswagen.

Le groupe Pilote suit la même route. Il vient d’investir 10 millions d’euros sur son site de la Limouzinière dans une ligne de production pour industrialiser la pose de menuiserie. De la même manière Trigano (2,3 Md€ CA, 8 800 salariés), le groupe parisien numéro un européen du camping-car, a lui aussi investi dans de nouveaux équipements avec la reprise, il y a moins des 10 ans, de l’aménageur Font Vendôme (200 salariés) basé en Dordogne et du groupe slovène Adria Mobil il y a moins de trois ans (1 700 salariés, 356 M€ de CA).

Tous ciblent le marché français mais aussi celui des Allemands, de loin les plus gros consommateurs de vans, suivi du marché anglais. Et tous fabriquent à peu près le même genre de produits. Ils achètent le châssis d’utilitaires construits par les marques Mercedes, Fiat, Renault, Citroën, et y intègrent tous les accessoires pour les transformer en mini-maison : lavabo, frigo, plaques de cuisson, gaz, rangements, table et parfois un toit relevable qui permet de faire dormir jusqu’à cinq personnes. L’aménagement est à peu près toujours le même, qu’il soit réalisé par les petits aménageurs ou par les gros constructeurs. « La différence se fait sur le mobilier et la qualité de la menuiserie », constate le directeur marketing de Pilote.

L’eau chaude, le nouveau luxe

La banquette arrière d'un van se transforme en lit. — Photo : Elise Fournier-Travel Camper

La tendance les amène à proposer de plus en plus de confort : le chauffage, un ballon d’eau chaude, des prises USB, etc. Des options qui font grimper les prix. Comptez entre 40 000 et 50 000 euros pour un van ou un fourgon aménagé, qu’ils sortent de l’atelier d’un petit aménageur ou de l’usine d’un groupe. Si les prix restent aussi hauts, c’est parce qu’il faut compter le prix incompressible du véhicule utilitaire fourni par les constructeurs automobiles. Ces derniers commencent, eux aussi, à vouloir prendre le train de ce marché en pleine accélération. Ainsi, Citroën commence depuis peu à proposer des vans et fourgons aménagés. C’est pour le moment le seul à avoir osé s’attaquer à ce marché dominé depuis toujours par Volkswagen qui profite de la belle renommée de son fameux Combi. Le groupe allemand a d’ailleurs annoncé préparer une sortie d’un Combi électrique en 2022. La marque allemande reste celle qui vend le plus de vans en Europe, 18 000 en 2018 soit deux fois le nombre total de nouvelles immatriculations par an en France.

Tout l’enjeu pour eux est de dupliquer un mode de vie qui est déjà répandu en Allemagne, le pays de Volkswagen, mais pas encore en France : que le van devienne le deuxième véhicule de la famille, le monospace de loisirs avec lequel on peut se rendre au travail, et non pas le troisième véhicule qui hiberne dans le garage en attendant de sortir aux beaux jours.

Les familles préfèrent la location

L’argument permettrait de convaincre une clientèle plus jeune d’acheter un van. « Aujourd’hui, l’âge moyen d’un acheteur de van ou de fourgon est de 55 ans contre 59 ans pour les camping-cars », constate Antoine Guéret. « Le neuf est jugé trop cher pour les familles », constate l’un des acteurs du secteur. Les 35-45 ans préfèrent, eux, se rabattre sur des locations de courtes durées, pour les ponts du mois de mai ou des vacances d’été en pleine nature avec leurs jeunes enfants.

Ils réservent leurs maisons de vacances roulantes sur des sites de location… Sur ce segment aussi, de nombreux acteurs sont montés au créneau : des sites de location de vans aménagés entre particuliers comme le basque Wikicampers (6 M€ de CA, 23 salariés), le bordelais Yescapa (42 salariés) ou encore Drivy, mais aussi des agences comme Black-Sheep et le nantais WeVan. Cette PME créée il y a 10 ans par Augustin Bouyer et Joseph Teyssier compte 16 agences en France, développées en franchises (30 salariés). Elle en ouvre deux nouvelles par an. « On a beaucoup de réservations de familles, entre 7 et 15 jours, pour faire le tour de la Bretagne », constate Prune Roquette, chargée du marketing de WeVan. Certains décident de partir en Espagne, en Norvège ou en Italie. « Nous enregistrons une croissance de 20 % par an », explique Augustin Bouyer, fondateur de WeVan, qui vend aussi ses vans d’occasion.

À Cheix-en-Retz, entre Nantes et Pornic, Travel Camper a, lui, trouvé un business model hybride entre la location et la vente. « En hiver, nous achetons une quinzaine de vans que nous aménageons pour les louer entre mars et octobre. À la fin de la saison, les modèles sont revendus d’occasion », explique Maël Cussonneau, le cofondateur. Le confinement n’a pas impacté les réservations pour cet été : « Nous avons eu des reports sur 2021 car certains clients ont vu leurs congés modifiés, mais également une forte augmentation de la demande depuis le jeudi 14 mai et les annonces "rassurantes" d’Édouard Philippe », constate-t-il.

Créé par deux amis bricoleurs, sur le parking de leur domicile, Travel Camper suit la croissance du marché. La PME réalise aujourd’hui 650 000 euros chiffre d’affaires en hausse de 15 % par rapport à l’an dernier. Pour cet été, tous les vans sont réservés. « Un client sur deux qui loue a l’objectif d’investir un jour », constate Wilfried Alteirac, l’autre cofondateur. Les deux associés comptent trois agences, deux à Nantes et une à Bordeaux.

La belle croissance annuelle à deux chiffres de ces petits loueurs est regardée de près par les constructeurs de véhicules de loisirs qui cherchent eux aussi, à attirer une clientèle plus jeune. Certains réfléchissent actuellement à proposer à leurs concessionnaires de devenir aussi des loueurs, ce qui représenterait un virage à 180 degrés pour ces acteurs.

Des communes qui s’agacent du parking sauvage

Les villes et les communes sont aussi obligées de s’adapter à la mode des vans. La première envie, le premier réflexe de ces « vanistes », comme les appelle Laurent Morice, PDG de la PME pornicaise Camping Car Park (50 salariés, 6 M€ de CA), c’est de se garer en pleine nature ou sur un parking gratuit, idéalement face à la mer, un beau paysage. De quoi agacer les communes et stations balnéaires qui n’hésitent plus à mettre des contraventions. « La police municipale passe vers 22 heures faire le tour des parkings », remarque Laurent Morice. C’est le cas dans les Landes, sur l’île de Ré ou sur l’île d’Oléron, ce qui contraint les vanistes à se replier dans des campings ou sur les aires de Camping Car Park. Face à la demande, la PME qui a implanté ses aires à péages dans 250 villes a commencé à créer une aire réservée aux vans à Longeville, commune vendéenne prisée des surfers et de leurs vans. La spécificité ? Une douche et des WC que la plupart des vans ou fourgons n’ont pas dans leurs coffres, contrairement aux camping-cars. Camping-Car Park se prépare donc à investir pour ouvrir d’autres aires avec douches et WC quand d’autres collectivités le solliciteront. Pour lui, comme pour les autres acteurs locaux, sur ce nouveau marché, tous les signaux sont au vert.

Facebook et Instagram comme canal de vente

Le toit relevable installé sur les vans permet de faire dormir jusqu'à 5 personnes. — Photo : Elise Fournier-Travel Camper

La vie de nomade a son propre hashtag : sous l’étiquette #vanlife, de nombreux voyageurs publient sur Instagram et Twitter des photos de leurs périples. Mer ou montagne, les photos montrent les voyageurs garés avec leur van en pleine nature, au coucher ou au lever du soleil, ils semblent prendre le temps de vivre l’aventure, la vraie. Conscient que ces images parlent plus aux potentiels clients que n’importe quelle publicité, WeVan a décidé de créer une vraie stratégie de social média sur Facebook et Instagram en publiant des photos sous le hashtag #vanlife #roadtrip. « Les réseaux sociaux sont au cœur de notre stratégie digitale », confirme Augustin Bouyer, fondateur de We Van. Le but : que le réseau social devienne un point de contact stratégique, un canal de vente pour la marque. Elle a, pour cela fait appel, il y a trois ans, à l’agence de communication nantaise We Like Travel qui est spécialisée sur le tourisme et les réseaux sociaux. We Van, qui édite aussi des guides de voyages (30 000 ventes) pour les utilisateurs de vans, fait travailler régulièrement une dizaine d’indépendants -photographes, vidéastes - pour produire du contenu.

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