Commerce : les centres des villes moyennes en quête d'un second souffle
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Commerce : les centres des villes moyennes en quête d'un second souffle

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Les cœurs des villes moyennes souffrent et les commerces se meurent petit à petit. En cause : la concurrence accrue des galeries commerciales, le e-commerce et les nouveaux modes de consommation. Collectivités et commerçants tentent d'enrayer le phénomène.

— Photo : Jéromine Doux - JDE

Commerces vides, vitrines tapissées de publicité… Dans les rues du centre-ville de plusieurs communes des Pays de la Loire, le paysage est le même. Si le mouvement des gilets jaunes a pointé du doigt cette problématique, la désertification commerciale des villes moyennes a commencé il y a déjà plusieurs années. En cause : l’attrait pour les métropoles et les galeries marchandes situées en périphérie des villes ou encore le e-commerce.
Aujourd’hui, les villes et leurs boutiques sont donc obligés de s’adapter. Pour cela, Châteaubriant, Fontenay-le-Comte, Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon et cinq autres villes de la région bénéficient d’un coup de pouce financier de l’État. Elles ont en effet été sélectionnées pour faire partie du programme « Action cœur de ville » lancé par le gouvernement l’an passé pour redynamiser les villes moyennes.

15 % de vacance commerciale à La Roche-sur-Yon

La Roche-sur-Yon, par exemple, affiche un taux de vacance commerciale de 15 %, supérieur à la moyenne nationale qui s’établit à près de 12 %. Et la tendance est franchement à la hausse. En France, le taux de vacance a presque doublé en cinq ans, passant de 7,2 % en 2012 à 11,9 % en 2018. Saint-Nazaire a été bien au-delà de ces chiffres, avant de rétablir un peu la barre. « Le taux de vacance commerciale était de 16 % en 2014. Il est redescendu à environ 10 % », indique Martin Arnout, élu en charge du commerce à Saint-Nazaire. Châteaubriant ne peut malheureusement pas en dire autant. « Après la fermeture de plusieurs usines, la ville a vu son niveau de vieillissement augmenter en même temps que son taux de pauvreté », explique Anthony Barbier, directeur territorial Loire-Atlantique de la Banque des Territoires. Selon l’Insee, c’est même l’une des deux villes les plus pauvres des Pays de la Loire, avec Sablé-sur-Sarthe. Fontenay-le-Comte, dans le Sud Vendée, présente à peu près les mêmes caractéristiques. Après les fermetures successives de ses industries, la ville a perdu de nombreux habitants. Elle compte 15 % de logements vacants et son taux de pauvreté s’élève à 17 %, contre 10 % dans le département.

Demander l’avis des habitants

Pour redresser la barre, Châteaubriant a commencé par demander l’avis de ses habitants en organisant des consultations. Selon Magali Vergnet-Covo, salariée de la Semaest, une société d’économie mixte chargée de revitaliser les centres-villes d’Ile-de-France, les collectivités ont un véritable rôle à jouer. Elles ne doivent pas hésiter à acheter des locaux, à les rénover et à proposer des loyers modérés ou progressifs pour permettre aux commerçants de s’installer. Cette SEM a été créée il y a quelques années pour dynamiser certaines rues parisiennes. Preuve que le phénomène est présent partout, même s’il concerne davantage les villes moyennes ces dernières années. Investir dans des cellules commerciales pour permettre à des commerces de s’installer, c’est en effet ce qu’ont choisi de faire les municipalités de Châteaubriant, de Saint-Nazaire, de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte. De cette façon, les Villes peuvent également choisir les typologies de commerces qui s’implantent dans leurs locaux. « Cela permet d’éviter d’avoir quatre banques qui se succèdent dans une même rue », précise Phillipe Jusserand, le directeur régional de la Banque des Territoires. Mais aussi d’accueillir des boutiques éphémères ou des commerces moins rentables, qui peuvent faire office de locomotive pour attirer des consommateurs.

« Élargir leurs horaires, livrer leurs clients »

Et les commerçants ont évidemment un rôle à jouer. « Ils doivent s’adapter aux nouvelles demandes : élargir leurs horaires, être capables de livrer leurs clients, avoir des sites internet et créer de vrais lieux de vie », explique Magali Vergnet-Covo. Selon elle, le commerce a peu évolué alors qu’il n’a plus rien à voir avec celui des années soixante. « L’offre a explosé mais le pouvoir d’achat a peu augmenté », poursuit-elle. Alors, forcément, tout le monde ne s’y retrouve pas. « La concurrence de la périphérie est trop forte », peste Christine Charpentier, responsable de la boutique Cuir et Création, installée à Fontenay-le-Comte depuis sept ans. Selon cette commerçante, le centre-ville ne cesse de décliner et les animations sont trop peu nombreuses. Un contexte qui la pousse à arrêter son activité.
Les animations, c’est pourtant ce sur quoi investissent les municipalités. À La Roche-sur-Yon, la Banque des Territoires s’est associée à l’agence de développement économique locale, Oryon et au Crédit Agricole pour faire l’acquisition de foncier. « Nous allons notamment racheter le Château des Oudairies », raconte Stéphane Lafargue, directeur territorial de la Vendée pour la Banque des Territoires. L’objectif : créer des événements au sein de ce lieu, situé à proximité du cœur de ville.

Manager de centre-ville : un nouveau métier

Et pour faire le lien entre les acteurs économiques et les collectivités, certaines villes ont misé sur un « manager de centre-ville ». Un métier récent, né pour répondre à ces problématiques. En Vendée, La Roche-sur-Yon et Fontenay ont créé ce poste il y a quelques années. Ils gèrent parfois les commerces de toute l’agglomération et cherchent à trouver une complémentarité entre les zones périphériques et le centre-ville. « Il faut réussir à installer des commerces de niche dans le centre », assure Benjamin Servant, city manager à Fontenay-le-Comte. À Saint-Nazaire, l’association des commerçants a même créé un partenariat avec Leclerc pour que les clients obtiennent des bons de réduction dans les commerces du centre-ville.

Des marketplaces pour concurrencer le e-commerce

Le second gros concurrent pour les commerçants, c’est le e-commerce. Récemment, plusieurs acteurs économiques vendéens ont donc investi 150 000 € pour créer une marketplace. L’idée : permettre aux commerçants, artisans et entreprises vendéennes de commercialiser leurs produits sur un site marchand. Les consommateurs pourront ensuite être livrés partout en France. Saint-Nazaire va bientôt expérimenter la même plateforme pour une soixantaine de ses commerçants, via un site appelé Ma ville mon shopping.

Créer des logements pour amener « du flux »

Mais le commerce n'est pas le seul axe sur lequel les municipalités doivent se concentrer. Selon Philippe Jusserand, directeur régional de La Banque des Territoires, l’enjeu est de prendre le problème dans sa globalité, en intégrant le logement, l’accessibilité, le stationnement, les services, les pôles médicaux et même le très haut débit. A Saint-Nazaire, Martin Arnout, en charge du commerce, met l'accent sur le logement. « Nous rachetons, rénovons puis revendons des habitations en ciblant en priorité les familles », explique-t-il. Au total, la Ville a engagé près de 100 M€ pour attirer du monde dans ses rues piétonnes. À la place d’un ancien Carrefour ou d’un vieux théâtre, elle prévoit par exemple de construire 600 logements.
Axé sa politique de revitalisation sur la construction d’habitations, c’est également ce que tente de faire Fontenay-le-Comte, qui compte de nombreux bâtiments abandonnés. Alors pour inciter les propriétaires à remettre leurs locaux en état afin de les louer, la Ville a décidé de les taxer. Car l’enjeu pour les municipalités est d’amener « du flux » dans leur centre-ville.

Attirer des entreprises ou des écoles

Certaines villes misent également sur les entreprises ou les étudiants. L’école d’ingénieur CESI à Saint-Nazaire déménagera, par exemple, en plein cœur de ville en 2021, à l’étage d’un bâtiment commercial. Et la Ville veut également mettre à disposition des locaux commerciaux pour faire venir les entreprises. À Châteaubriant, la municipalité compte notamment sur le déménagement de l’entreprise Orinox, qui emploie une centaine de personnes, pour redynamiser ses ruelles. A côté de ces solutions plus ou moins innovantes, une nouvelle tendance pourrait faciliter la tâche des municipalités.
Certaines grandes enseignes se rapprochent en effet des centres-villes. Ikea, par exemple, vient de lancer un nouveau concept de magasin, plus petit, en plein Paris. Décathlon se lance sur le même créneau. Il investira bientôt le centre-ville de Nantes avec un Décathlon City. Pour Clément Plault, un opticien de La Roche-sur-Yon, « ces locomotives, en quête de plus de proximité, seront bénéfiques à tous les commerces en attirant du monde. » Reste à savoir si les villes moyennes profiteront du phénomène.

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