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Comment Nantes muscle son jeu pour séduire les entreprises étrangères
Enquête Loire-Atlantique # Attractivité

Comment Nantes muscle son jeu pour séduire les entreprises étrangères

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Depuis un an, l’agence d’attractivité de Nantes Saint-Nazaire chargée d’attirer des nouvelles entreprises sur le territoire a affiné sa stratégie pour tenter de séduire des grands groupes internationaux. C’est ce qui manque à la région nantaise pour devenir une métropole européenne incontournable.

— Photo : Nantes Saint Nazaire Développement

La région nantaise s'accapare régulièrement les classements des métropoles françaises les plus attractives pour les cadres, les Parisiens, les étudiants ou les chefs d’entreprise. Si elle accueille chaque année plus de 8 000 nouveaux habitants (dont un sur cinq en provenance d’Ile-de-France), le nombre d’entreprises, lui reste au même point : près de 80 sociétés s’installent à Nantes par an, générant selon les statistiques de la métropole 1 167 nouveaux emplois.

Une attractivité qui stagne

Jusqu’ici, la proximité de la capitale et de la mer, sa qualité de vie ou encore son dynamisme culturel suffisaient comme arguments pour attirer des entreprises parisiennes - elles représentent 40 % des sociétés implantées en 2017. La majorité étant des bureaux d’études, de conseil aux entreprises évoluant dans le numérique, attirés par le dynamisme de la métropole. L’enthousiasme était tellement grand que l’agence Nantes-Saint-Nazaire Développement s’était fixée comme objectif de dépasser les 100 entreprises implantées par an sur le territoire. Or, depuis quelque temps, l’attractivité stagne. Sur près de 300 projets présentés, un quart se concrétise à Nantes-Saint-Nazaire chaque année. « Ce n’est pas tant la quantité qui nous intéresse mais la qualité de ces implantations », balaie Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole. Pourtant la sixième ville de France en nombre d'habitants n'a pas à rougir de son bilan. En 2017, elle a accueilli bien plus d'entreprises que Toulouse (16), Lille (30), Bordeaux (70) ou Marseille (68), selon les agences de développement économique de ces métropoles.

Séduire plus d'entreprises étrangères

Mais Johanna Rolland, tout comme la Carene (Saint-Nazaire Agglomération), la CCI Nantes Saint-Nazaire et le Conseil régional - qui financent l’agence de développement économique Nantes Saint-Nazaire Développement à hauteur de 4 millions d’euros -, veulent voir plus grand. Leur objectif est d'accueillir des sièges sociaux d'entreprises à capitaux étrangers capables de contribuer au dynamisme du territoire et de challenger des filières. Car c’est clairement ce qui manque à la ville pour prendre une dimension européenne.

Pourtant, selon le baromètre de l’attractivité en France publié par le cabinet EY en juin 2018, la métropole Nantes Saint-Nazaire arrive en cinquième position des métropoles françaises, derrière Lyon, Bordeaux, Toulouse et Marseille, en termes d'attractivité des investissements étrangers. Mais en 2017, moins de dix des nouvelles entreprises accueillies sur le territoire sont d’origine étrangère. Aerius Marine (Allemagne), Axys Technology (Canada), Bac Corrion Control (Danemark), Mistras Group (États-Unis)... la plupart a en fait créé une agence sur place pour répondre à la demande des industriels du port de Saint-Nazaire. Les autres sont de grandes enseignes commerciales comme H&M et Hema.

Une liste secrète de 100 entreprises

Pour tenter de séduire de plus grands groupes dans des secteurs d'activité plus variés, Nantes Métropole et Saint-Nazaire ont établi une liste secrète de 100 entreprises qu’ils aimeraient bien accueillir. Plusieurs filières prioritaires ont été identifiées. D’abord la santé, alors que la construction du nouveau CHU devrait s’achever en 2026 au cœur d’un nouveau quartier de la santé de 225 000 m². L’agroalimentaire, l’industrie du futur et en priorité l’aéronautique et les énergies marines renouvelables, mais aussi le nautisme et l’industrie créative, font partie des autres secteurs-clés identifiés. À chaque filière son chargé d’affaires. Ils sont six en tout à partir à la chasse aux prospects.

"Nous faisons comme une banque avec les grands comptes, sauf que l’on a une finalité publique"

« Nous fonctionnons comme une entreprise », explique Nicolas Debon, qui a pris les rênes de l'agence Nantes-Saint-Nazaire Développement il y a deux ans. « Nous faisons comme une banque avec les grands comptes, sauf que l’on a une finalité publique. Notre but est la création de valeur et d’emploi », poursuit le directeur général. Il est en train de recruter d’autres chargés d’affaires aux profils plus internationaux. L’agence d’attractivité s’inspire d’une stratégie mise en place depuis plusieurs années par sa consœur lyonnaise, l’Aderly.

Lyon, l'exemple à suivre

Avec un budget de 6 M€, l’agence de développement économique de la région lyonnaise compte dans ses rangs une vingtaine de chargés d’affaires dont des consultants installés en Chine et au Japon. « Ils sont experts des secteurs clés que l’on a identifiés (assurance, biotech, fintech, numérique) et connaissent bien ces pays », explique Jean-Charles Foddis, directeur de l’Aderly. Objectif : réussir à inviter ces prospects à Lyon pour une découverte de l’écosystème local. C’est ce qui permet à la deuxième ville de France d’être la championne de l'accueil de nouvelles entreprises chaque année. Plus de 100 entreprises au total, dont la moitié vient de l’étranger, un quart hors de la zone euro. Pour chacune, l’agence d’attractivité fait du sur-mesure : aide à la recherche de locaux, à la mise en relation avec des fournisseurs et des cabinets de recrutement. Elle s’occupe aussi de l’accueil des conjoints.

Un accompagnement personnalisé que pratique aussi Nantes. « Nous avons beau avoir les meilleurs arguments économiques, quand le chef d’entreprise prend la décision de s’implanter dans une nouvelle ville, il y a plusieurs facteurs personnels qui peuvent entrer en compte », observe Nicolas Debon. Nantes-Saint-Nazaire Développement organise donc des entretiens plus personnels pour tenter de connaître les loisirs du chef d’entreprise et repérer les éléments qui pourraient le convaincre d’y installer sa famille et celles de ses collaborateurs.

Capter des chercheurs étrangers

Une nouvelle technique de "drague" mise en place depuis un an qui ne semble pas avoir été impactée par l’annulation du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. « Nous avons effectivement eu peur mais personne ne nous en a parlé », assure Nicolas Debon. « Aucun projet n’a été abandonné à cause de cela à ma connaissance », constate-t-il. Le point faible de Nantes, cela serait plutôt son incapacité à attirer des chercheurs étrangers. « Comment se mesure l’attractivité d’une ville ? Dans sa capacité à attirer des talents dans des écoles dynamiques et des centres de recherche », observe Jean-François Balducchi, délégué général de la technopole nantaise Atlanpole. Si les écoles et centres d’innovation ne manquent pas, ils n’ont pas permis d’attirer de grands chercheurs étrangers. Nous constatons qu’il est encore rare de parler avec des entrepreneurs qui viendraient s’installer à Nantes pour les centres de R&D. »

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