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Comment la biotech nantaise veut doubler de taille
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Comment la biotech nantaise veut doubler de taille

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En quelques années, l'Ouest s'est taillé une place centrale dans le secteur des biotechnologies au point de réaliser le quart du chiffre d'affaires national. A l'origine de belles réussites, l'écosystème nantais des biotechs affiche son ambition de doubler de taille. Comment peut-il relever ce challenge ?

— Photo : Biofortis Mérieux

Elles pèsent 25 % du chiffre d'affaires français du secteur biotech/santé et 20 % des salariés au niveau national. Elles, ce sont les sociétés de biotechnologies de l'Ouest. Au nombre de 120, employant 2 000 personnes, elles se fédèrent au sein de l'un des sept pôles de compétitivité tricolore du secteur : Atlanpole Biothérapies. Il couvre les régions Pays de la Loire, Bretagne et Centre mais ce n'est pas un hasard s'il est implanté à Nantes. Avec 80 biotechs, la Cité des ducs occupe une place prépondérante dans cet écosystème. « Nous récoltons le fruit de ce que nous avons semé, résume Florence Hallouin, directrice déléguée d'Atlanpole Biothérapies. La recherche académique étant relativement récente à Nantes, les élus locaux ont fait le choix avant-gardiste de la positionner sur un secteur peu abordé à l’époque, celui des biothérapies. À partir de là, il s’est créé un cercle vertueux autour des biotechnologies », raconte-t-elle.

Car Nantes a ses champions. Eurofins, le géant mondial des analyses alimentaires, pharmaceutiques et environnementales, est né des recherches menées par les parents de Gilles Petit, l’actuel dirigeant, dans les laboratoires du CNRS à Nantes. Présent dans 40 pays, le groupe (30 000 salariés dont 800 à Nantes, 3 Mds € de CA en 2017) conserve dans la Cité des ducs un centre d’excellence dans le domaine des analyses alimentaires. Autre "success story nantaise", celle de Valneva (110 M€ de CA, 450 salariés dont 55 à Nantes). Créée en 1999, la société codirigée par Franck Grimaud est spécialisée dans les vaccins dits du voyageur. Elle fait partie du cercle très fermé des biotechs qui intègrent toute la chaîne de valeur (recherche, production, commercialisation). Tout en étant rentable !

Une recherche scientifique d’excellence

Point fort de la place nantaise : l’excellence de la recherche scientifique, avec quelque 2 500 chercheurs et une quinzaine de laboratoires d’où sont issues de nombreuses biotechs. Outre Eurofins, on peut citer Effimune, spin-off de l’Inserm et de l’Institut de transplantation urologie-néphrologie de Nantes. Créée en 2007 par Maryvonne Hiance, elle est devenue, après sa fusion avec Osé Pharma en 2016, la société Osé Immunotherapeutics, cotée en Bourse. « Nous avons signé trois accords majeurs avec les laboratoires Johnson & Johnson, Servier et Boehringer. Nous possédons un pipeline cohérent de programmes à différentes phases. Le montant potentiel des gains que nous pourrions réaliser s’élève à 1,5 milliard d'euros », annonce Maryvonne Hiance, par ailleurs présidente de France Biotech, l'association des start-up et des jeunes entreprises de l'innovation santé.

Autre illustration avec la société Horama, spécialisée dans la thérapie génique. Créée en 2014 à l’initiative d’équipes de chercheurs académiques nantais et montpelliérains, elle a levé 19 M€ en 2017 pour financer l’entrée en phase clinique de son traitement de la rétinite pigmentaire.

Seconde étape du développement des biotechs à Nantes : l’essaimage de la recherche académique dans l’économie, avec la création de nombreuses entreprises, 4 à 5 par an encore aujourd'hui. Un tissu diversifié de PME comme Affilogic, Atlanthéra, le vendéen Clean Cells, Cytune, Directosanté, Inflectis Biosciences, Xenothéra… En revanche, pas de gros laboratoires ou de personnalité charismatique, comme celle d’Alain Mérieux, PDG de BioMérieux, à Lyon, pour jouer le rôle de locomotive et donner de la visibilité à la ville.

Taille critique

« Il y a dans notre région des biotechs de grande valeur scientifique mais, en l’absence de leader, il est plus difficile d’exister vis-à-vis de l’extérieur », analyse Murielle Cazaubiel, fondatrice de Biofortis (7 M€ de CA, 100 salariés). Née en 2002 de la fusion avec deux autres start-up nantaises, Atlangène et Adriant, la société est devenue en 2009 une filiale de Mérieux NutriSciences, dédiée à l’innovation en nutrition. « Cela nous a permis d’acquérir ce qui nous manquait : une solidité financière importante pour travailler avec les grands comptes, un réseau scientifique et une implantation internationale. Cela permet d’aller plus vite », analyse la dirigeante.

« Aujourd’hui, la compétition s’intensifie. Il faut que nos biotechs deviennent des ETI. »

« Aujourd’hui, la compétition s’intensifie. Il faut que nos biotechs deviennent des ETI », confirme Maryvonne Hiance. Franck Grimaud abonde : « L’écosystème nantais a atteint une taille critique et l’objectif est désormais de doubler de taille. »

Une ambition qui se réalisera peut-être en croisant les compétences scientifiques et numériques dont dispose Nantes. Une voie explorée, par exemple, par la start-up Hera-Mi. Fondée en 2017 par Sylvie Davila, docteur en biologie, et Bruno Scheffer, radiologue, cette société utilise l’intelligence artificielle pour optimiser le diagnostic du cancer du sein. « Je pense que Nantes a une belle carte à jouer en se positionnant comme la capitale de la médecine de demain. L'une des pistes serait d'organiser un événement emblématique sur ce thème pour conquérir de la légitimité et de la visibilité », conseille Murielle Cazaubiel.

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