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Comment Gérard Garnier a fait d'Algam le n°1 de la distribution de musique en France
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Comment Gérard Garnier a fait d'Algam le n°1 de la distribution de musique en France

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Algam vient de présenter la première guitare intelligente au monde, deux ans après avoir repris les célèbres pianos Pleyel. Presque 50 ans après avoir ouvert un petit atelier de fabrication de flûtes tout seul à Mouzeil, Gérard Garnier est aujourd’hui à la tête d’une ETI devenue le n°1 en France de la distribution de musique et n°2 en Europe. Portrait de celui qui donne le LA sur son marché.

— Photo : JDE

« J’aurais voulu être un artiste », confie Gérard Garnier, en souriant d’un clin d’œil musical. Aucun blues de businessman pourtant dans cette remarque du président d’Algam, numéro 1 de la distribution d’instruments de musique en France. « Je suis un mauvais musicien mais j'ai pu m'épanouir au niveau artistique en considérant l’entreprise comme une œuvre vivante », poursuit le chef d’entreprise nantais. Côté business, la partition d’Algam est un concert sans fausse note.

Le chef d’entreprise est devenu, presque 50 ans après avoir créé seul son atelier de fabrication de flûtes à Mouzeil (Loire-Atlantique) en 1971, le chef d’orchestre d’une entreprise employant 250 salariés dans la région nantaise et 165 collaborateurs en Chine. « C’est un empire », confie, admiratif, son ami Yves Tieche, responsable de la marque de cymbales Zildjian pour l’Europe qui le connaît depuis 30 ans. Un empire implanté à Thouaré-sur-Loire et à Carquefou qui regarde de plus en plus vers l’Asie. "C'est grâce à des partenariats chinois que nous avons pu reprendre les Pianos Pleyel. En effet, il se vend 330 000 pianos par an en Chine contre 6 000 en France. Grâce à ce marché porteur, nous avons pu faire sous-traiter nos entrées de gamme en Indonésie et faire renaître une petite manufacture Pleyel à Thouaré", explique Gérard Garnier. C’est aussi en Chine que sont fabriquées les guitares Lâg, et la petite dernière, la HyVibe, la première guitare intelligente au monde, capable de générer ses propres effets, de servir d’enceinte bluetooth, sans ampli ni câble. L’innovation, à plus de 1 000 euros, fait son effet sur le marché.

Plateforme de vente originale

Gérard Garnier, président d'Algam, dans les locaux de Thouaré-sur-Loire. — Photo : JDE

Sur le marché de la facture instrumentale et de la distribution, c’est bien Algam, n °1 en France et n°2 en Europe, qui donne la mesure. « Nous n’avons pas d’autre choix que de grossir, parce que la révolution digitale nous oblige à faire deux fois plus pour faire deux fois moins de profit », confie le dirigeant. Il faut atteindre une taille critique pour peser sur ce marché devenu mondial. « Jamais on ne refera les marges que l’on a pu faire par le passé. Aujourd’hui, nous sommes attaqués par des discounters qui sont prêts à perdre de l’argent pour casser le marché. C’est légal et c’est en train de ruiner le petit commerce », poursuit Gérard Garnier.

Distribuant des instruments de musique dans 10 pays européens, auprès de 400 magasins partenaires, le n°1 français s’est vu obligé de donner le La sur son marché. Il a lancé le 21 juin 2018, avec l’agence digitale nantaise Intuiti, une plateforme de vente originale B to C to B où le client final achète en ligne un instrument qu’il ira chercher dans l’un des 1 000 magasins partenaires. Lui leur assure un prix plancher et une commission identique. « On est un site de référence, on s’interdit de casser les prix », explique Gérard Garnier. La présentation faite il y a un an devant un parterre de dirigeants de magasins de musique reçoit une standing-ovation.

Généreux mais impressionnant

Sur son marché, Gérard Garnier est connu de tous, clients ou fournisseurs. Et pour cause : 50 ans qu’il est sur le marché. « Ce n’est pas monsieur Tout le monde, il a un certain charisme, il attire », constate son ami Yves Tieche qui le croise sur les salons professionnels. «Tout le monde sait qu’il est là, les gens aiment discuter avec lui ». Pourtant, pour ceux qui le côtoient au siège de l’entreprise à Thouaré, le PDG est autant respecté pour son exigence que redouté pour ses emportements. « Autant il peut être adorable et généreux, autant quand il s'énerve, il peut devenir très impressionnant », confie Yves Tieche. Son directeur général, Jean-Luc Dubois confirme. « C’est parce qu’il est perfectionniste, c’est un idéaliste qui est dans la recherche permanente de la perfection », explique celui qui travaille avec lui depuis 41 ans.

Lecture et philosophie

« Mais il a très bon cœur, il aime tout son personnel », poursuit Yves Tieche. « J’ai eu la chance de m’entourer de bonnes personnes », confie en effet Gérard Garnier. Les relations humaines sont d’ailleurs l’un des sujets qui le fascinent le plus, ce qui l’avait d’ailleurs poussé à entamer des études de philosophie juste avant de créer Algam. « Je suis sûr que cela m’a beaucoup servi à mes débuts, cela me donnait une assurance dans les échanges », explique Gérard Garnier. Aujourd’hui encore, le dirigeant lit énormément sur le sujet. L’un de ses coups de cœur : les essais Homo Deus et Homo Sapiens de Yuval Noah Harari, qui retrace l’histoire de l’humanité.

Lui qui a entrepris avec une simple licence d’anglais, sans culture entrepreneuriale et sans pouvoir compter sur le soutien de ses parents, aime à rappeler qu’il s’est lancé en investissant 98 francs dans une Black & Decker pour fabriquer des flûtes en perçant un roseau. À l’époque, la mode est à la musique des Andes qu’il adore. « J’avais envie de faire fortune, modestement ».

Il commence à vendre des flûtes, puis rapidement des harpes celtiques, des binious, de la cornemuse, des vielles à roues. « On vendait cela dans toute l’Europe et on se disait alors : pourvu que cela dure », se rappelle Gérard Garnier. Et cela dure en effet une dizaine d’années. Puis dans les années 80, le marché ralentit. En plus d’être fabricant, Algam commence à devenir distributeur en important du matériel audio des États-Unis. Plus tard, il crée en 2012 à Paris Algam Entreprises, aujourd’hui dirigé par son fils Benjamin, qui fournit du matériel audio pour les professionnels. « C’est lui qui a voulu venir dans l’entreprise », souligne Gérard Garnier. Fort d’un passé de banquier d’affaires, c’est lui qui gère donc les relations à l’étranger et l’implantation en Chine.

Algam, son refrain préféré

Son père reste à Thouaré où il gère la création, l’invention, la partie artistique finalement, les relations avec le luthier Maurice Dupont, ou avec le créateur de la guitare Lâg Hy Vibe, le docteur en acoustique Adrien Mamou Mani, mais aussi les rencontres de temps en temps avec les artistes guitaristes tels que Jacques Dutronc, Maxime Le Forestier, M. « C’est vraiment un homme du marketing dans l’âme », confie son ami Yves Tieche.

À 70 ans, Gérard Garnier n’envisage pas de quitter la scène. « Oui, je passerai la main mais on n’est pas pressé », explique-t-il. L’entreprise reste sa vie, son loisir, son refrain préféré. « Je n’ai jamais l’impression de travailler », justifie-t-il. Sa musique préférée, elle reste, la musique baroque. « J’ai un amour pour le son clavecinant », confie-t-il. Loin, très loin des guitares électriques et des pianos qui font la renommée de son empire.

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