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Cash & Repair crée une usine de revalorisation de téléphones
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Cash & Repair crée une usine de revalorisation de téléphones

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Cash & Repair ouvrira cette année une usine de revalorisation des téléphones portables. La PME vendéenne voudrait revaloriser 50 % des téléphones qu’elle répare avec des pièces recyclées issues de téléphones usagés. Objectif : industrialiser et automatiser le process et passer d’un peu moins de 100 000 à un million de téléphones revalorisés avec des pièces de seconde main.

Cash & Repair dispose de quinze ateliers de réparation de téléphone, tous situés dans des centres commerciaux — Photo : Cash&repair

Bertrand Lepineau garde encore le lieu d’accueil secret. Le fondateur et dirigeant de la PME vendéenne Cash & Repair se prépare à ouvrir cette année en France une usine de démantèlement industriel de téléphones portables usagés. Il a reçu pour cela le soutien financier d’un des fonds du plan de relance consacré à la relocalisation industrielle. La nouvelle usine, qui nécessite un investissement de 1,2 million d’euros, accueillera 30 nouveaux salariés. Il s'agit d'un projet d'envergure pour cette PME de 45 salariés basée à La Roche-sur-Yon qui affiche six millions d'euros de chiffre d'affaires.

L'usine démantèlera les téléphones et récupéra tout ce qui peut servir à réparer un téléphone portable cassé. « Il y a les écrans, le bouton Home mais aussi la batterie, les écouteurs, la carte mère, les capteurs de proximité, l’appareil photo, etc. », énumère le dirigeant.

Il s'agit d'une nouvelle activité pour Cash & Repair, qui est spécialisée dans la réparation de smartphones. Un marché porteur. Selon une étude de GFK, alors que le marché du neuf a baissé de 6,5 % en 2018, le reconditionné, lui, a progressé de 7 % pour atteindre les 2,1 millions d’unités vendues en France. Le marché du reconditionné représente environ 10 % des ventes de téléphones en France et dans le monde. En cinq ans, de nombreux acteurs de se sont positionnés sur ce marché très ouvert où il n’existe pas encore de label pour normaliser les standards du reconditionné.

Des kiosques dans des centres commerciaux

Bertrand Lepineau, PDG de Cash&Repair et son épouse, associée et responsable administratif et financier de la PME. — Photo : Cash&repair

Les acteurs les plus connus du secteur ont d’ailleurs signé d'impressionnantes levées de fonds de ces derniers mois : la marketplace BackMarket (280 salariés), cofondée par Thibaud Hug de Larauze, a ainsi levé plus de 110 millions d’euros en juin dernier pour s’attaquer au marché américain ; le normand Remade avait auparavant réalisé une levée de fonds de 125 millions d’euros avant de s’écrouler en liquidation judiciaire en 2019 et d'être repris par un homme d'affaires britannique. Ces deux entreprises côtoient d’autres acteurs qui réalisent de belles croissances : la marque Smaaart du groupe montpellierain Sofi (une centaine de salariés, 15 M€ de CA en 2020), Recommerce ou encore CertiDeal. La plupart de ces acteurs reconditionne les téléphones plutôt qu'ils ne les revalorisent : ils réparent les téléphones avec des pièces détachées neuves achetées auprès de grossistes en Asie.

Cash&Repair veut proposer un autre modèle, en utilisant des pièces détachées issues de téléphones portables usagés. La PME évolue sur un canal particulier : elle propose aux clients des centres commerciaux de réparer leur téléphone pendant qu’ils font leurs courses. Sur ce segment, elle compte comme concurrents des géants : le parisien Save (nouveau nom de Point Service Mobiles), filiale du groupe normand SPB (1 800 collaborateurs, 198 M€ de CA), qui présente un réseau de 300 magasins ou corners dans les centres commerciaux en Europe, dont 220 en France. Autre concurrent majeur : l’enseigne Wefix, créée en 2015, reprise en 2018 par le groupe Fnac Darty, qui dispose de 117 points de vente en France.

Vers un million de téléphones revalorisés

Cette concurrence n’effraie pas la PME vendéenne. Car le potentiel sur ce marché est énorme. Selon l’Ademe, 30 millions de téléphones dorment dans les tiroirs. Cash & Repair veut faire à grande échelle ce qu’elle a testé aujourd’hui de manière artisanale dans ses 15 kiosques qui promettent de réparer en quelques minutes les téléphones portables mais aussi les tablettes et consoles de jeux vidéo dans les galeries commerciales. Aujourd’hui, les réparateurs de Cash&Repair utilisent 1 % de pièces recyclées. Objectif : que la moitié des téléphones réparés pour ses clients le soient avec des composants recyclés en 2021. Avec la nouvelle usine et sa première ligne de production, la PME va pouvoir industrialiser et automatiser la réparation de mobiles. "On peut passer de 90 000 téléphones revalorisés par an en 2021 à 1 million l’année suivante", explique Bertrand Lepineau.

l'un des kiosques Cash&Repair — Photo : Cash&repair

Cela fait trois ans que le dirigeant travaille sur le projet. "Au départ on me prenait pour un fou", se souvient-il. Pour prouver la faisabilité de son projet, il fait appel à des étudiants de l’Icam qui travaillent pendant plus d’un an sur une preuve de concept. Se pose ensuite la question de l’industrialisation. Bertrand Lepineau veut créer un système automatisé et robotisé. La réponse s’avère plus compliquée que prévu. "Il y a des robots de la construction mais pas de la déconstruction", constate le dirigeant. Des robots ont été conçus spécialement pour l'usine qui répondra aux besoins de ses kiosques. Cash&repair envisage ensuite d'ouvrir une deuxième ligne de production puis éventuellement, si le volume s'avère suffisant, de revendre ces pièces détachées.

En attendant la nouvelle usine, Cash & Repair continue son rythme de croisière et n’oublie pas son objectif de devenir le leader national de la revalorisation de téléphones portables. La PME avait commencé par ouvrir neuf kiosques en propre entre 2015 et 2018. Elle a ensuite décidé de se développer en franchises : deux ouvertures en 2018 (Ajaccio et Thionville), 10 étaient prévues en 2020 », précise Bertrand Lepineau. Covid oblige, les ouvertures ont été décalées. « J’ai été poussé pour ouvrir encore plus de franchises mais c’est moi qui mets les freins », explique le dirigeant qui finit l’année en croissance de 12 %. Il vise une dizaine d'ouvertures en franchise par an, dans les centres commerciaux uniquement et préfère ne pas se donner d'objectifs de chiffre d'affaires.

La quête du bonheur au travail

Si Bertrand Lepineau prend son temps, c’est qu’il veut recruter les bons candidats. « Nous prenons un à deux candidats sur les franchises pour 100 contacts reçus par mois », souligne le dirigeant. Il prend aussi le temps de les former, 11 semaines en tout. « Le nerf de la guerre, c’est le recrutement ». Une prudence héritée de son expérience passée. Avant de créer Cash & Repair, Bertrand Lepineau avait dû passer par le tribunal de commerce pour la liquidation judiciaire de son ancienne entreprise, Planet'medias, une société spécialisée dans les jeux vidéo d’occasion.

Forcé de vendre sa maison pour éponger ses dettes, Bertrand Lepineau a persévéré dans la voie de l'entrepreneuriat. Malgré « l’impression d’être un pestiféré, d’être marqué au fer rouge comme un looser ». En 2015, il créait Cash & Repair, avec les moyens du bord : « On a commencé dans un garage, sans fenêtre, sans isolation ». Et sans soutien bancaire. Mais le Vendéen peut compter sur le soutien de sa famille. Entrent ainsi au capital son fils et son épouse, cette dernière devenant aussi responsable administrative et financière de la PME.

Marqué par la liquidation judiciaire de son ancienne entreprise, il a mis en place au sein de Cash & Repair une organisation très spécifique. « On s’est vraiment interrogé sur la question : c’est quoi le bonheur au travail ? » Au sein de la PME vendéenne, ce sont les collaborateurs, réunis en tribus, qui travaillent sur les plannings, qui définissent leurs salaires et qui font le recrutement. « Ce n’est pas une entreprise libérée », précise le dirigeant qui se méfie des modes et étiquettes. « Notre objectif est juste de rester une entreprise où il fait bon travailler ».

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