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Aéroport Notre-Dame-des-Landes : le grand flou du référendum
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Aéroport Notre-Dame-des-Landes : le grand flou du référendum

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À la surprise générale, le président François Hollande a décidé d'organiser une consultation locale pour statuer sur le sort du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

Photo : Pixabay

Cela faisait des mois qu'opposants et partisans du projet de transfert de l'aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes appelaient de leurs voeux une décision de François Hollande. En soumettant le projet à la vox populi, le président de la République a surpris son monde. Et contenté quelques-uns. Comme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, qui s'écrie « vive le référendum ! » et salue une « incontestable avancée démocratique ». Sur les bords de la Loire, le député écologiste François de Rugy acquiesce. Le Nantais estime que l'annonce de François Hollande constitue « la première retombée concrète d'un dialogue constructif entre le gouvernement et les écologistes ».

Peu de partisans

Mais, en Loire-Atlantique, rares sont les partisans du référendum. À gauche, la maire de Nantes Johanna Rolland, le maire de Saint-Nazaire David Samzun et le président du conseil départemental Philippe Grosvalet, favorables au transfert, indiquent que cette solution « n'était pas leur option ». Plus paradoxal, le président du groupe socialiste au conseil régional des Pays de la Loire Christophe Clergeau indique que l'annonce présidentielle « reflète la maladie d'un État incapable de décider », avant d'affirmer que « ce référendum est le bon choix pour faire déboucher Notre-Dame-des-Landes ».

Et il y a ceux qui sont clairement contre. Président de la CCI régionale, Bruno Hug de Larauze voit ce référendum comme « un camouflet pour tout démocrate ». Au sein de l'association d'opposants, l'Acipa, la méfiance règne : « Nous nous posons beaucoup de questions ». Sur la Zad, on se gausse. Certains occupants « suggèrent au gouvernement de réviser son droit avant de faire des annonces foireuses ».

L'impossible référendum

Ce que ces zadistes partagent avec les juristes, c'est que le référendum voulu par François Hollande ne repose aujourd'hui sur aucune base légale. D'ailleurs, dès le lendemain de l'annonce présidentielle, Paris préfère parler de « consultation » plutôt que de référendum... Car, pour la loi française, un référendum local permet aux électeurs de décider de la mise en oeuvre ou non d'un projet qui relève de la compétence d'une collectivité. Or, la maîtrise d'ouvrage de Notre-Dame-des-Landes est aux mains de l'État. Dans l'état actuel des textes, le gouvernement ne peut pas organiser un référendum sur un sujet local. Bel imbroglio qui voit les plus hauts représentants de l'État se prendre les uns après les autres les pieds dans le tapis juridique.

Le grand capharnaüm

Les modalités de la consultation, qui doit se dérouler avant octobre, devraient être connues au plus tard à la mi-mars. Au centre des débats, la question du périmètre. Faut-il le réduire à la Loire-Atlantique, comme le suggère Manuel Valls ou au contraire l'étendre jusque dans le Finistère, comme le réclame le maire de Carhaix ? Le débat est animé. À tel point qu'« on se demande si François Hollande ne va pas être obligé d'organiser un référendum sur le référendum », ironise le président du conseil régional des Pays de la Loire Bruno Retailleau. Reste que la question du périmètre est essentielle.

Les sondages montrent en effet que plus on s'éloigne de Nantes, plus les votes sont défavorables au projet. Un sondage d'Odoxa réalisé pour Paris Match assure que 58 % des Français sont contre Notre-Dame-des-Landes. Une autre étude, d'Ipsos pour Radio France indique que 56 % des habitants des Pays de la Loire défendent le transfert.

Force de loi

Ce référendum « aura force de loi », assure le premier ministre. En démocratie, le peuple est souverain. Sauf que le changement soudain de règles du jeu au beau milieu de la partie pose un certain nombre de questions sur le processus démocratique (débat public, enquête publique) et judiciaire encadrant les grands projets en France. Mais cela ne serait pas la première fois que l'État fait machine arrière sur des projets d'aménagement du territoire : depuis le Larzac des années 1970, il a abandonné dans la région l'extension du port à Donges Est (2009) ou encore la construction de l'autoroute A831 en Vendée (2015). Et dans ces trois cas, il n'a pas eu besoin de référendum.

Le citoyen face aux chiffres

Droit de vote des étrangers, projet de construction d'un commerce, choix du nom des habitants, projet d'éoliennes, etc. : des consultations locales, il y en a eu des dizaines en France. Mais le dossier de Notre-Dame-des-Landes est d'une tout autre complexité. Entre un grand projet d'aménagement du territoire et la construction d'un commerce local, les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes. Le citoyen est-il vraiment compétent pour statuer sur ce dossier ? A-t-il une vague idée des perspectives d'évolution du trafic aérien à Nantes dans trente ans ? Car c'est bien de cela dont il est question.

Ceux qui ont décidé de transférer l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes se sont appuyés sur un paquet d'études, que n'auront pas lues la plupart des votants. Et si tant est qu'ils les aient lues, que valent ces études ? Ce point est essentiel : il constitue le socle de l'argumentaire des opposants au transfert. Pour eux, les études réalisées par ou pour l'État sont pipées. Les chiffres du transport aérien auraient été surévalués (ce que ne montre pas la croissance actuelle du trafic de l'aéroport) et l'évaluation du coût de l'aménagement de l'aéroport actuel a été artificiellement gonflée. Les récentes révélations du Canard Enchaîné, sur un rapport environnemental défavorable au transfert et tenu secret, alimentent la conviction des opposants que l'État leur cache des éléments.

En optant pour le référendum, l'État laisse finalement le citoyen dans le flou. Et nul doute qu'un flot d'imprécisions, de contre-vérités et de suspicions continuera de polluer les débats.

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