Réseaux bretons : le Club des trente sort de l’ombre
# Réseaux d'accompagnement

Réseaux bretons : le Club des trente sort de l’ombre

S'abonner

Le Club des trente est un lobby breton qui compte, ou a compté, parmi ses membres les plus influents patrons de la péninsule. Dans un livre enquête, le journaliste Philippe Créhange dévoile les coulisses de cette antichambre du pouvoir.

Le journaliste Philippe Créhange, auteur de "Le mystérieux Club des trente", a mené une enquête de deux ans pour décrypter l'histoire et le fonctionnement du puissant lobby breton — Photo : DR

De François Pinault à Vincent Bolloré, en passant par Louis Le Duff (Le Duff), Daniel Roullier (Roullier) et Claude Guillemot (Ubisoft) : depuis la fin des années 1980, le Club des trente attire les plus influents patrons bretons. Au centre de beaucoup de fantasmes, ce cercle manœuvre discrètement dans les coulisses du pouvoir.

Fin connaisseur des questions bretonnes, le journaliste Philippe Créhange, grand reporter au Télégramme et rédacteur en chef du Mensuel de Rennes, ancien rédacteur en chef du Journal des Entreprises, lève le voile sur ce puissant réseau en signant une enquête de 240 pages, intitulée Le mystérieux Club des trente (Les éditions du Coin de la Rue). Elle est le fruit de rencontres menées par son auteur auprès de membres et anciens membres du réseau et de témoins anonymes, très largement documentée par des comptes rendus de réunions.

Des patrons dans les coulisses du pouvoir

Depuis leur première réunion en novembre 1988 dans le château d’Yves Rocher, jusqu’à leurs récents débats sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Philippe Créhange explique l’histoire, les rouages et les ambitions de ce cercle de puissants. L’objectif de départ du Club des trente, qui fait référence à une bataille historique de chevaliers bretons, était de défendre les intérêts de la Bretagne, au plus haut niveau de l’Etat.

Photo : Benjism89 - CC-BY-SA-2.5

Mission réussie sur la ligne à grande vitesse (LGV) Bretagne-Pays de la Loire. « Au début des années 1990, les membres du club ont activé leur réseau à travers des réunions avec des cadres de la SNCF et mené un lobbying appuyé auprès d’Édouard Balladur, alors Premier ministre, pour obtenir le meilleur raccordement possible », explique Philippe Créhange.

Le journaliste cite également, comme autres trophées de chasse, le régime de l’autoentreprise, que souhaitait Louis Le Duff « pour défendre sa vision du libéralisme ». Ou encore des modifications législatives sur la protection du patrimoine du dirigeant.

Le Club des trente a, en revanche, montré ses limites à peser sur le gouvernement, comme l’illustre l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes en 2018, malgré une montée en première ligne des patrons des ETI de l’Ouest, Bruno Hug de Larauze (Idéa), Christian Roulleau (Samsic) et Roland Beaumanoir (Beaumanoir) en tête.

Quel avenir pour le réseau breton ?

Le réseau (vieillissant) désormais décrypté, se pose la question de sa survivance. Le Club des trente, qui compte une soixantaine de membres à ce jour (sans que l’on connaisse leur identité) et le Ligérien Bruno Hug de Larauze comme président, a déjà préparé l’avenir. En s’ouvrant à des entrepreneurs plus jeunes, avec une autre vision de l’entreprise, et en élargissant sa sphère d’influence aux départements voisins de la Bretagne (Vendée, Maine-et-Loire…). Ce qui a aussi créé des dissensions internes avec les Bretons purs et durs, révèle l’auteur.

« Pour exister, un club doit avoir des causes à défendre, jauge Philippe Créhange. Pourquoi pas un combat à mener demain sur l’écologie ou la manière de mieux produire ? Les grands patrons ont besoin de se retrouver entre eux. Soit ils restent dans un club façon "Rotary", pour reprendre les termes d’un patron anonyme, soit ils poursuivent le travail engagé à l’origine… »


Livre Le mystérieux Club des trente, Philippe Créhange, Les éditions du Coin de la rue.

# Réseaux d'accompagnement