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Rennes : Comment le labo rennais Biotrial gère sa com' de crise
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Rennes : Comment le labo rennais Biotrial gère sa com' de crise

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Le laboratoire rennais a vécu les pires heures de son existence après les tests d'un futur médicament qui ont mal tourné le mois dernier. Un patient est décédé. Pour décrypter cette com' de crise, Le Journal des entreprises a sollicité plusieurs spécialistes. « Un cas d'école ».
— Photo : Le Journal des Entreprises

C'est LE scénario redouté par tous les laboratoires du type de Biotrial, à Rennes. Ils sont une dizaine de privés autorisés en France et une vingtaine de centres publics. Ces spécialistes des essais cliniques en phase 1 (sur êtres vivants) redoutent le test qui vire au drame. Le mois dernier, Biotrial l'a vécu de plein fouet : un décès et cinq personnes hospitalisées. L'entreprise a fait la Une et les gros titres pendant plusieurs jours. Sur internet, s'affiche partout son nom lié à la fameuse molécule incriminée « BIA 10-2474 » reprenant l'appellation de son client portugais Bial.




Situation « inédite » et « cas d'école »

Une situation cauchemardesque, « accidentelle » et « inédite » en France aux dires de la ministre de la Santé Marisol Touraine, dépêchée en urgence à Rennes, en appui du CHU et indirectement de l'entreprise. Un « cas d'école » aussi pour tout professionnel de la com'. Dans pareille situation, l'entreprise peut en effet rapidement être mise au banc des accusés. Précisons que plusieurs enquêtes sont toujours en cours pour déterminer toutes les responsabilités. En attendant, Biotrial doit « vivre avec » ces images et des mots comme « cobayes », lus et entendus dans le monde entier. L'entreprise fait profil bas.




« Crise soudaine et très médiatisée » mais bien encadrée

Comme on ne s'improvise pas laboratoire d'essais cliniques, on ne s'improvise pas non plus communicant de crise. Dans cette discipline, Biotrial semble avoir excellé, aux dires des communicants et professionnels que nous avons interrogés. « L'entreprise a des fondamentaux favorables : une très bonne réputation rappelée par la ministre elle-même, pas de précédente crise, aucune faute imputable à ce jour, pas d'opposants ou de contradicteurs (c'est rare !) », liste Hervé Le Prince, dirigeant de l'agence rennaise NewSens experte en communication stratégique. Il fait aussi remarquer une parfaite maîtrise de l'agenda de crise.




Anticipation

Impossible d'ailleurs de croire que le moindre grain de sable n'est pas prévu, anticipé et même écrit dans de telles organisations. Pas de place à l'improvisation ! « Chez Biotrial, tout a été minutieusement orchestré », analyse un autre observateur sous couvert d'anonymat. Le labo est d'ailleurs épaulé par un magistrat en disponibilité, Guillaume Didier, du cabinet parisien Vae Solis, expert en gestion de crise. Crise qui a été « soudaine » et « très médiatisée ». D'emblée, Biotrial n'a « pas joué la politique de l'autruche avec les médias ». Immédiatement, il a pris la parole. « Ne rien dire aurait été le pire des scénarios ! », selon cet autre dirigeant d'agence de communication. Seul bug, informatique celui-là et indépendant de la volonté de Biotrial : son site web a littéralement explosé en vol l'après-midi même de la conférence de presse ministérielle. Trop de connexions.




Un émetteur unique au front

Détail important : jamais le P-dg ne s'est mis en avant. Jean-Marc Gandon reste aux abonnés absents, volontairement. « Il n'existe pas et c'est fait sciemment », note cet autre communicant rennais. En première ligne et en « émetteur unique » - c'est primordial en pareil cas pour ne pas brouiller les messages -, c'est son DG François Peaucelle qui a été exposé aux caméras et micros. Mal à l'aise certes, mais sobre, digne, factuel, précis et surtout empathique.




« Volontarisme médiatique »

Le communicant Hervé Le Prince parle de « volontarisme médiatique maîtrisé » avec « une rapide prise de parole assumée et une transparence dans les propos ». Bref, une « bonne gestion de la parole sous contrainte », avec « accompagnement des participants et de leurs proches » (nºVert, assistance psychologique, etc). « Biotrial s'est mis à disposition des autorités sanitaires qui ont drivé la crise. »




« Une entreprise responsable, sérieuse et qui assume »

Cette compassion de l'entreprise ressort aussi sur toutes les lèvres de nos interlocuteurs. Une minute de silence a même été organisée le 18 janvier dans le hall du siège rennais de Biotrial, où sont employés 200 de ses 300 salariés. Ce moment fort dans la vie d'une société a été notamment relayé sur les réseaux sociaux comme Twitter, photo noir et blanc à l'appui. L'entreprise assume, forte de 25 ans d'expérience. « La première priorité était pour les patients. Il n'y a pas eu d'auto-justifications ni de transferts de responsabilités sur d'autres, mais au contraire l'envie sincère de coopérer et de comprendre », décrypte un autre communicant breton indépendant, qui résume : « C'est la démonstration d'une entreprise sérieuse qui fait face dans la tempête. » Reste une inconnue à ce jour : l'impact économique sur l'entreprise. Il se calculera sur le long terme. La carte de la transparence et de la sincérité s'avère en principe toujours payante. Nos communicants mettent en garde sur la gestion post-crise : « Attention aux résultats des enquêtes : il faudra poser une explication acceptable sur l'accident et le décès et renouer des liens de confiance avec les futurs volontaires et les autres parties prenantes. »




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