Patrick Rety : Un Américain à Fougères

Patrick Rety : Un Américain à Fougères

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Développeur des points de restauration Subway pour la Bretagne, Patrick Rety a une particularité. Il fait partie de ces familles de Bretons qui ont émigré aux États-Unis. Entre Fougères et New York, son coeur balance.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Depuis Fougères, Patrick Rety est aujourd'hui un dirigeant accompli. Patron de sa propre entreprise, c'est lui qui développe les enseignes Subway pour l'Ouest de la France. En Bretagne et Pays de la Loire, les petites boutiques où le client choisit - à la feuille de salade près - ce qu'il souhaite dans son sandwich font leur chemin. Elles sont évidemment encore loin de faire peur à l'armada du groupe Le Duff et sa Brioche Dorée. Mais, à force d'obstination, Subway trouve doucement sa place dans le commerce local. Et l'enseigne au nom de transport en commun grignote peu à peu des parts de marché. Un volontarisme affiché que Patrick Rety puise dans sa double culture. Le quadragénaire fait en effet partie de ces familles de Bretons de la région de Gourin, dans le Morbihan, qui ont émigré aux États-Unis pour faire fortune.




La Rety Connection

Début des années 60, son père travaille alors à la ferme, dans la petite commune du Croisty. Dans la famille, très nombreuse, le téméraire Denis est parti le premier à la découverte du ?nouveau monde?. Et en quelques mois, il gravit les échelons de la restauration. Sa réussite donne des idées. D'autres Rety se prennent à rêver d'une vie meilleure. Un rêve d'autant plus accessible qu'à l'époque, les conditions pour s'installer aux États-Unis sont moins draconiennes qu'aujourd'hui. Un frère ou une soeur installé là-bas suffit pour obtenir une autorisation. Les parents de Patrick Rety en profitent. En 1961, ils quittent leur Bretagne natale et traversent l'océan. À l'époque, par voie maritime, grâce au Transatlantique.




La féerie des Noëls new-yorkais

À peine le pied en Amérique du Nord et le couple trouve sa voie. M.Rety dans la restauration classique et Madame dans la crêperie. C'est dans ce contexte que Patrick, leur fils, naît en 1966. Nous sommes à Manhattan, 54e rue, entre la 9e et 10e avenue. Aux États-Unis, le garçon y restera jusqu'à l'âge de huit ans. Ses parents auraient pu s'y installer définitivement, comme l'un de ses cousins, aujourd'hui restaurateur. Mais «à l'époque, beaucoup de Bretons sont revenus car ils ne souhaitaient pas que leurs enfants deviennent américains», souligne le patron de Subway. Cette courte expérience fera pourtant de lui un Américain à part entière. Aujourd'hui, c'est avec émotion que Patrick Rety se remémore ces séances de plage à Long Island ou encore ces Noëls «féeriques» passés sous la neige, à deux pas de l'Empire State Building et de la statue de la liberté. Le tout dans une Amérique triomphante et sûre d'elle. À l'époque, tous les Rety vivent dans le même immeuble. Et comme les affaires marchent pour eux - à force de travailacharné - les cadeaux sont innombrables sous le sapin.




Retour traumatisant à Lorient

«On jouait, on vivait dans la rue», se souvient le Franco-Américain qui, de cette période, retiendra également les règles auxquelles ils étaient soumis au lycée français. «On était élevé à la culture américaine. En uniforme. Et ils nous sensibilisaient au drapeau.Déjà ils nous mettaient une certaine pression», confie le dirigeant. Autant dire que le retour, en mars1974 à Lorient, est une difficile épreuve pour le petit Patrick. À l'école, «les enfants étaient assez durs. On me traitait d'Américain. Je n'avais pas d'accent mais des tics comme par exemple mâcher du chewing-gum. Ce fut une période traumatisante.»




11septembre 2001 la «pire journée»

Par la suite, le quadragénaire fera son trou dans le domaine de l'expertise-comptable avant de se tourner vers la restauration rapide. Et s'il est aujourd'hui entrepreneur, c'est grâce à son passé. «Je le dois à ma culture américaine. Pour nous, rien n'est impossible. Quand on veut quelque chose, on peut. Une règle à laquelle je me suis toujours astreint dans la vie.» Si aujourd'hui le père de famille vit avec bonheur à Fougères, il passe au moins une semaine par an à New York. «Pour me régénérer». Et preuve que son coeur est resté un peu outre-Atlantique: il a vécu le 11septembre 2001 comme la «pire journée» de son existence. «J'étais à E3C. Je crois que j'ai pleuré.»