Son fonctionnement est proche de celui du tournesol. Il cherche le rayonnement maximum en suivant la course du soleil. Dans les exploitations agricoles, sur le foncier des entreprises et des collectivités ou chez les particuliers, le tracker solaire (appelé aussi ombrière photovoltaïque) conçu et réalisé par le groupe Okwind (125 salariés, 21 M€ de CA en 2020), à Torcé, près de Vitré, fait sa place.
Montés sur mâts et amovibles, de plus ou moins grande taille selon la configuration des sites et les besoins en énergie des exploitants, ces spectaculaires automates remplissent tous une même fonction : la consommation en temps réel d’une électricité verte produite localement, en substitution (ou complément) de l’énergie puisée sur le réseau. "Notre proposition de valeur, c’est qu’on garantit à nos clients un coût de l’énergie stable pendant 30 ans (durée de vie moyenne des machines, NDLR), c’est-à-dire sans hausse et à un tarif compétitif", présente Hervé Daniel, secrétaire général du groupe Okwind, arrivé dans la société en mai 2020 après vingt ans à la direction de Créativ, réseau qui accompagne les PME bretonnes dans leurs stratégies d’innovation. Avec Okwind, exit le coût du kilowattheure fluctuant (l’électricité augmente de 5 % chaque année environ, NDLR) et les taxes locales liées au transport de l’énergie. Les consommateurs s’engagent sur une facture connue à l’avance. Leurs centrales sont généralement amorties en dix ans.
Trackers intelligents
Les usagers peuvent de plus manager leurs équipements avec l’aide de l’intelligence artificielle. Tous reliés à Internet, les trackers Okwind embarquent en effet un algorithme de management de l’énergie développé par son partenaire, le bretillien Pure Control, expert en analyse de données et pilotage d’environnements industriels. Grâce à ce bagage technologique, le client est informé sur sa production et sa consommation en énergie renouvelable en temps réel. En fonction des priorités du process (coût du kilowattheure, émission du carbone associée…), l’algorithme aide à réduire la consommation énergétique de 10 à 20 %. "Nos appareils favorisent la consommation en temps réel de l’énergie verte produite mais ils permettent aussi un stockage thermique intermédiaire de l’eau chaude, de l’eau glacée ou de l’air comprimé, éclaire Louis Maurice, cofondateur et président du groupe Okwind. On tient compte de la prévision météo à 72 heures. Si vous savez que dans trois jours vous aurez du soleil, autant consommer l’énergie immédiatement. Si en revanche le temps est mauvais, autant la stocker à travers de l’eau chaude ou de l’eau glacée."
Une large palette de clients
Spécialiste de l’autoconsommation solaire, le groupe Okwind commercialise ses solutions dans les secteurs agri-élevage, industriel, tertiaire, traitement des eaux usées et auprès des collectivités territoriales.
"Le point d’orgue de notre développement, ça a été 2015", se remémore le chef d’entreprise, qui a fondé Okwind en 2009 à Vitré aux côtés de Daniel Heulot et avec le soutien d’industriels de la région, dont il ne souhaite pas communiquer les noms. Il poursuit : "Nous étions une entreprise d’une dizaine de personnes et on faisait 880 000 euros de chiffre d’affaires. On a vivoté pendant quelques années. La bascule a eu lieu quand on a réussi à mettre au point un tracker photovoltaïque bi axes (pivotant sur deux axes, NDLR), puis bi faces, c’est-à-dire qui récupère le rayonnement indirect sur la face arrière des cellules." Avec des résultats probants au bout : "Face à une installation fixe de puissance équivalente, on va pouvoir produire 80 % d’énergie en plus", affirme Louis Maurice, pas peu fier d’avoir créé "un statut plein et entier sur une technologie innovante".
Sur le marché du solaire sur lequel le gouvernement prévoit de tripler la puissance installée en photovoltaïque d’ici à 2028, le fabricant breton de petites centrales au sol entend bien croquer dans le gâteau. Bien qu’ayant un mode de production qui ne soit pas encore éligible aux aides de l’État, parce qu’encore émergent. "Nous discutons avec le ministère de la Transition écologique, nous avons une bonne écoute. Les textes de lois normatifs et réglementaires pourraient encore évoluer", anticipe Hervé Daniel. Okwind déploie aujourd’hui plus de 2 000 trackers sur près de 1 500 sites en France, mais aussi à l’étranger. Et ce n’est qu’un début. Quinze trackers sont pré-assemblés chaque semaine dans ses ateliers, prêts à être livrés chez le client. "Le marché de l’élevage reste notre marché premier et le socle de notre business, parce que les exploitations tournent à feu continu, rappelle Louis Maurice. Les vaches, les cochons, les poules, ça ne prend pas de vacances…" Ce patron breton se félicite aussi que son modèle économique soit créateur de richesses dans les campagnes, le tout avec très peu d’artificialisations des sols. "L’enjeu de demain c’est le photovoltaïsme, explique Hervé Daniel. C’est-à-dire comment une surface agricole peut accueillir une production d’énergie renouvelable sans dégrader le potentiel agronomique des terres et en gardant la vocation première des exploitants agricoles. Notre technologie est non artificialisante. Il n’y a pas d’emprise au sol. Une moissonneuse-batteuse passe sous nos trackers…"
Des trackers aussi pour les particuliers
Aux côtes des grands trackers, Okwind développe aussi de plus petits appareils via sa filiale Lumioo, dédiée à l’équipement des particuliers. "La filiale existe 2019. La commercialisation a commencé en mai 2020, juste après le premier confinement", présente Caroline Vayssié, responsable de Lumioo (15 collaborateurs, 5 M€ de CA en 2021). "Pour un tracker particulier, on est sur un budget de 10 000 euros, pour 8 m² de surface photovoltaïque, explique la dirigeante. Avec notre produit à haute valeur technologique, on va avoir une production constante et homogène dédiée à l’autoconsommation. Clairement, on est en concurrence avec les installations fixes aujourd’hui". Ce générateur d’énergie verte, installé dans les jardins, remplit tous les besoins en énergie pour la maison : chauffage, climatisation, lumière, piscine, rechargement de la voiture électrique… Cette nouvelle activité pour le groupe est prometteuse. "On installe une quarantaine d’installations par mois, sur une bonne partie de la France. À fin 2021, on devrait atteindre les 400 installations". Sur 2022, la progression en volumes devrait être supérieure à 40 %. Le levier d’acquisition de contact arrive à 90 % par Internet. Mais Lumioo ouvre aussi des boutiques physiques pour présenter sa technologie. Cinq agences ont déjà vu le jour en France : à Rennes et Loudéac, en Ille-et-Vilaine, ainsi qu’à Nantes, Toulouse et Lyon. "Des clients sont aussi ambassadeurs de Lumioo, qui font visiter leurs installations", complète Caroline Vayssié. Les cadres et cadres supérieurs, soucieux d’avoir une démarche responsable, sont les premiers clients de Lumioo.
100 millions d’euros de chiffre d’affaires visé en 2025
Avec une croissance annuelle supérieure à 30 % et un recrutement de 41 salariés en 2021, le groupe Okwind devenait à l’étroit dans ses locaux. Afin de développer son activité de fabrication, l’entreprise a emménagé sur un nouveau site entre septembre 2020 et avril 2021. Elle s’est installée à Torcé, sur le parc d’activités du Haut Montigné, dans les anciens locaux de la métallerie AMI. Sa nouvelle installation se compose de 3 300 m² d'atelier, de 1 600 m² de bureaux et de 1,2 hectare de terrain sur lequel sont installés trois trackers de test de R & D. Pour cette acquisition, d’un montant de 4 millions d’euros, Okwind a bénéficié de l’accompagnement de Breizh Immo, l’outil de portage immobilier de la Région Bretagne.
Dans son nouveau vaisseau amiral, Okwind est prêt à passer à la vitesse supérieure. La société prévoit de recruter 45 nouveaux collaborateurs en 2022, notamment pour renforcer les équipes de vente, de production et d’installation des automates.
Le groupe, qui devrait atteindre 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, vise les 35 millions en 2022 et prévoit de dépasser les 100 millions d’euros en 2025. "Nous avons des plans de développement à l’export. À cause du Covid, nous n’avons pas pu booster cette activité en 2021. Trois pays ont déjà été présélectionnés (dont l’Espagne, selon nos informations). Nous préparons quelque chose de très fort", avertit Louis Maurice, qui a désormais l’oreille du ministère de l’Économie et des finances depuis que son entreprise a intégré le FT120, le classement des 120 entreprises françaises innovantes les plus prometteuses. Une levée de fonds "significative" est également dans les tuyaux courant 2022 pour lui permettre de renforcer ses fonds propres. Le fabricant de générateurs à énergies renouvelables breton ne veut pas laisser passer le train. "Sur le marché mondial des centrales au sol, les trackers photovoltaïques mono axes ou bi axes ne pèsent que 4 % aujourd’hui. Ils devraient atteindre les 40 % dans cinq ans", assure Hervé Daniel, citant une étude du cabinet britannique Wood Mackenzie.
