Bretagne
Les PME bretonnes s’associent aux écoles pour recruter
Enquête Bretagne # Agriculture # Ressources humaines

Les PME bretonnes s’associent aux écoles pour recruter

S'abonner

Les écoles de l’enseignement supérieur étendent leurs programmes en Bretagne pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des entreprises. Dans cette bataille pour l’emploi et l’insertion, les initiatives viennent aussi de partenariats public/privé et des réseaux économiques disposant de leurs propres centres de formation.

Les groupes leaders dans l'enseignement supérieur ont tous choisi Rennes - et la Bretagne - pour leur développement — Photo : DR

Ils sont venus, ils sont tous là. Les trois cadors parisiens de l’enseignement privé supérieur et professionnel ont tous coché Rennes - et la Bretagne - dans leur stratégie d’expansion. Galileo Global Education (54 écoles, 200 000 étudiants), le premier, se déploie dans la capitale bretonne derrière trois marques : Digital Campus, ESG et l’ESARC. Eureka Education (20 écoles, 32 000 étudiants), le second, est aussi présent à Rennes à travers ses filiales IGC et Groupe Silvya Terrade. Deux croissances externes menées sur l’Ecole Le Cozic et L’Académy, en 2019 et 2020, permettent à ce groupe de présider à l’avenir de 450 étudiants à Rennes. Tout en pilotant d’autres établissements ailleurs en Bretagne : Fougères et Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, Brest (Finistère), Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). Omnes Education (13 écoles, 40 000 étudiants), enfin, s’aménage un campus flambant neuf pour la rentrée 2023. Il prendra attache dans un bâtiment de 3 000 m² à côté de la gare de Rennes. Le groupe déploiera cinq marques écoles. 2000 étudiants y seront formés en bachelor et master, avec une logique de passerelles entre différentes filières : management, marketing, ingénierie… Son choix de développer ses programmes à Rennes ne laisse rien au hasard. "Nous souhaitons promouvoir une expérience pédagogique et étudiante qui soit stimulante. Les indicateurs de qualité de vie à Rennes ont été un élément moteur de notre installation ici", expose José Milano, directeur général d’Omnes Education. Rennes vient encore d’être classée sur le podium des villes les plus attractives par le baromètre annuel d’Arthur Loyd.

Au service du monde économique

La connexion au monde des entreprises, dans une ville où le niveau d’emploi est en hausse de 15 % sur dix ans, est l’autre aspect de ce plébiscite rennais. "Nous pensons que l’enseignement doit être au service du monde économique. Nous voulons démarrer avec une offre qui réponde à un besoin", exprime José Milano, qui prévoit de nouer des relations avec 3 000 entreprises bretonnes. Il faut dire que le dynamisme économique est fort sur le territoire.

L'ESG se développe à Rennes. De nouvelles formations en BTS/Mastères ouvriront en 2023, adaptées aux compétences recherchées par les entreprises locales — Photo : ESG Rennes

"Nous le percevons sur le nombre de demandes d’alternances et de stages que l’on reçoit", opine Lucie Baudouin, directrice exécutive chez Galileo Global Education en Bretagne, qui compte 100 % de son cursus ouvert à l’alternance. "Il y a plein de jeunes que l’on peut accompagner rapidement sur le marché du travail. Si on sent que des besoins se font sentir, nous pouvons développer rapidement de nouveaux titres." C’est dans cette intention que l’école de commerce ESG Rennes lancera pour la rentrée 2023 des BTS/mastères orientés sur le tourisme et l’hôtellerie, l’immobilier ou l’entreprenariat. Toutes des formations "challengées par rapport aux attentes des entreprises".

Boom de l’apprentissage

Derrière cette intention louable de vouloir connecter l’offre et la demande, les écoles surfent aussi sur le boom de l’apprentissage, très rentable pour elles. Depuis l’instauration de la loi du 5 septembre 2018 qui permet à tout dispensateur de formation déclaré de mettre en œuvre des actions d’apprentissage, l’apprentissage des jeunes a doublé. Les frais d’inscription étant pris en charge par les cotisations des entreprises (via leurs OPCOs) et les aides de l’État, les apprenants ne payent rien ou presque. Bonne nouvelle pour les CFA (centres de formation des apprentis), les aides de l’État vont perdurer. La prime à l’embauche des alternants a été fixée à 6 000 euros en 2023, pour un mineur comme pour un majeur de moins de 30 ans. Les PME de moins de 50 salariés sont celles qui recourent le plus massivement aux apprentis aujourd'hui.

Dénicher les jeunes talents

Dans une Bretagne en quasi plein-emploi, avec un taux de chômage à 5,9 % de la population active (contre 7,4 % sur toute la France), les écoles apparaissent donc bien placées pour aider les entreprises à dénicher les "jeunes talents". Le fabricant de biostimulants Bio3G (près de 50 M€ de chiffre d’affaires en 2022, 400 salariés), installé à Merdrignac dans les Côtes-d’Armor, l’a bien compris. Marc Guillermou, son président fondateur, évalue son besoin immédiat à une trentaine de collaborateurs. Pour trouver une partie d’entre eux, des technico-commerciaux, la PME a innové en contactant le lycée agricole de Merdrignac. "Nous leur avons dit que nous avions chaque année besoin de dix à quinze alternants et nous leur avons demandé s’ils avaient une formation qui pouvait nous convenir. Ou que, à défaut, nous étions prêts à travailler avec eux pour développer des modules adaptés à notre activité." C’est la deuxième solution qui a été choisie et l’ETI a participé, à l’automne 2022, à l’élaboration de cette formation nouvelle Bac + 3 de technico-commercial en agro-fourniture. L’appel à candidatures a été lancé et la première promotion d’étudiants, qui feront tous leur alternance au sein de Bio3G, pourrait débuter dès le printemps 2023.

Pour ses besoins, le costarmoricain Bio3G a délégué au lycée agricole de Merdrignac la mise sur pied d'une formation de technico-commercial en agro-fourniture — Photo : Matthieu Leman

Multiplier les partenariats

Dans l’agroalimentaire aussi, l’alternance est devenue un passage obligé pour recruter. "Nous accueillons chaque année une quarantaine d’étudiants dans le Finistère, et une trentaine entre le Morbihan et la Loire-Atlantique", retrace Laura Collin, assistante RH chez l'entreprise laitière Laïta (2 000 salariés, 1,4 Md€ de CA en 2021), filiale du groupe coopératif finistérien Even. Des étudiants venus faire leurs armes dans des métiers variés : ressources humaines, communication, commerce, maintenance ou encore comptabilité-gestion. "Nous travaillons beaucoup avec Brest et Rennes School of Business, avec le pôle formation de l’UIMM ou encore avec les lycées alentours. Cette année, nous accueillons également pour la première fois un étudiant ingénieur de l’Isen (école d'ingénieurs, NDLR)", détaille Laura Collin, qui multiplie les partenariats pour attirer les étudiants. "Nous sommes membres du jury d’examen d’un BTS Maintenance des systèmes, nous participons aux portes ouvertes de lycées et aux forums d’orientation, nous proposons des simulations d’entretien d’embauche et des accompagnements sur les CV et les lettres de motivation… Nous incluons aussi au maximum nos managers pour qu’ils soient nos ambassadeurs lors de ces événements." Autant d’efforts menés dans l’espoir de répondre aux tensions sur le recrutement.

Le groupe quimpérois Ouest Conseils (6 bureaux en Morbihan et Finistère, plus de 400 collaborateurs), spécialisé dans l’expertise comptable et l’audit, force aussi sa chance sur l’emploi. Il crée un programme unique en Bretagne en partenariat avec l’IHECF de Rennes, la grande école de l'expertise comptable et financière, créée en partenariat avec l'Ordre des experts-comptables bretons. Celui-ci accueillera en septembre 2023 une vingtaine d’étudiants en alternance, pour la préparation du diplôme supérieur de comptabilité et gestion.

"Il vaut mieux faire envie que pitié"

De la main-d’œuvre, les structures touristiques bretonnes en ont bien besoin, elles aussi. Depuis la crise du Covid, elles connaissent une désaffection de leurs collaborateurs, et notamment de la génération Z (les moins de 25 ans), génération marquée par une quête de repères. Rémunération trop faible, rythmes de travail difficiles, qualité de vie détériorée sont autant de complaintes qui reviennent dans leurs bouches. Pour autant, pour peu que les conditions de travail s’améliorent, l’hôtellerie-restauration offre toujours de belles perspectives. Et le métier fait encore des émules. L’ouverture d’une école Ferrandi en centre-ville de Rennes inaugurée il y a peu le démontre. Pilotée par la CCI Ille-et Vilaine, Ferrandi Paris - campus de Rennes veut former l’élite de la restauration et de l’hôtellerie de demain. L’école compte 150 étudiants et en vise 350 d’ici trois ans. "En matière de recrutement, il vaut mieux faire envie que pitié. Malgré les difficultés propres à ce secteur, notre conviction c’est qu’il y a des carrières fabuleuses à embrasser", insiste le président de la chambre, Jean-Philippe Crocq qui rappelle que la formation est une des missions majeures des CCI. Chaque année, en Bretagne, 32 000 personnes sont formées dans leurs centres de formation.

L'école Ferrandi Paris - campus de Rennes va former l'élite de la restauration et de l'hôtellerie de demain — Photo : Baptiste Coupin

Les réseaux économiques sectoriels sont aussi sur le pont pour répondre aux besoins des entreprises. Le pôle formation UIMM Bretagne, qui forme aux métiers de l’industrie, accompagne chaque année plus de 3 000 alternants, soit plus de 10 % des apprentis bretons. Plus de 100 formations en alternance sont proposées, du CAP au diplôme d’ingénieur. Et ce n’est pas fini. Une nouvelle école interne, l’ESM Bretagne (École Supérieure de Management) ouvrira ses portes à Bruz en région rennaise pour la rentrée 2023. Elle répondra aux besoins croissants en compétences commerciales, managériales et transverses des entreprises.

Les instances publiques locales cherchent elles aussi à jouer les "intermédiaires de l’emploi". La région académique Bretagne et Rennes Métropole se sont ainsi engagés début décembre 2022 dans une démarche partenariale en faveur des métiers de la maintenance des véhicules et des matériels roulants. Ils ont signé une convention avec sept transporteurs publics majeurs du bassin rennais (Linevia, RGO Mobilités, Keolis Armor…). Pendant cinq ans, les signataires vont travailler en synergie pour rapprocher l’école et l’entreprise.

Des CFA dans les entreprises

Partant du principe que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, de plus en plus de sociétés décident aussi de lancer leurs propres CFA. C’est le cas du groupe rennais BS (2 000 salariés, 90 M€ de chiffre d’affaires en 2022), spécialiste de la transformation industrielle des viandes, qui a fondé son propre organisme de formation, F2o, voilà déjà une dizaine d’années. Il a la singularité d’adapter sur-mesure les parcours de formation aux salariés déjà intégrés, d’une part, et aux nouveaux arrivants, d’autre part, sous la forme d’un contrat de qualifications professionnelles. "Nous réalisons entre 300 et 400 recrutements chaque année. Grâce à ça, nous pouvons anticiper les choses. Ce ne sont pas des formations de deux semaines. Nous accompagnons nos salariés entre 6 et 12 mois. J’aime bien utiliser le mot école. Cela donne du poids à ce que l’on fait", rend compte Anne-Sophie Robin, la PDG de l’entreprise. Grâce à son pôle de formation, BS dispose de 15 à 20 écoles ouvertes en permanence en France. L’entreprise préserve ainsi le savoir-faire ancestral du métier du boucher. Et son avenir.

Bretagne # Agriculture # Organismes de formation # Immobilier # Hôtellerie # Tourisme # Ressources humaines