Les entreprises bretonnes au diapason de la médecine de demain
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Les entreprises bretonnes au diapason de la médecine de demain

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Face à une médecine moins curative mais davantage prédictive et personnalisée, les entreprises - souvent aux côtés des chercheurs - mettent au point des outils et solutions toujours plus innovants. En Bretagne, de nombreuses innovations voient le jour dans la e-santé, les biotechnologies ou les technologies médicales. Tour d’horizon.

— Photo : Baptiste Coupin - Le Journal des Entreprises

Au CHU de Rennes - la plus grande entreprise publique de Bretagne avec 9 100 salariés et 733 M€ de budget en 2017 - comme ailleurs dans les établissements de santé (hôpitaux, cliniques) et chez les professionnels de soins, les pratiques évoluent à vitesse grand V. Notamment grâce à de nouveaux outils et solutions visant à répondre au mieux aux enjeux de la médecine de demain, qui se veut plus préventive, prédictive, personnalisée et participative. La règle des « 4P » chez les initiés.

Jean-Yves Gauvrit, spécialiste en neuroradiologie, est témoin de cette transformation au sein de son service de radiologie sur le site de Pontchaillou, à Rennes. « Ce qu’on appelle la radiologie interventionnelle (qui permet d’atteindre très précisément une cible sous contrôle de l’imagerie) il y a vingt ans, ça n’était rien. Aujourd’hui, ça occupe une part plus de plus en plus importante, parce que nous sommes sur de la chirurgie mini-invasive. La douleur est moins importante, la cicatrice est plus facile et vous faîtes moins de dégâts », explique notre professionnel, passé par Rennes et Brest, après avoir appris les nouvelles techniques d’IRM à Lille, Paris et New York.

La radiologie interventionnelle, une nouvelle technique - qui permet de soigner l’AVC par exemple - rendue possible grâce aux technologies de pointe : des scanners de dernière génération, des mini-caméras qu'on introduit dans le corps et des outils qui permettent au médecin de manipuler à distance. L’exemple d’une innovation majeure dans l’hôpital, inscrit dans une démarche de parcours ambulatoire - une innovation organisationnelle cette fois - qui consiste à proposer au patient une alternative à l’hospitalisation complète chaque fois que cela est possible.

Photo : Baptiste Coupin

« Ne pas rester au point mort »

Jean-Yves Gauvrit, également au directoire du CHU de Rennes, est un fervent défenseur de l’innovation. « Un CHU, par définition, c’est un centre d’innovation », constate le médecin qui cite en exemples, au sein de l’hôpital public rennais, l'introduction des premiers robots chirurgicaux (utilisés en urologie, chirurgie digestive, gynécologie) et les nouveaux médicaments (immunothérapie…).

« Tous les ans, un fonds d’innovation de 300 000 euros destiné aux médecins de l’hôpital et à des médecins extérieurs est dédié aux projets innovants, que ce soient des technologies, des médicaments ou des prises en charge. Le vrai challenge, c’est de ne pas rester au point mort », poursuit le professeur Gauvrit qui place les entreprises - au même niveau que les laboratoires - au cœur du logiciel de développement de la filière.

Depuis Vannes, Efelya aide les obstétriciens du tiers-monde

Depuis Vannes, la start-up Efelya développe un projet d’ambition mondiale : participer à l’amélioration du suivi des femmes enceintes dans les déserts médicaux. Cela vise les habitantes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud, mais aussi les expatriées. Une équipe s’est constituée autour de Florine Duplessis, sage-femme échographiste et présidente de la société, d’un ingénieur en algorithmie et d’un responsable en stratégie opérationnelle.

L’objectif ? Déployer une plateforme pour les praticiens. « Dans de nombreuses régions ils sont démunis, loin des centres hospitaliers, et n’ont pas les moyens de s’équiper. La plateforme facilitera le diagnostic des pathologies les plus courantes et offrira une assistance à distance », explique la fondatrice. Pour percer, des développeurs externalisés se sont rapidement mis au travail et la créatrice a fait connaître le projet au congrès e-Health World Monaco.

Une première aide a été attribuée via l’incubateur de l'agence de développement Vipe, avec le soutien de Bpifrance et de BNP Paribas. « Nous avons été approchés par la Fondation Zero Mothers Die, qui met des conseils à disposition des femmes via leur smartphone. Cela peut apporter des synergies. » La start-up attend beaucoup du prochain CES de Las Vegas et d’une levée de fonds destinée à entrer dans la phase opérationnelle. La plateforme sera accessible (autour de 50 € l’accès aux protocoles) avec des perspectives dans la data.

Florine Duplessis (au centre), Nicolas Gavard-Pivet et Nicolas Duplessis constituent l'équipe de la start-up Efelya, basée à Vannes — Photo : Efelya

Dans les Côtes-d’Armor, Eldom mise sur la santé des seniors

Spécialisée dans les produits photoluminescents pour le balisage intérieur et extérieur des bâtiments, la société Eldom a rapidement compris que sa technologie pouvait intéresser le secteur de la santé. Fondée en 2014 à Saint-Etienne-du-Gué-de-l’Isle (Côtes-d’Armor), la start-up désormais hébergée dans le Village by CA à Ploufragan, cible plus particulièrement les personnes âgées et désorientées, forte d'une expérimentation réussie pour l’Ehpad du Centre Hospitalier de Tréguier.

Dirigée par Elouan Le Gouge et Dominique Gicquel en 2014, Eldom (2 salariés, 100 000 euros de chiffre d’affaires) a mis au point un kit photoluminescent pour augmenter la prévention des chutes dans les chambres des résidents. « Il ne s’agit pas d’un simple balisage du lit aux toilettes, précise Elouan le Gouge. L’enjeu était de créer une ambiance globale afin d’obtenir des effets apaisants et thérapeutiques. » Fort de ses résultats prometteurs, la société costarmoricaine a fondé un département dédié, baptisé Eldom Health, afin de cibler spécifiquement la "silver economy".

Le Finistère a ses pépites

Le Finistère n’est pas en reste, comme l’illustre le récent rachat d'Imascap, société spécialisée dans les prothèses personnalisées, par l’américain Wright Medical Group pour 75 millions d’euros. L'entreprise Easy Chelators, issue du rapprochement de chercheurs de l’UBO et de l’Inserm de Nantes, développe, elle, une chimie permettant de mieux cibler les traitements anticancéreux. « Nous n’en sommes qu’au stade préclinique, mais les résultats sont très prometteurs », confie Jean-Marc Joumier, son cofondateur. Une innovation dans l’air du temps. « Dans le domaine de la santé, tout ce qui a trait à la médecine personnalisée et ciblée a le vent en poupe. » Créée en 2016, Easy Chelators emploie à ce jour deux salariés et cherche à lever 800 000 euros pour engager la phase de tests cliniques d’ici à un an.

Du côté du CHRU de la Cavale Blanche, à Brest, le professeur Erwan L’Her et son confrère québécois François Lellouche ont, quant à eux, créé Oxynov pour développer un procédé innovant permettant d’automatiser l’oxygénothérapie et l’assistance respiratoire. « Il y a tout ce qu’il faut ici pour se développer ! », estime Erwann L’Her. Depuis sa création en 2009, Oxynov (8 salariés, CA non-communiqué) a levé plus de 2,5 millions d’euros et ses produits sont distribués en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. Prochaine étape : la certification des autorités américaines pour conquérir le marché étasunien.

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