Gilles Cavallari (Samsic Emploi) : "Le coût d’acquisition d’un candidat a augmenté de 60 %"
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Gilles Cavallari président de Samsic Emploi "Le coût d’acquisition d’un candidat a augmenté de 60 %"

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Depuis deux ans, le marché de l’emploi s’est transformé. Les entreprises ont besoin de flexibilité mais ont de grandes difficultés pour recruter. Les candidats, eux, ont de nouvelles aspirations qui chamboulent les modes de travail. Samsic Emploi, acteur national du travail temporaire, du recrutement et du placement, basé à Cesson-Sévigné et présidé par Gilles Cavallari, met en place différents leviers pour répondre aux besoins de ses clients.

Gilles Cavallari, président de Samsic Emploi — Photo : Samsic Emploi

Depuis la pandémie de Covid, et a fortiori depuis la crise économique et la guerre en Ukraine, quelle est la tendance du marché de l’emploi ?

Les crises ont eu un fort impact sur les bassins d’emploi dont les viviers se tarissent : il y a eu un mouvement des candidats au niveau géographique et au niveau professionnel. Par exemple, dans la restauration et l’hôtellerie, il manque 200 000 personnes, car beaucoup se sont reconverties, notamment vers la logistique, pendant la pandémie. Les reconversions sont massives. Ajoutées au télétravail qui augmente, à la notion d’équilibre vie privée-vie professionnelle qui arrive encore plus avec la nouvelle génération qui veut un plaisir immédiat, le marché est chamboulé ! En parallèle, les entreprises veulent plus de flexibilité et sont dans une vision à court terme à cause notamment de la guerre. Elles sont prudentes, alors l’intérim qui était auparavant un supplétif, devient aujourd’hui un élément indispensable. Son utilisation a augmenté de 8 % en 2021 par rapport à l’année 2019 de référence. Mais la raréfaction du candidat est évidente. Et un candidat qui arrive chez nous peut avoir cinq offres. Nous avons 8 000 emplois en intérim à pourvoir tout de suite, quand habituellement on en a 5 200 à 6 000. Résultat, il va "zapper" d’emploi pour un taux horaire d’1 euro de plus ou pour gagner 10 km en trajet.

La tâche est donc plus rude encore pour les recruteurs ?

En effet, le processus de recrutement est complexe. En dix-huit mois, le coût de l’acquisition d’un candidat a augmenté de 60 %. Avant, pour trouver quelqu’un sur une qualification basse comme de la manutention par exemple, une agence passait une demi-heure. Aujourd’hui, elle y passe la matinée. Cela joue sur notre productivité. Nous devons aussi mettre en œuvre des efforts financiers supplémentaires pour chercher des candidats avec des jobdatings, jobboards, etc. Nous ne répercutons pas forcément ce coût sur le client.

Quelles nouvelles solutions utilisez-vous pour attirer les candidats ?

Nous utilisons de plus en plus les nouveaux médias et les influenceurs. Nous avons par exemple investi le réseau social Twitch dont l’audience explose. Pour recruter pour des jobs d’été nous avons fait jouer des Joueurs du Stade Rennais à Fifa, commenté en direct sur la chaîne Twitch du streamer Doigby. Cela a fait 235 000 vues sur le profil de l’influenceur. Sur notre site, nous avons eu directement +16 % de trafic dans les 24 heures qui ont suivi. Nous misons également sur des jeux concours. Si un intérimaire a cumulé 70 heures de travail entre le 20 juin et le 20 août et en a parrainé un autre qui en a fait autant, ils participent à un tirage au sort pour gagner un voyage en Grèce. Nous avons aussi mis sur la route un "job-truck", un bus qui sillonne les campagnes bretonnes pour trouver des candidats, car le candidat qui vient à nous, c’est fini ! Nous essayons de combiner digital et terrain.

Et quand malgré cela elles n’arrivent pas à recruter, mais qu’elles ont besoin de se développer, avez-vous d’autres cartes à jouer ?

Les entreprises attendent beaucoup de nous. Elles nous demandent de palier leur incapacité à recruter. Nous sommes dans une démarche d’accompagnement et nous travaillons sur des dispositifs ensemble. Par exemple, nous réalisons pour elles de plus en plus de recrutements d’apprentis. Cela leur permet de recruter sur le long terme en formant, et de préparer le futur.

Quels conseils donnez-vous aux entreprises qui recrutent pour favoriser l’embauche ?

Elles peuvent augmenter les salaires, bien sûr, mais aussi aménager les horaires, être plus flexibles pour attirer. C’est le cas notamment pour l’hôtellerie et la restauration. Avant, les salariés travaillaient le matin, faisaient une pause l’après-midi et revenaient le soir ; maintenant les établissements forment deux équipes : une le matin, une le soir. Nous pouvons aussi les inciter à rallonger les missions d’intérim, pour mieux intégrer les salariés. Les candidats sont plus confiants s’ils ont de la visibilité. Et puis, si on ne trouve pas, nous pouvons faire appel à la main-d’œuvre étrangère. Nous favorisons l’arrivée de personnes des pays de l’Est, qui viennent par exemple travailler dans l’agroalimentaire. Elles arrivent pour des missions de trois mois, pour lesquelles le client paie le voyage et le logement.

De son côté, Samsic Emploi continue-t-il de se développer ?

Oui, nous enregistrons une progression de notre chiffre d’affaires de +30 % par rapport à 2021, atteignant aujourd’hui les 900 millions d’euros. Notre croissance s’est surtout accélérée ces sept ou huit dernières années, car nous nous sommes davantage structurés. Samsic Emploi compte 280 agences en France, 400 au total si on ajoute nos implantations en Europe en Italie, Belgique, Suisse, Angleterre, Slovénie. Nous sommes également présents au Maroc. Nous prévoyons l’ouverture de 40 nouvelles agences par an dont 80 % sur le territoire français. À l’étranger, nous allons notamment accélérer en Allemagne et en Espagne.

Comment vous situez-vous par rapport à la concurrence ?

Nous sommes la cinquième entreprise de travail temporaire de France. Il y a cinq ans, nous étions au 13e rang ! Si nous nous en sortons bien, c’est parce que nous continuons notre couverture nationale. Nous signons ainsi en moyenne avec dix nouveaux grands comptes tous les trois mois. Comme nous investissons sur le long terme, cela nous donne de l’agilité pour nous développer. Enfin, nous sommes présents de manière importante sur les secteurs de l’agroalimentaire et du transport logistique qui ont explosé ces derniers mois, ce qui nous a portés.

Comment voyez-vous la situation évoluer ces prochains mois ?

Le marché est en train de bouger. Le besoin en emploi est tellement fort, le taux de chômage bas (7 %), nous sommes quasiment au plein-emploi. Donc, on n’est pas sorti de la spirale ! Même s’il y a un ralentissement de l’économie française et mondiale, il n’y aura pas d’impact fort sur le travail intérimaire. Par contre, on constate qu’il y a eu un ralentissement des recrutements depuis mai. Habituellement, juin est un mois fort pour la signature de CDI. Cette année, après une augmentation des recrutements en début d’année, on a vu une pause, comme si les entreprises attendaient septembre pour embaucher.

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