Ille-et-Vilaine
Coronavirus - Cookorico : « Nous vivons comme une injustice le refus d’un prêt garanti par l’État »
Témoignage Ille-et-Vilaine # Ressources humaines

Coronavirus - Cookorico : « Nous vivons comme une injustice le refus d’un prêt garanti par l’État »

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Fondée il y a cinq ans, la plateforme d’emploi spécialisée dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration Cookorico s’est vue refuser le Prêt garanti par l’État (PGE). Pour le dirigeant de cette start-up rennaise, Tanguy Vasseur, cela sonne comme une injustice. Récit.

Tanguy Vasseur, dirigeant et fondateur de Cookorico — Photo : © Cookorico

« Cookorico n’enregistre plus aucune activité depuis le 14 mars, date à laquelle l’État a décidé de la fermeture de tous les restaurants et hôtels. Notre plateforme d’emploi est en effet spécialisée dans le recrutement pour les métiers des CHR (cafés, hôtels, restaurants). Nous avons mis nos quatre salariés au chômage partiel à 100 %, puis contacté notre banque, qui avait alors peu d’informations sur les aides dont nous allions pouvoir éventuellement bénéficier.

En attendant, nous avons donc préparé un dossier pour demander un prêt garanti par l’État (PGE) de 30 000 euros. Il devrait nous permettre de pallier le manque d’activité, puisque nous n’avons aucune rentrée d’argent, de payer des charges fixes, d’avancer les salaires en attendant le versement des aides pour le chômage partiel, etc.

Quinze jours plus tard, le couperet tombe : la banque nous annonce que nous ne sommes pas éligibles au prêt garanti par l’État. Le motif ? Toute entreprise qui n’est pas éligible aux aides européennes n’entre pas dans le cadre, c’est-à-dire toutes les entreprises dont l’EBE ou les capitaux propres sont négatifs. Bpifrance doit en effet suivre la règlementation européenne, qui interdit de financer ce type d’entreprise. C’est notre cas, puisque nous avons un capital social de 5 000 euros mais plus de 50 % de dettes, à hauteur de 50 000 euros, qui sont des sommes empruntées, sous forme d’une levée de fonds familiale, pour lancer notre site web et résoudre des soucis techniques sur notre première version !

C’est injuste, c’est bête et méchant, c’est le résultat de critères purement comptables. Nous n’entrons pas dans les bonnes cases. C’est le cas de beaucoup d’entreprises, notamment dans la restauration, secteur que je connais bien. Beaucoup ont investi dans un restaurant, réalisé des travaux pour se lancer, et ont donc des dettes… L’État est en train de lâcher la gastronomie, l’un des fleurons français.

« Un coma économique »

Pourtant, Cookorico est une entreprise qui va bien, même si elle a des dettes. Nous avons recruté, nous venons d’intégrer le Village by CA. Des gens croient en nous et en notre entreprise, notre chiffre d’affaires est en augmentation (140 000 euros en mars 2020, date de clôture de l'exercice, contre 100 000 euros en mars 2019). Nous avons aussi été élus « Recruteur digital 2019 » aux West Web Awards (trophées bretons du digital). Nous venions d’engager des relations poussées avec des grands groupes comme Disney. Nous étions en plein amorçage, mais l’État nous plonge dans un « coma économique » ! J’ai le sentiment qu’il nous a abandonnés.

« En quoi n’avons-nous pas le droit d’être aidés aussi, tout simplement parce que nous ne sommes pas encore à l’équilibre ? Nous aussi payons la TVA, créons de l’emploi, de la valeur ».

Du jour au lendemain, on me dit que je vais devoir peut-être tout arrêter. Nous avons dû « taper » dans le peu de trésorerie que nous avons pour payer nos charges et l’avance des salaires notamment. Et ce n’est pas avec les 1 500 euros du Fonds de garantie que cela va changer grand-chose et nous aider à survivre. Nous aussi, chefs d’entreprise, nous avons des prêts personnels, des familles, etc. En quoi n’avons-nous pas le droit d’être aidés aussi, tout simplement parce que nous ne sommes pas encore à l’équilibre ? Nous aussi payons la TVA, créons de l’emploi, de la valeur.

Obligé de lever des fonds

Mon entreprise, c’est toute ma vie depuis cinq ans, je ne me verse toujours pas de salaire. Heureusement, je suis entré au Village by CA, qui m’assure un vrai soutien. J’ai des contacts avec un coach deux fois par semaine et un accès à des informations utiles, comme sur les aides possibles de la Région, de la CCI, etc. Je suis également aidé dans des démarches pour lever des fonds et j’ai fait appel au Médiateur du crédit de la Banque de France. Au départ, avant la crise, nous préparions une levée de fonds de 200 000 euros, qui était bien engagée, pour développer notre solution massivement. Nous montons un projet de relance en allant chercher entre 30 000 et 50 000 euros auprès d’investisseurs. L’idée est de nous donner une bouffée de trésorerie. Si des investisseurs y répondent, cela nous permettra de rester vivants. En attendant, nous voulons croire en l’avenir, et profitons de ce confinement pour travailler notre R & D notamment. »

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