Ille-et-Vilaine
Coronavirus - CCI Ille-et-Vilaine : « Accompagner les entreprises pour leur permettre de rouvrir »
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Emmanuel Thaunier président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Ille-et-Vilaine Coronavirus - CCI Ille-et-Vilaine : « Accompagner les entreprises pour leur permettre de rouvrir »

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En pleine crise du Covid-19, la CCI Ille-et-Vilaine et ses conseillers sont pleinement mobilisés pour offrir assistance et soutien aux chefs d’entreprise. L’heure est également à la préparation du déconfinement. Des kits de redémarrage vont être offerts aux commerçants de proximité. Une manière de « redonner confiance », indique Emmanuel Thaunier, son président.

La CCI Ille-et-Vilaine va aider les commerçants de proximité dans la reprise d'activité post-confinement. Des kits de redémarrage vont être distribués gratuitement. Une manière de "redonner confiance", indique Emmanuel Thaunier, président de l'organisme consulaire — Photo : © David Ferrière

Le Journal des Entreprises : Vous avez lancé, le 1er avril dernier, une grande campagne d’appels téléphoniques auprès des dirigeants bretilliens. Quelle est votre méthodologie de travail ?
Emmanuel Thaunier :
Dès le début de la crise, nous avons réactivé une cellule de prévention des entreprises qui existait déjà. Avec des entreprises qui prenaient les devants et qui venaient nous chercher. Nous sommes désormais passés sur une autre phase. Nous avons 35 conseillers de la CCI qui appellent en ce moment, méthodiquement, les entreprises pour prendre de leurs nouvelles. Nous avons commencé par les entreprises qui ont suivi une fermeture administrative. Les commerces dits non essentiels, l’hôtellerie, la restauration… Et nous sommes maintenant en contact avec les PME de moins de 20 salariés. Nous contactons directement les dirigeants sur leurs portables. Plusieurs milliers d’entreprises en Ille-et-Vilaine seront contactées par ce biais d’ici la fin juin.

Quelles missions vous donnez-vous à travers cette grande campagne d’appels ?
Emmanuel Thaunier : Le premier des objectifs, notamment auprès du premier panel interrogé, c’était d’être bien certain que les dirigeants avaient pris la mesure de tout le dispositif de soutien (en ligne et à jour sur le site de la CCI à cette adresse, NDLR). Bien vérifier que les salariés avaient été mis en chômage partiel, que les loyers avaient été rééchelonnés, que les emprunts avaient été renégociés avec les banques, que le prêt garanti par l’État avait été sollicité pour soulager la trésorerie. Bref, que l’entreprise avait été bien mise en situation d’hibernation économique. D’autres problématiques émergent aujourd’hui pour les entreprises qui reprennent le travail ou qui s’apprêtent à le faire, sur l’approvisionnement, les transports, les règles sanitaires…

Photo : © Baptiste Coupin

Et ensuite, on écoute les dirigeants. L’idée générale, c’est de rompre l’isolement. La moyenne des échanges dure 45 minutes. On va en profondeur. On les écoute, on les conseille. Parfois on fait même du soutien psychologique. Il y a des situations où les gens sont désespérés. Ils n’ont pas de perspectives et ne savent pas quand ils pourront rouvrir. C’est terrible de ne pas avoir d’horizon lorsqu’on est chef d’entreprise.

« On se rend compte que les grosses entreprises peuvent être aussi fragiles que les petites. C’est un grand enseignement de cette crise. »

Vous connaissez parfaitement le tissu économique local. Quelles sont les filières les plus atteintes par la crise ?
Emmanuel Thaunier :
En premier lieu, le commerce traditionnel de proximité et l’hôtellerie-restauration. Mais aussi l’événementiel et tout ce qui tourne autour : les traiteurs, les locations de salles… Les mariages, les baptêmes, tous ces événements familiaux ne vont pas pouvoir se tenir. Donc, là, nous allons avoir de la perte. Et puis il y a des secteurs auxquels on ne pense pas, ou que l’on croyait beaucoup plus costauds qui commencent à tomber. C’est le cas de l’industrie aéronautique. À Toulouse, Airbus a perdu 50 % de son carnet de commandes en 15 jours. Les sous-traitants industriels vont être impactés. On prévoit que la moitié d’entre eux déposeront le bilan d’ici six mois. Nous avons quelques structures du genre du côté de Redon qui pourraient être atteintes. C’est à peu près aussi violent que lorsque l’industrie automobile s’était arrêtée net en 2008. On se rend compte que les grosses entreprises peuvent être aussi fragiles que les petites. C’est un des grands enseignements de cette crise. L’impact du coronavirus est particulièrement brutal pour un certain nombre de secteurs. Pour l’agroalimentaire, en revanche, ça a l’air de bien tenir. Du côté de l’agriculture, ça va à peu près bien aussi. Il n’y a que les pêcheurs qui souffrent parce que les poissonneries sont fermées, et surtout les restaurants, qui sont un canal de vente important.

« Montrer que la lumière revient, que la vie reprend. »

Le déconfinement se précise, qui devrait permettre une reprise progressive de la vie économique. Comment la CCI va-t-elle s’inscrire dans cette séquence ?
Emmanuel Thaunier : Nous avons déjà commencé à former en ligne les entreprises aux pratiques sanitaires de déconfinement. Surtout, nous travaillons sur la fabrication de kits de redémarrage que nous allons offrir aux commerçants. Ce sont des masques, du gel hydroalcoolique, des bandes de marquage au sol et des panneaux à coller obligatoirement dans les magasins qui rappellent les règles d’hygiène et de distanciation sociale. Autant d’éléments pour redonner confiance et montrer que les commerces respectent bien les protocoles de sécurité. Nous ciblons, pour commencer, les commerçants indépendants de centre-bourg qui étaient fermés et qui rouvrent le 11 mai (Ceux qui ne sont ni franchisés ni adossés à un groupe ou une centrale d’achats et qui emploient moins de 10 salariés, NDLR). Cela représente environ 3 500 commerces en Ille-et-Vilaine. Et puis, dans un deuxième temps, nous fournirons ces kits aux cafés, hôtels, restaurants. Soit quelque 4 000 structures. Mais cela arrivera plus tard parce qu’on ne nous annonce pas de réouverture avant la mi-juin ou la fin juin, au mieux. L’idée c’est d’amorcer les choses, d’accompagner le retour à la vie économique et permettre aux entreprises de rouvrir. Il faut montrer que la lumière revient, que la vie reprend.

Lancez-vous d’autres actions qui accompagnent la reprise économique ?
Emmanuel Thaunier : Oui, avec la Poste, nous apportons notre soutien à la plateforme Ma ville mon shopping pour permettre aux entreprises traditionnelles de se mettre au digital. 25 % des dirigeants que nous avons au bout du fil nous disent que c’est désormais leur priorité numéro un. Tous les commerçants ou les restaurants qui ne juraient que par le présentiel basculent dans un autre monde. Il faut maintenant être multicanal. C’est-à-dire pouvoir assurer de la présence physique en magasin et pouvoir vendre en parallèle sur le web. C’est l’alternative parfaite pour régler les problèmes. Il faut aller vite parce que nous sommes en temps de guerre. Ce site permettra aux commerçants de proximité de mettre 10, 15, peut-être 20 de leurs produits phares. Ils pourront les vendre grâce à un système de paiement en ligne. Et ceux-ci pourront être retirés sur place ou être expédiés au client. C’est donc une manière de faire du commerce en ligne de façon très rapide. Nous animons également le site Moncommerce35.fr qui compte plus de 1 000 commerçants référencés sur l’Ille-et-Vilaine et permet lui aussi la vente en ligne.

« Le schéma de développement de l’aéroport que nous avions avant la crise, c’est fini. »

La CCI est actionnaire de l’aéroport de Rennes, qui affichait de grosses ambitions de développement avant la crise. Quelles vont être les conséquences de l’épidémie de coronavirus pour la plateforme ?
Emmanuel Thaunier :
On va voir comment réagissent les compagnies aériennes mais le schéma de développement que nous avions avant la crise, c’est fini.

Photo : CC BY SA 3.0 Strot - source Wikimedia

Air France nous annonce qu’ils auront un programme de vols au mois de juillet qui sera équivalent à 30 % à celui de l’année dernière. Cet été, je pense que nous n’aurons que des vols domestiques. Avec un peu de chance, peut-être pourra-t-on se promener en Europe au mois d’août, mais guère plus… Le coronavirus, c’est comme un empannage à la voile. C’est parti à 180°C de l’autre côté… Le modèle économique a changé. Les compagnies nous disent déjà qu’elles ne veulent plus payer de frais de stationnement. Demain, elles nous demanderont peut-être de l’argent pour venir sur l’aéroport… Nous, nous y arriverons parce que nous avions un modèle économique solide par le passé. Mais d’autres plateformes en Bretagne qui ne vivaient que de subsides ou qui étaient structurellement déficitaires ne survivront probablement pas à la crise, sauf à être aidées par la collectivité.

Comment envisagez-vous la fin de votre mandature ? Le coronavirus va-t-il profondément modifier le champ d’action de la Chambre demain ?
Emmanuel Thaunier :
Sous la pression de Bercy, notre organisme de tutelle, nous étions déjà en train de procéder à une refonte de nos activités, en facturant certains services, pour être plus efficients. Le problème, c’est que faire payer à des entreprises dans le besoin par les temps qui courent, ça va être difficile… Il va donc falloir que nous trouvions ensemble, en Bretagne, une nouvelle façon de fonctionner avec les chambres de commerce, voire avec les chambres de métiers. Mais on ne pourra plus faire tout ce que l’on fait en termes d’assistance et de soutien auprès des entrepreneurs si on continue de nous sabrer nos ressources… En revanche, là où on va résister, c’est sur la formation par l’apprentissage. C’est le pied à l’étrier avant d’aller faire un métier. On discute beaucoup avec les ministères pour savoir comment nous allons pouvoir adapter les parcours de formations. C’est notre devoir que de former les jeunes, surtout avec les incertitudes qui pèsent sur l’avenir !

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