Ces entreprises bretonnes qui accélèrent sur la RSE
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Ces entreprises bretonnes qui accélèrent sur la RSE

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Elles ambitionnent d'incarner un capitalisme plus éthique en prenant des engagements forts en termes de responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE). Achats responsables, définition d'une "raison d'être" ou d'une "mission" dans les statuts, efficacité énergétique... En Bretagne, les groupes Hénaff, Beaumanoir ou encore Rétis, montrent la voie.

Depuis 2007, l'industriel breton de l'agroalimentaire Hénaff s’implique dans la production équitable en achetant son poivre bio auprès d'une coopérative de São Tomé-et-Príncipe, une île sur la côte Ouest de l'Afrique — Photo : © Hénaff

« L'entreprise doit s’occuper de son avenir et des générations futures autant que de sa rentabilité. » À l’occasion de la présentation de la vision de son groupe pour 2030, en mai, Loïc Hénaff, PDG de Hénaff (281 salariés, 45,5 M€ de CA), se posait en garant de la "raison d’être" de l’entreprise. C’est-à-dire le partage de la valeur au-delà du seul profit. Dans son projet stratégique, la PME agroalimentaire finistérienne veut faire du développement durable un marqueur fort.

« Ma vision de la responsabilité sociale des entreprises (ou responsabilité sociétale des entreprises, RSE, NDLR), ce n’est pas empiler les systèmes et les référentiels. Ce n’est pas un cahier des charges. Notre vision du monde se doit d'être responsable », développe le patron breton. Un exemple concret pour son entreprise ? Les achats responsables. Depuis dix ans, Hénaff s’approvisionne en poivre (l’une des matières premières utilisées dans la fabrication de son célèbre pâté) auprès d’une coopérative bio à São Tomé-et-Príncipe, un archipel au large du Gabon. « Avec 100 planteurs, c’est un succès local », se réjouit le dirigeant.

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« Une démarche éthique et politique »

Impact sociétal, social ou environnemental... Derrière le vocable RSE se cachent le bien-être au travail, l’égalité hommes-femmes, la protection de l’environnement… « De plus en plus de dirigeants de PME se saisissent de ce sujet », estime Vivien Pertusot, directeur adjoint chez Bpifrance Le Lab. Le laboratoire d’idées de la banque publique a publié, en juin 2017, une étude menée auprès de 1 200 dirigeants en France. Son constat : « La RSE est principalement une démarche éthique, voire politique. C’est cette idée qu’il y a une mission de l’entreprise, qu’elle participe à un écosystème local et qui fait que le dirigeant se dit : "Je dois participer à cette dynamique". »

« Demain, on n’arrivera pas à recruter, si on ne fait pas de RSE. »

Mais s’ils adhèrent à l’esprit de la RSE, les dirigeants ne le suivent pas forcément à la lettre, à savoir l’aspect réglementaire et normatif qu’il peut y avoir derrière. « Ça prend du temps, c’est la politique des petits pas », convient Pheng Ly, entrepreneur social rennais, fondateur de "Tout le monde y gagne". Son association contribue au rapprochement du monde de l’entreprise avec celui des associations dans l’organisation de chantiers solidaires sur le principe du « faire ensemble ».

Vers l'entreprise "à mission"

70 % des entreprises sont conscientes qu’elles doivent devenir "sociétales", mais seules 30 % des organisations mettent en œuvre de réelles actions, selon l'étude Tendances RH 2018 de Deloitte. Sous l’impulsion du législateur, ce rapport pourrait évoluer dans les prochaines années. Avec la loi Pacte, votée au printemps 2019, les entreprises vont pouvoir se déclarer « à mission ». Un concept qui inscrit dans les statuts de l’entreprise des objectifs sociaux et environnementaux, soumis à contrôle. En s’engageant dans la Breizh Cop, ce projet d’avenir porté par la Région Bretagne visant à favoriser le développement durable, les entreprises bretonnes marquent déjà leur volonté de s’inscrire dans un schéma responsable.

« Les jeunes générations veulent donner du sens à leur travail. La performance économique de l’entreprise ne prime plus seulement », rend compte Arnaud Moyon, commissaire aux comptes associé chez Y Nexia, venu témoigner lors de l’événement HumanEO, fin juin, à Rennes. Son cabinet d’expertise comptable implanté à Niort (Deux-Sèvres), avec des clients dans tout le Grand Ouest, offre des prestations de conseil et d'audit RSE aux entreprises. L’activité y est croissante. Auprès d’entreprises de taille intermédiaire, contraintes, par une directive européenne, de tenir à jour un rapport de gestion extra-financier. Mais aussi auprès des PME, « obligées de s’engager dans des démarches RSE très concrètes sous la pression du marché ».

La RSE, vecteur de recrutement et de performance

Photo : Baptiste Coupin

À l’instar d'Hénaff, d’autres entreprises bretonnes accélèrent sur la RSE. Comme le groupe de distribution textile malouin Beaumanoir (13 600 salariés, 2,1 Md€ de CA) sur le volet environnemental. « Nous avons lancé, fin 2017, un programme d’efficacité énergétique dans nos magasins français, raconte Natacha Arnaud-Battandier, responsable RSE du groupe (Morgan, Cache Cache, Bonobo…). Notre engagement est clair : 100 % de nos sites doivent être alimentés par de l'énergie renouvelable d’ici à 2025, contre 50 % aujourd’hui. Avec une société spécialisée, nous avons mis à disposition des collaborateurs une solution de suivi des consommations énergétiques. Depuis, celles-ci ont diminué, car nous optimisons, par exemple, nos éclairages et la climatisation. »

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Chez Apixit, le groupe qui a absorbé la PME de réseaux informatiques Rétis (170 collaborateurs), à Montauban-de-Bretagne, en 2018, le pilier "social" est davantage au centre des priorités. « Nous travaillons sur le partage d’expériences, décrit Stéphanie Villejoubert, DRH. L’objectif c’est que les collaborateurs puissent se sentir acteurs du projet global avec un dialogue social régulier. Aujourd’hui, les salariés attendent d’être partie prenante d’un collectif, encore plus dans un secteur où les talents sont rares. »

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Marie-Laure Collet, dirigeante du cabinet rennais RH Abaka et vice-présidente de l'association Produit en Bretagne, en charge du capital humain, la rejoint : « On n’arrivera pas à recruter si on ne fait pas de RSE. Il faut que les entreprises proposent aux salariés un environnement de travail cohérent avec leur propre mode de vie. » Pour elle, « la RSE est un vecteur de performance et un retour sur investissement énorme pour l’entreprise. »


Breizh Cop : 120 premières entreprises engagées

Des entreprises bretonnes, qui concilieraient, demain, performances économique, sociale et environnementale. C’est l’esprit de l’initiative Breizh Cop, lancée officiellement par la Région Bretagne, début avril 2019, auprès du monde économique, sous forme d’un appel à engagements. Face à l’urgence climatique et à des déséquilibres territoriaux lourds, l’objectif est d’engager des actions collectives bénéfiques, sur la base des intentions de chacun. Début juillet, 200 acteurs économiques (entreprises, fédérations, réseaux…), et 120 entreprises à proprement parler, avaient rejoint le mouvement. « Les obligés du développement durable, à l’instar d’Enedis et des petites entreprises qui présentent déjà des solutions éco-innovantes », commente François-Nicolas Sourdat, le « monsieur Breizh Cop » au sein du Conseil régional. Il en attend davantage encore. « Il faudrait plusieurs centaines d’entreprises partenaires pour qu’un vrai mouvement puissant puisse s’engager. »

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