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Thomas Thumerelle : « Entrepreneur et dirigeant sont des métiers différents »
Portrait Pas-de-Calais # E-commerce

Thomas Thumerelle : « Entrepreneur et dirigeant sont des métiers différents »

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Thomas Thumerelle est le fondateur et dirigeant de la société Motoblouz, qui vend des vêtements et accessoires pour motards. En 14 ans, il l’a conduite à un chiffre d’affaires de 50 M€. Portrait d’un entrepreneur passionné, qui ne cesse de multiplier les projets.

— Photo : ESL, le JDE

A 35 ans, Thomas Thumerelle dirige depuis Carvin (Pas-de-Calais) la société Motoblouz, qui vend des vêtements et accessoires pour les motards. Née en 2004, celle-ci est passée d’un tout premier chiffre d’affaires de 50 000 € à 50 M€ en 2017, avec 120 salariés. Une aventure menée d’une main de maître par cet entrepreneur très actif.

La passion d’entreprendre

Dirigeant accompli, Thomas Thumerelle n’en reste pas moins passionné. Par la moto ? Pas vraiment : « Dans ma famille, la moto est un sport interdit ! », révèle-t-il en riant. Il ajoute : « Mes parents sont médecins ; ils ont vu défiler des tas de motards accidentés. »

Sa passion, c’est plutôt l’entrepreneuriat. Un trait de caractère qui s’est manifesté dès son plus jeune âge. En classe de CP, à l’école de Courrières, il rencontre David Thiry, avec qui il a fondé Motoblouz. S’ils n’ont pas suivi les mêmes études à partir du lycée, l’amitié est restée. C’est d’ailleurs ensemble qu’ils ont fait leurs premiers pas dans l’aventure entrepreneuriale, de manière précoce.

« Vers l’âge de dix ans, nous avons créé un magazine de foot de quatre pages et nous avons tenté de le vendre dans Courrières, en porte-à-porte… », se souvient Thomas Thumerelle. Il enchaîne avec une autre anecdote : « Nous allions parfois chez la grand-mère de David et quand il faisait chaud, on essayait de vendre des canettes de soda aux passants… ».

Parier sur l’envol du e-commerce

Durant leurs études, ils se perdent un peu de vue. Thomas Thumerelle intègre une classe prépa puis l’ESC Toulouse, tandis que David Thiry travaille, après son bac, dans le commerce que tient son père. « J’avais un projet à réaliser dans le cadre de mon école. J’ai choisi d’organiser le plus grand tournoi en France autour d’un jeu vidéo et David y a participé. Nous avons eu la meilleure note de l’école », raconte l’entrepreneur en souriant.

« Au début, nous étions rentables, car nous n’avions pas de coûts : nous travaillions dans la cave des parents de mon associé... »

Grisés par ce succès, ils décident de reproduire d’autres tournois de ce type, à Lille. Et cela fonctionne. « Cette expérience nous a motivés à lancer notre entreprise », affirme le dirigeant. C’était en 2004 et à l’époque, l’e-commerce prenait son envol avec l’apparition de sites comme Cdiscount, PriceMinister, etc. « David et moi suivions ça avec beaucoup d’intérêt. Nous avons cherché des idées pour nous lancer dans ce domaine. Le père de David avait un magasin de prêt-à-porter cuir, avec une référence de blousons pour motards. Nous avons trouvé ce produit intéressant, car il y a une communauté importante autour de la moto : nous pouvions donc compter sur l’effet bouche-à-oreille », explique-t-il.

En guise de test, ils mettent alors un blouson en vente sur eBay. Mais cela ne marche pas très bien. « Nous aurions pu renoncer », note-t-il. Au lieu de cela, Thomas Thumerelle demande à un cousin développeur de leur réaliser un site web. Avec leurs économies respectives et un emprunt, ils constituent un capital social de 10 000 €. « Nous avons démarré avec juste de quoi acheter des blousons et faire un peu de communication », souligne le dirigeant. A ses débuts, l’entreprise fait une vente par jour et le premier exercice s’achève avec un chiffre d’affaires de 50 000 €, et du profit. « Nous étions rentables, car nous n’avions pas de coûts, on travaillait dans la cave des parents de David ! », lance-t-il, amusé.

D’entrepreneur à dirigeant

Durant la création de l’entreprise, Thomas Thumerelle termine son école de commerce puis effectue un stage chez KPMG, qui l’embauche. « J’ai repoussé plusieurs fois la date à laquelle je devais entrer chez eux, pour me consacrer à Motoblouz… J’ai longtemps hésité entre les deux. » La passion de l’entrepreneuriat finit par l’emporter. « Nous avions 21 ans, nous vivions chez nos parents, tout ça présentait peu de risques », juge-t-il.

« Aujourd’hui, je suis moins entrepreneur que dirigeant. Ce n’est pas le même métier. C’est difficile pour un entrepreneur de faire confiance, d’apprendre à déléguer. »

La jeune entreprise accélère alors sa croissance et achève le deuxième exercice avec un chiffre d’affaires de 500 000 €. « A ce moment-là, Motoblouz devient une vraie entreprise », se rappelle-t-il avec fierté. Pendant six ans, la start-up double son chiffre d’affaires à chaque exercice : « On ne courait pas après la croissance, mais on la subissait, car on devait recruter, s’organiser… Notre plus gros combat était finalement de convaincre les marques : nous l’avons mené pendant dix ans. »

A présent, Motoblouz est une belle PME qui a été rachetée en 2016 par le groupe allemand Polo Motorrad (CA : 200 M€), dont Thomas Thumerelle est devenu actionnaire minoritaire. « En 14 ans, j’ai changé 14 fois de métier », commente-t-il. Il poursuit : « Au début, David et moi faisions tout : répondre au téléphone, préparer les colis… Tout le monde fonctionnait en mode start-up, avec un investissement à 2 000 %. Aujourd’hui, je suis moins entrepreneur que dirigeant, ça n’est pas le même métier. La bascule s’est faite quand nous avons atteint 40 collaborateurs et qu’il a fallu mettre en place un management intermédiaire. C’est difficile pour un entrepreneur de faire confiance, d’apprendre à déléguer... Pas mal d’entrepreneurs que je côtoie n’arrivent pas à accepter que les choses soient faites de manière différente. »

Relever des défis

Pour garder un pied dans l’entrepreneuriat, Thomas Thumerelle investit régulièrement dans de jeunes entreprises en tant que business angel, aux côtés d’autres investisseurs. L’une de ses dernières opérations concerne la société Havr, à Compiègne (Oise), qui utilise la lumière comme mode d’ouverture des serrures. « Je lis également beaucoup de livres sur des entrepreneurs, comme la biographie de Steve Jobs, d’Elon Musk, ou le livre de Mike Horn, qui a fait un tour du monde à pied autour de l’Équateur ».

Avec toutes ces activités, Thomas Thumerelle a un emploi du temps bien chargé dans lequel il garde toujours un peu de place pour les défis sportifs : padel, piscine, marathon, etc. « Je m’ennuie facilement… J’aime lancer plein de projets, c’est d’ailleurs ce qui continue de m’animer chez Motoblouz », commente-t-il. Parmi les récents projets, figure l’ouverture de magasins physiques. Une deuxième boutique vient de voir le jour à Seclin, après une première à Carvin en 2017. Et de conclure : « La question que je me pose souvent c’est : est-ce que je préfère être entrepreneur ou dirigeant ? Peut-être qu’un jour j’aurais envie de reprendre l’entrepreneuriat. »

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