Télétravail : pourquoi ces entreprises des Hauts-de-France en sont devenues adeptes
Enquête # Ressources humaines

Télétravail : pourquoi ces entreprises des Hauts-de-France en sont devenues adeptes

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Entre les grèves SNCF, l’engorgement de la métropole lilloise et les ordonnances Macron, le télétravail est un sujet qui revient sur le devant de la scène. Dans les Hauts-de-France, les rares entreprises à l’avoir testé en sont devenues de véritables adeptes.

Dans les Hauts-de-France, seules 17 % des entreprises s'étaient lancées dans l'aventure du télétravail en 2016 — Photo : Goran Ivos - Unsplash

Si la France est à la traîne sur le télétravail face aux pays nordiques ou anglo-saxons, la région Hauts-de-France ne fait guère mieux. En 2016, seules 17 % des entreprises du Nord et du Pas-de Calais avaient testé ce mode de fonctionnement, selon une étude réalisée par la CCI de région. Pourtant, une entreprise régionale sur trois est en capacité de mettre en place le télétravail dans sa structure. Et il paraît difficile d’y échapper entre les ordonnances Macron qui en font un droit, ou la solution que cela représente face aux problèmes de mobilité.

« Le télétravail, pour moi, c’est une évidence. Il suffit de le faire et on s’aperçoit que ça fonctionne bien, d’autant qu’on a beaucoup d’outils à disposition. »

Bonne nouvelle pour les entreprises qui hésiteraient encore : celles qui se sont lancées sont conquises. Jacques Boisleux dirige la société Staphyt (Pas-de-Calais, CA : 40 M€, 450 salariés), une société d'homologation de produits phytosanitaires qui a mis ce système en place il y a plus de quinze ans. Il commente : « Le télétravail, pour moi, c’est une évidence. Il suffit de le faire et on s’aperçoit que ça fonctionne bien, d’autant qu’on a beaucoup d’outils à disposition. »

Trois bénéfices pour les entreprises

Si le télétravail est souvent présenté comme un bénéfice pour les salariés, leur permettant de trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il profite aussi largement aux entreprises.

Premièrement, il leur permet de réaliser des économies. « Sur les 12 derniers mois, le télétravail représente 340 000 km et 3 200 heures de trajet en moins pour les salariés. Et pour l’entreprise, c’est 100 000 € de frais de déplacements économisés », souligne Christophe Thuillier, dirigeant de la société de services informatiques Agesys (Oise, CA : 6 M€, 60 salariés), qui pratique le télétravail depuis 2013. Des économies qui concernent également l’immobilier : « Le télétravail permet d’organiser les postes différemment : d’en avoir moins, avec un système de rotation », explique France Hullaert, dirigeante de la société Candéliance (Nord, CA : 1,4 M€, 11 salariés), conceptrice d’éclairage et de mobilier urbain, qui est en train de déployer ce système dans son entreprise.

Deuxièmement, le télétravail améliore la productivité. « Cela aide les salariés à être plus sereins, plus disponibles par rapport aux clients et donc plus efficaces », note France Hullaert. Elle ajoute : « Pour moi, la fatigue engendre l’absentéisme. » Le constat est similaire pour Yann Orpin, président de la CCI Grand Lille, qui teste, elle aussi, le télétravail : « Il y a des gens qui arrivent déjà fatigués le matin, après 1h30 de trajet, parce qu’ils habitent loin ou se retrouvent dans les bouchons. En leur épargnant ce trajet matin et soir, ils sont plus efficaces sur la semaine ». Pour Nicolas Nolf, dirigeant de la société Kicks (Nord, CA : 2,4 M€, 11 salariés), qui conçoit et vend des aliments pour chiens et chats, ce système favorise aussi la concentration : « Cela permet de protéger certaines tâches, qui nécessitent de ne pas être interrompu. »

« Dans les sociétés d’informatique, le turnover est en moyenne de 12 à 14 % au niveau national. Grâce au télétravail, le nôtre est inférieur à 3 %. »

Enfin, le télétravail s’avère être un formidable outil de recrutement, notamment pour capter des talents. « Nous venons de recruter un content manager et cela aurait été impossible sans ce système : il vient d’acheter un appartement à Paris. Il va télétravailler 3 jours et être deux jours dans l’entreprise », explique Nicolas Nolf, qui a mis en place le télétravail en novembre 2017. Il le considère également comme un outil de motivation et donc de fidélisation. Une vision que partage le dirigeant d’Agesys : « Dans les sociétés d’informatique, le turnover est en moyenne de 12 à 14 % au niveau national. Grâce au télétravail, le nôtre est inférieur à 3 %. »

Des modalités variables

Les modalités de mise en œuvre du télétravail sont d’ailleurs peu contraignantes pour les entreprises. Combien de jours dans la semaine ? Lesquels ? Au domicile ou ailleurs ? Il n’y a pas vraiment de règles : chaque structure est libre d’adapter ce dispositif à son activité et à ses salariés.

Si certains, comme Kicks ou la CCI Grand Lille, ont mis en place le télétravail sur un nombre limité de jours en semaine, d’autres ont choisi d’accorder une liberté plus grande à leurs salariés. Chez Staphyt, les collaborateurs peuvent télétravailler quand ils le souhaitent et s’ils le souhaitent : « Au moins 50 % des salariés télétravaillent de temps en temps. Un quart le font très couramment et passent rarement au bureau. Certains, au contraire, ne souhaitent pas s’y mettre car ils n’ont pas des conditions de travail adéquates chez eux ou ont besoin de leurs collègues. Nous laissons aussi une liberté totale dans les horaires, ce qui compte c’est le travail effectué ».

Agesys de son côté, a choisi de « déspacialiser » son siège : « C’est devenu un point de travail comme un autre. Il n’y a pas d’obligation : le salarié peut travailler depuis chez lui, de chez sa famille dans le Sud de la France ou du Portugal… La seule chose qu’on demande, c’est que le travail soit bien fait ». Et les soucis sont rares : « Nos salariés s’engagent car ils trouvent un équilibre entre vie professionnelle et personnelle : ils n’ont pas envie que ça change ». Ce que confirme Nicolas Nolf : « Personne ne veut être le maillon faible qui remettrait en cause ce système ». De son côté, la dirigeante de Candéliance est convaincue que « le télétravail change l’état d’esprit des collaborateurs, qui n’ont plus un travail mais une mission et se sentent chef d’entreprise de leur activité ».

Les conditions de la réussite

Il y a quand même quelques passages obligés pour installer le télétravail avec succès. D’abord, l’échange avec les salariés, comme le souligne France Hullaert : « Ça doit être discuté, pour arriver à une décision partagée. Nous recevons les salariés en entretien individuel pour savoir quel jour ils souhaitent télétravailler. Si je leur impose une liberté, ça n’en est plus une ». Nicolas Nolf renchérit : « Il faut évoquer l’organisation : pour que ça fonctionne, la répartition des tâches et les priorités doivent être claires ».

Ensuite, le télétravail nécessite des outils. Outre l’équipement du salarié, « la digitalisation est un passage obligé », souligne France Hullaert. Celle-ci a investi 2 000 euros dans l’installation d’un logiciel qui permet le partage de documents, des visioconférences, etc., et qui lui reviendra ensuite à 600 € par mois dans le cadre d’un abonnement.

Enfin, sur le plan juridique, les entreprises interrogées inscrivent généralement le télétravail dans les contrats des nouveaux entrants et rédigent des avenants pour les autres, et parfois, des chartes. France Hullaert explique : « Nous avons eu recours à une avocate spécialisée en droit du travail, car entre les ordonnances et l’Urssaf, il y a parfois tout un monde… »

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