Chaque année, en France, quelque 415 millions de paires de chaussures sont mises sur le marché. Si leur durée de vie est aléatoire, une chose est sûre : il n’existe pas de solutions de valorisation quand elles arrivent en fin de vie. Défectueuses à l’issue de la fabrication, ou simplement usagées, "les chaussures sont incinérées, ou enfouies", indique Guillaume Haffreingue, président de la société Revival, qu’il a fondée aux côtés de Marie Soudré-Richard, et Hélène Guerret, directrices générales. Tous les trois sont associés à parts égales dans ce projet.
Des semelles aux granulats
Née en mai 2021, Revival veut créer une chaîne française de recyclage des chaussures, à l’échelle industrielle et basée sur un modèle économique vertueux. "Nous voulons financer de l’emploi solidaire et investir dans d’autres innovations, pour la valorisation des déchets", souligne Marie Soudré-Richard. Installée à Tourcoing (Nord), où elle loue un entrepôt de près de 200 m², Revival comptera à la fin de l’année deux salariés et une vingtaine de personnes détachées sur son site, issues de l’économie sociale et solidaire. Elles seront une centaine d’ici cinq ans.
L’activité démarre avec les chaussures de sport, soit la moitié des chaussures vendues, selon le dirigeant. Revival en réceptionne plusieurs tonnes par semaine, collectées auprès de marques, depuis les maisons de luxe jusqu’aux équipementiers sportifs premiers prix. L’entreprise sépare les matières : ce qui l’intéresse, dans un premier temps, ce sont les semelles. Elles sont broyées puis transformées en granulats de caoutchouc ou de thermoplastique, destinés à être réutilisés comme matière première dans l’industrie. "Nous stockons les autres parties, en attendant de leur trouver une utilisation".
Une phase d’industrialisation
Revival se rémunère de deux façons. D’une part, en vendant une prestation de services aux marques. Cela va de la collecte et du stockage des chaussures usagées jusqu’à leur revalorisation. Revival leur propose aussi la réutilisation des granulats dans la fabrication de leurs propres produits ou de produits en cohérence avec leur image. À cela s’ajoutent une traçabilité totale et des indicateurs d’impact, utiles aux bilans RSE, ainsi qu’à la communication des marques. "Nous démarchons peu, notre activité est portée par la loi AGEC (entrée en vigueur en janvier 2022, pour mettre fin au plastique à usage unique et interdire la destruction des invendus non alimentaires NDLR)". D’autre part, en vendant les granulats aux industriels. "C'est plus cher que de la matière première classique, mais c’est un élément de réponse face à la réindustrialisation en œuvre, à la pénurie de matière première et aux enjeux environnementaux".
Revival vise un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros en 2025, la rentabilité devant être atteinte sous deux ans. Si la société a jusque-là financé son développement sur fonds propres, elle prépare une levée de fonds de 1,5 million d’euros, auprès de business angels et d’investisseurs. Celle-ci permettra d’achever, cette année, la mise au point d’une chaîne de tri des matières, dotée d’une intelligence artificielle. Cette solution, qui devrait faire l’objet d’un brevet, est la condition de l’industrialisation. En rythme de croisière Revival aura une capacité de traitement de 3 500 tonnes de chaussures par an.
