Devant les parlementaires français le 23 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas mâché ses mots. De son point de vue, les grands groupes français encore présents en Russie doivent y suspendre leurs activités et "cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie". Trois entreprises françaises ont été alors directement mises en cause par le chef de l’État ukrainien : Renault, Leroy Merlin et Auchan.
Si la première a fait part, le soir même, de sa décision de cesser ses activités sur le sol russe, du côté des deux enseignes nordistes, fleurons de la galaxie Mulliez, la politique n’est pas tout à fait la même. Adeo, la maison mère de Leroy Merlin, a fait rapidement savoir, par un communiqué et par la voix de son directeur général Philippe Zimmermann, qu’il n’était pour l’instant pas question pour l'enseigne de quitter la Russie. Leroy Merlin, qui y est très populaire, compte 112 magasins en Russie.
Auchan Russie, filiale exemplaire en 2021
Du côté d’Auchan, la Russie est également une zone sensible. L'enseigne de grande distribution alimentaire, qui a publié des résultats globaux 2021 en demi-teinte, réalise en Russie ses meilleurs chiffres. Avec 231 magasins, Auchan y affiche une progression de son chiffre d’affaires de 4,5 % entre 2020 et 2021, qui s’établit à 3,2 milliards d’euros, et une hausse de 23 % de l’Ebitda. Le retournement de la filiale russe a d’ailleurs valu à son directeur, Philippe Brochard, une nomination en août 2021 à la direction générale d’Auchan France, dans l’idée d’y appliquer les mêmes recettes.
Sous la pression des critiques, dont certaines commencent à prendre la forme d’appels au boycott, la direction d’Auchan a pris la parole à son tour, dimanche 27 mars, au travers d’un communiqué. Dans ce texte, le groupe rappelle d’abord qu’il est également présent en Ukraine "depuis 15 ans", et qu’il souhaite le retour à la paix. "Nous sommes une des dernières entreprises occidentales à être encore présente en Ukraine. Nos magasins et activités d’e-commerce restent ouverts et notre logistique assure un ravitaillement régulier. Cela est rendu possible par le travail extraordinaire de nos 6 000 collaborateurs ukrainiens (dont 3 000 sont directement dans les zones de combat) qui soutiennent la population et font preuve d’un courage sans faille pour préserver le maintien de la chaîne alimentaire", fait valoir ainsi le texte.
Plus aucun bénéfice sur le sol russe
Concernant son maintien en Russie, Auchan insiste sur sa volonté de ne pas faire peser sur les populations civiles le poids d’une guerre qu’elles n’ont pas déclenchée. "Nos 30 000 collaborateurs russes exercent le même métier pour être au plus proche d’une population qui n’a aucune responsabilité personnelle dans le déclenchement de cette guerre," plaide le communiqué.
Le distributeur reprend ensuite à son compte plusieurs éléments utilisés, plus tôt dans la semaine, par Leroy Merlin. Et notamment, l’idée que des fermetures seraient contre-productives pour sanctionner Moscou, puisqu’elles permettraient la saisie des actifs d’Auchan par le régime et donc, son enrichissement.
"Fermer nos activités en Russie serait considéré comme une faillite préméditée conduisant à une expropriation qui renforcerait l’écosystème économique et financier russe, mettrait en grande précarité nos collaborateurs et leurs familles et priverait, en période de forte inflation, la population des services d’un distributeur discounter depuis vingt ans dans le pays", argue le communiqué.
Le groupe assure enfin ne plus tirer profit de ses activités sur le sol russe. "Depuis le début de la guerre, nous avons stoppé nos investissements dans Auchan Russie, qui fonctionne en totale autarcie. Auchan Russie ne dégage actuellement aucun bénéfice et prévoit, dans le contexte actuel, des pertes pour 2022."
