Le semencier Florimond Desprez investit pour adapter les cultures au changement climatique
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Le semencier Florimond Desprez investit pour adapter les cultures au changement climatique

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Le sélectionneur et producteur de semences nordiste Florimond Desprez vient d’obtenir un prêt de 40 millions d’euros de la Banque Européenne d’Investissement pour accélérer ses travaux sur l’adaptation des plantes de culture aux bouleversements climatiques. Une course contre la montre dans laquelle le groupe s’est engagé depuis plusieurs années déjà.

Florimond Desprez se spécialise dans l'adaptation des espèces végétales aux nouvelles contraintes climatiques — Photo : Florimond Desprez

Sale temps pour les plantations européennes. Cultivées depuis des centaines d’années sous nos climats tempérés, nos céréales et nos betteraves ont été sélectionnées peu à peu pour s’adapter aux contraintes et maladies locales. Mais ces dernières années, l’accélération des phénomènes liés au réchauffement climatique affecte de plus en plus les récoltes. Périodes de sécheresse, pluies torrentielles, coups de gel et nouvelles maladies rythment désormais le quotidien des agriculteurs, et menacent les rendements.

Pour aider les professionnels à maintenir la qualité et les volumes de production, les sélectionneurs travaillent à mettre au point, par croisements, des espèces résistantes aux contraintes. C’est le domaine d’expertise de Florimond Desprez depuis 1830. L’entreprise familiale (300 M€ de chiffre d'affaires, 1 500 salariés), basée à Cappelle-en-Pévèle (Nord), travaille un peu partout dans le monde, au travers de ses 18 centres de recherche, à l’adaptation des espèces dédiées à la nutrition humaine.

Spécialisé dans le blé tendre, la betterave sucrière et la pomme de terre, le groupe travaille aussi sur le blé dur et la chicorée industrielle. Et, de plus en plus, se penche sur le développement de nouvelles espèces, présentant un intérêt pour limiter les impacts du changement climatique. Florimond Desprez vient d’obtenir un prêt de 40 millions d’euros de la part de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour lui permettre d’accélérer ses travaux de recherche. Ce prêt s’inscrit dans le cadre du "Green Deal", un ensemble de mesures destinées à rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050.

Faire face à de nouvelles menaces

"Notre travail est au cœur de deux préoccupations actuelles : le changement climatique et la volonté de réduire l’usage des pesticides, vers lequel tend l’ensemble de la société. Sauf que ces deux évolutions vont bien plus vite que le rythme du monde agricole, qui a besoin de temps pour adapter les variétés et les pratiques agraires", dépeint Marin Desprez, directeur de la stratégie de Florimond Desprez. Il faut par exemple "sept à dix ans" pour mettre au point une nouvelle variété de céréales. Avant d’être validée et commercialisée, la semence aura été testée dans différentes conditions, en différents points du globe, pour évaluer sa résistance à toute une quantité de paramètres. L’humidité dans le nord de la France, la sécheresse dans le sud de l’Espagne, etc. Dans ce contexte, le prêt obtenu auprès de la BEI va notamment permettre de recruter une trentaine de collaborateurs pour intensifier les efforts de recherche, à Cappelle-en-Pévèle et sur plusieurs autres sites européens.

"Nous voulons accélérer l’innovation variétale et le séquençage du génome des différentes espèces. Nous aurons ainsi une connaissance toujours plus fine du génome des plantes, pourrons enrichir nos bases de données et améliorer leur traitement par nos analystes", décrit Marin Desprez. "Les effets du changement climatique sont déjà sensibles depuis plusieurs années dans les cultures. Les plantes doivent pouvoir résister à des périodes de stress hydrique, suivies de précipitations très importantes. Récemment, on a connu en France des tempêtes chargées de sable du Sahara, qui s’est déposé partout. Le sable n’est pas venu tout seul : pour la première fois, on a répertorié des cas de rouille noire du blé en Champagne Ardennes, un parasite que l’on trouve normalement au Maroc. Les espèces qui y résistent là-bas ne sont pas adaptées au bassin parisien. Et les exemples d’apparitions de maladies jusqu’à présent inédites en France ne manquent pas", pointe le dirigeant.

Un consortium pour sauver la betterave

Dans d’autres cas, ce sont des maladies oubliées qui réapparaissent, avec les changements dans les pratiques agraires. Ainsi, la jaunisse de la betterave, disparue il y a trente ans avec le recours massif au néonicotinoïdes, fait son retour maintenant que cette substance, nocive pour la biodiversité, est interdite au niveau européen. "La banque de gènes est notre outil principal pour trouver des solutions dans ce type de cas. La clé de notre métier, c’est la biodiversité. C’est une idée fausse de penser que les semenciers n’ont qu’une obsession, imposer une seule variété de plante, plaide Marin Desprez. Au contraire, c’est source d’une grande fragilité. Il faut veiller à avoir un vaste choix de variétés pour s’adapter au plus vite aux changements. Ainsi, la jaunisse de la betterave ressurgit mais les variétés ne sont plus sélectionnées depuis longtemps sur la base de leur résistance à la jaunisse. Il est urgent aujourd’hui de mettre au point une variété qui garde les rendements des betteraves actuelles, tout en étant résistante à la maladie."

Pour faire face à ce défi inédit, Florimond Desprez s’est associé, au sein d’un consortium, avec deux de ses principaux concurrents européens, une firme allemande et une autre danoise. Les trois entreprises unissent leurs connaissances et leurs moyens techniques, pour tenter d’aller au plus vite.

Un acteur de la transition alimentaire

De la même manière, Florimond Desprez accélère sur la mise au point d’espèces se prêtant à la culture en bio, souvent plus rustiques que les autres. Et travaille aussi à l’adaptation de nouvelles espèces à nos latitudes. En l’occurrence, le groupe, qui souhaite rester encore discret sur le sujet, est en train de mettre au point des variétés de pois protéagineux, de soja non-OGM, et d’autres plantes du même type, pour qu’elles puissent, à moyen terme, être cultivées en quantité en Europe. "La transition alimentaire va nous pousser à introduire davantage de légumineuses dans notre alimentation, décrit ainsi le directeur de la stratégie. Les cultivateurs sont également invités à en inclure dans leurs rotations, puisque ces plantes sont à la fois des sources de protéines produites localement, mais en plus elles fixent l’azote dans le sol."

Parmi ces "espèces de niche" qui intéressent de plus en plus les grands groupes agroindustriels, figure également la lentille, dont la variété la plus courante, la lentille du Puy, remonte aux années 1970, et reste peu rentable pour les agriculteurs. Concernant le soja, le groupe met déjà en avant des résultats concluants en Bavière. "L’adaptation de la plante est très bonne en Allemagne. Elle laisse entrevoir, à moyen terme, la possibilité d’élaborer en local des substituts à la viande, du tofu, du lait de soja, des produits qui, pour le moment, viennent de l’autre bout du monde," se réjouit Marin Desprez.

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