Le promoteur Procivis Nord devient Tisserin et déploie de nouvelles ambitions
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Le promoteur Procivis Nord devient Tisserin et déploie de nouvelles ambitions

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Le promoteur Procivis Nord change de nom à la faveur d'une stratégie ambitieuse au national, dans un contexte rendu incertain par la crise. L'acquisition de Nacarat n'est qu'une première étape.

— Photo : Procivis Nord

Début novembre, le groupe lillois Procivis Nord a entériné à la fois le rachat de 81 % du promoteur Nacarat, fleuron du groupe familial Rabot Dutilleul, et son changement de nom, devenant Tisserin. Une sortie de l’ombre surprenante pour un groupe plus que centenaire, plutôt habitué à la discrétion. En rachetant Nacarat, Tisserin s’adjoint à la fois une signature et une réputation, mais aussi, un réseau, qui s’étend dans la plupart des grandes villes de France, au travers de huit agences. Une belle opération pour le groupe qui, justement, peaufinait des ambitions nationales quand Nacarat a été mis en vente au sortir du premier confinement, par un Rabot Dutilleul (323 M€ de CA 2018, 1 500 collaborateurs) en quête de fonds. "Le rachat de Nacarat nous fait assurément gagner du temps. Notre nouveau plan stratégique nous donne la double ambition de réaffirmer nos positions dans les Hauts-de-France, et de nous implanter dans la plupart des grandes métropoles françaises. Nous avons gagné plusieurs années en intégrant Nacarat, qui est un acteur très connu dans la région, mais aussi en Île-de-France et à Lyon" se félicite Ludovic Montaudon, le DG de Tisserin depuis mai 2019. La filiale "promotion immobilière" du groupe Rabot Dutilleul, qui emploie 212 personnes et réalise 274 millions d’euros de chiffre d’affaires, intègre donc le giron de Tisserin, 240 salariés et 110 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle aurait pu plus mal tomber, assure Ludovic Montaudon, qui voit "de nombreuses synergies" entre les deux entités appelées à fusionner, tout en gardant chacune leur identité et leur organigramme.

Un positionnement unique dans la région

Cumulées, les activités de Nacarat et Procivis Nord, représentent, sur 2019, quelque 1 500 logements réservés, 300 maisons individuelles réalisées, 120 000 logements gérés en syndic par l’enseigne "Immo de France", qui dépend de Procivis Nord, 6 000 logements HLM gérés dans le Nord et le Pas de Calais, ainsi que 23 000 m² de bureaux vendus. Une force de frappe importante, et un vaste champ d’action, de la promotion privée au logement social, qui tient à l’histoire de Procivis Nord et à son statut particulier. Créé en 1908 par des entrepreneurs arrageois soucieux d’aider les "classes méritantes" à accéder à des logements décents, le groupe coopératif glisse lentement d’un rôle de prêteur à celui de promoteur immobilier et de bailleur social. Devenu Crédit Immobilier de France, il prête aux ménages modestes des fonds pour accéder à la propriété, leur bâtit des lotissements, ou construit des HLM pour loger ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter. La crise de 2008 a raison de la partie "banque" du groupe. Renommé Procivis Nord, à partir de 2012, il garde un statut coopératif mais tourne 100 % de son activité vers l’immobilier, en conservant le volet social de son action, inscrite dans ses statuts. Ainsi, Tisserin ne verse pas de dividendes à ses coopérateurs, mais consacre jusqu’à un tiers de ses bénéfices à des "missions sociales" en lien avec l’habitat. Comme, des prêts à taux 0 à des personnes fragiles pour leur permettre d’adapter leur logement à leur handicap, ou pour la rénovation thermique de copropriétés dégradées. Un sujet important dans la région, auquel Tisserin consacre 36 millions d’euros sur cinq ans."Procivis Nord, désormais Tisserin, a un positionnement unique dans la région. Nous sommes les seuls à siéger à la fois à la Fédération des Promoteurs Immobiliers et à l’Union Sociale pour l’Habitat. Nous sommes des deux côtés de la barrière, ce qui nous permet d’intégrer une dimension sociale à nos projets, alors qu’un promoteur classique doit s’associer à un bailleur social pour gérer la partie "HLM" ou "accession sociale à la propriété" d’un programme de logements. De son côté, Nacarat, c’est une très belle signature architecturale, avec une orientation marquée vers le développement durable et l’innovation, qui va nous permettre de nous renforcer sur notre pôle privé. En parallèle, notre statut de bailleur va aussi lui ouvrir les portes d’opérations mixtes, alliant habitat privé et HLM, que nous pourrons réaliser en interne," résume Ludovic Montaudon.

Changer de nom pour faire la différence

Cette année, Procivis Nord achève une mue qui, depuis la cessation de ses activités bancaires, a été longue. "Ce n’est pas un changement évident que de passer du métier de la banque à celui de l’immobilier. La transition a été assez difficile", pointe Ludovic Montaudon. Avec un profil très marqué "immobilier", ce Toulousain a été recruté par Procivis pour justement, parachever le pivot du groupe vers ses nouvelles activités, en mettant au point et en œuvre son nouveau plan stratégique, qui pourrait passer par d’autres opérations de rachat. "C’est malheureux, mais la crise crée des occasions pour un groupe comme le nôtre, qui a d’importants fonds disponibles. Néanmoins, il y a aussi beaucoup d’incertitudes en ce moment, il s’agit de rester prudents. Nous allons d’abord nous concentrer sur l’intégration de Nacarat au sein du groupe, dans un contexte sanitaire qui n’est pas très propice aux rencontres." Dans la foulée, Tisserin va désormais tenter de décrocher des marchés sur l’ensemble du territoire, seul ou en s’appuyant sur Nacarat. C’est en vue de cette accélération qu’un changement de nom s’imposait, pour bien différencier Tisserin des autres entités du réseau Procivis, qui regroupe une cinquantaine de sociétés "cousines", indépendantes et chacune active sur leur territoire. "Maintenant que nous allons lancer des opérations hors des Hauts-de-France, nous ne voulions pas risquer la confusion avec d’autres membres du réseau, en nous présentant sous la double égide Nacarat-Procivis. Désormais, les choses seront claires, c’est pour cela que nous avons décidé d’abandonner Procivis au profit de Tisserin", détaille Ludovic Montaudon. Plus agressive, cette démarche n’en a pas moins été "bien accueillie" au sein du réseau Procivis, qui va se voir proposer d’entrer au capital de Nacarat. " Sur les 81 % de Nacarat que nous avons acquis, nous allons en ouvrir 20 % aux autres Sacicap du réseau Procivis qui le souhaitent. Ainsi, les performances de Nacarat seront mises au pot commun," souligne le DG de Tisserin.

Rebondir en 2021

Mis en ordre de marche, Tisserin est prêt pour attaquer une année 2021 qui promet d’être particulière. "Comme tout le monde, nous avons été confrontés en 2020 à une situation exceptionnelle, entre le contexte électoral qui a duré plus longtemps que prévu, et la pandémie. Nous n’avons pas fait mieux que nos confrères, et on estime entre 25 et 30 % la baisse de tous nos chiffres. Malgré tout, nous espérons encore pouvoir boucler l’année à l’équilibre, pour repartir du bon pied en 2021. Mais la crise a un impact sur toute la filière, et l’immobilier arrive en bout de chaîne. Or, pour investir, les clients doivent avoir confiance. Nous ne sommes pas les moins bien équipés pour tirer notre épingle du jeu en temps de crise. Nous avons une assise financière solide, qui nous permet d’investir et d’avoir la confiance des banques. Et notre positionnement, entre le développement durable et le social, peut nous assurer des atouts supplémentaires. Mais le contexte est très particulier, entre l’épidémie toujours présente, et l’arrivée de nouvelles équipes dans plusieurs grandes métropoles, dont certaines ont pu dire qu’elles ne souhaitaient plus de nouvelles constructions. Ce n’est pas tenable selon nous, la France a besoin de logements neufs, adaptés aux modes de vie d’aujourd’hui, et la réhabilitation ne suffira pas à répondre à cette demande. Mais ça vient encore compliquer un contexte déjà tendu."

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