Des exploitations laitières des Hauts-de-France à l’international, il n’y a parfois qu’un pas. Le groupe Prospérité Fermière Ingredia en est le parfait exemple : siège social à Arras (Pas-de-Calais), usine à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais), mais un peu plus de la moitié de ses 373 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés à l'export. "Nous sommes une entreprise de taille intermédiaire (ETI) ancrée solidement dans le territoire, puisque nous appartenons à 800 fermes des Hauts-de-France", décrit Sandrine Delory, directrice générale du groupe coopératif laitier depuis 2015. Dans un rayon de 80 kilomètres autour de l’usine, il a collecté, grâce au travail de 1 155 adhérents, quelque 400 millions de litres de lait en 2021. Un modèle coopératif constitué en 1949, au sortir de la guerre. Mais avec, aujourd’hui, "une culture très internationale grâce à 450 salariés de 15 nationalités différentes, fait assez rare dans l’univers des ETI", appuie la dirigeante.
L'Asie, marché porteur pour le lait
Apporteur de solutions pour l’industrie agroalimentaire en B to B, le fabricant de produits laitiers Ingredia s’est, au fil des ans, développé outre-Atlantique. Aux États-Unis, il dispose d’une filiale dans l’Ohio, ainsi qu’au Canada. Autre relais de croissance, le continent asiatique. "Singapour représente un point de développement important vers l’Asie. D’autant que les Asiatiques occidentalisent de plus en plus leur alimentation et consomment plus de produits laitiers en élaborant nombre de gammes autour du lait", décode la dirigeante, qui pilote aussi deux partenariats en Suisse et en Australie. Plus d’une centaine de pays sont ainsi couverts par les produits d’Ingredia, qui se retrouvent in fine dans les glaces, chocolats, yaourts, fromages et autres alicaments.
Janvier 2023 marque l’achèvement d’un investissement de 15 millions d’euros pour Prospérité Fermière Ingredia. Objectif du chantier d’envergure baptisé Pasithéa : augmenter les capacités de production de bioactifs laitiers fabriqués à l’usine de Saint-Pol-sur-Ternoise. Plus concrètement, il s’agit de doubler les productions de Lactium®, intéressant pour ses vertus antistress, de tripler les productions de colostrum participant au renforcement immunitaire, ou encore d’industrialiser les productions de Pep2Dia®, reconnu pour ses qualités dans la prévention du diabète. "Notre métier, c’est de séparer les quelque 2 000 composants du lait, premier aliment de la vie, de manière naturelle et douce pour concentrer les bienfaits de ceux qui ont des vertus nutritives", décrypte Sandrine Delory.
Priorité à l’innovation
Car la force d’Ingredia réside dans sa capacité d’innovation dans le “cracking”, ou fragmentation du lait. Un savoir-faire qui la place parmi les meilleurs mondiaux en la matière, et qui génère 90 % des 373 millions d’euros de chiffre d’affaires du groupe, dont 52 % réalisés à l’export. Axe stratégique s’il en est, l’innovation représente 10 % des effectifs, sans compter les compétences universitaires. Ingredia s’est vu attribuer en 2022 l’unique chaire industrielle agroalimentaire, baptisée ProtéinoPepS, qui a vocation à chercher les bioactifs laitiers et protéines différenciantes. "Cela traduit que notre mission d’explorateur laitier n’est pas qu’un vœu pieux de notre part mais est reconnue par les plus hautes autorités de la recherche française pour octroyer des fonds aux deux universités qui travaillent avec nous, l’université Charles Viollette de Lille et l’Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, NDLR)", se réjouit Sandrine Delory. Pour la dirigeante, l'obtention d'une chaire est "une formule intelligente de l’État français qui nous permet de poursuivre des efforts de recherche importants alors que nos ETI sont percutées de toute part par des chocs géopolitiques, climatiques et énergétiques. Ce, en ayant une dynamique de retour très positive pour le territoire des Hauts-de-France."
L’innovation passe par ailleurs par le numérique. Pour créer un lien direct entre consommateurs et producteurs laitiers, les bouteilles de lait UHT commercialisées sous la marque Prospérité Fermière disposent d’un QR Code renvoyant vers un panel d’informations sur l’origine du lait - gage de traçabilité et de transparence. Un dispositif mis en place grâce au recours à la technologie de la blockchain, un usage inédit dans l’univers laitier.
Chaudière biomasse
Au rang des préoccupations majeures de la direction du groupe Prospérité Fermière Ingredia, figure également la responsabilité sociétale et environnementale de l’entreprise. Engagé de longue date sur ce chemin, Ingredia a doté son usine de Saint-Pol-sur-Ternoise d’une première chaufferie biomasse en 2018. Elle consent aujourd’hui un nouvel investissement de 13 millions d’euros, en partie subventionné par des fonds publics, dans un équipement d’envergure. "Bien avant les aléas énergétiques que l’on connaît, nous avions anticipé un projet de construction de chaudière biomasse avec Engie Solutions. Cette chaufferie devrait démarrer fin 2023-début 2024. Ce très gros chantier en cours de réalisation nous permettra d’avoir une énergie décarbonée, avec 85 % d’énergie d'origine renouvelable sur notre site industriel", dévoile Sandrine Delory.
Autre reconnaissance de cet engagement, Ingredia vient de décrocher la certification ISO 50 001 (qui certifie la mise en place d'un système de management de l'énergie efficace dans une entreprise), "une reconnaissance internationale importante lorsque l’on réalise, comme notre groupe, autant de chiffre d’affaires à l’exportation. Car il est important de manager la performance énergétique pour consommer moins", plaide Sandrine Delory.
“Bien que notre entreprise soit percutée par les chocs mondiaux géopolitiques avec la guerre en Ukraine, climatiques et énergétiques qui impactent notre facture d'énergie ou les approvisionnements en semi-conducteurs, nous poursuivons les investissements, appuie la dirigeante. Cela participe à notre stratégie de différenciation : nous ne faisons pas de course aux volumes mais nous cherchons à apporter de la valeur par deux canaux que sont l’innovation et la RSE. Nous gardons ainsi le cap de façon extrêmement ferme sur ses deux axes."
