« Le Brexit est une opportunité pour les Hauts-de-France »
Interview # Finance # Union européenne

Grégory Sanson président de Lille Place Financière et directeur financier de Bonduelle « Le Brexit est une opportunité pour les Hauts-de-France »

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Grégory Sanson est le président de Lille Place Financière ainsi que le directeur financier du groupe Bonduelle (CA 2013-2014 : 1,982 milliard d'euros, 9 569 collaborateurs). Il revient sur l'opportunité que constitue le Brexit pour les Hauts-de-France.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Comment avez-vous accueilli ce choix des Anglais de quitter l'Union européenne ?

Grégory Sanson : Comme beaucoup, j'ai été surpris par ce Brexit, qui a ouvert une période de volatilité et d'incertitudes pour les deux ans qui viennent. Notre croissance est déjà fragile, on n'avait pas besoin de ça ! Mais le Brexit est aussi une opportunité pour la région : nous pouvons en parler en ces termes, puisque ce n'est pas nous qui avons fait ce choix...

En quoi le Brexit peut-il précisément profiter à la région Hauts-de-France ?

G. S. : Il n'y a rien de pire que l'incertitude pour l'industrie financière. Des entreprises de services financiers vont quitter Londres suite au Brexit et ce, même si la City restera une place de choix. La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne devrait entraîner par exemple la fin du Passeport Européen : celui-ci permet à une entreprise de services financiers implantée dans un pays de l'Union Européenne de travailler dans les autres. Du coup, après le Brexit, ces entreprises (des banques, des sociétés de gestion, etc.) vont devoir quitter Londres pour s'implanter sur l'Europe continentale...

Il va falloir aussi y rapatrier les services de régulation, notamment de compensation de transaction, que Londres abrite. L'Autorité Bancaire Européenne (ABE) est elle aussi à Londres et pourrait la quitter suite au Brexit... Il y a une partie des 2,2 millions d'emplois que compte l'industrie financière de la Grande Bretagne qui s'apprête donc à migrer... L'arrivée de ces entreprises de services financiers créera par ailleurs des emplois indirects, dans le tertiaire notamment, et devrait attirer des fintech.

Quels sont les atouts des Hauts-de-France pour capter ces entreprises de services financiers et leurs emplois ?

G. S. : La région Hauts-de-France peut faire valoir son tertiaire à haute valeur ajoutée, qui enregistre 100.000 emplois et 32.000 entreprises. Nous sommes par ailleurs la troisième place financière de France et nous avons aussi un foncier disponible à moindre coût : c'est un avantage certain par rapport à Paris, qui attirera aussi une partie de ses délocalisations. La région est encore au centre d'un noeud entre Bruxelles, Paris et Londres. Et il faut savoir qu'avec le décalage horaire, le trajet Lille-Londres se fait en 20 minutes : c'est intéressant car ces délocalisations à venir sont contraintes par le Brexit et certaines personnes auront probablement envie de continuer à vivre là-bas, ou d'y retourner souvent ou même, verront leur famille y rester...

Avec qui la région est-elle en concurrence ?

G. S. : On parle beaucoup de l'Irlande et du Luxembourg pour des raisons de compétitivité fiscale mais aussi de Paris et de Francfort. Ces délocalisations sont des process qui prennent un an à un an et demi. On sait que c'est déjà en réflexion et il faut qu'on aille vite : des décisions seront prises dès cet automne. Il faut une mobilisation des différents acteurs politiques et économiques régionaux autour de ça : le Conseil Régional, la Mel, les institutions patronales et les associations comme Lille Place Financière et Lille Place Tertiaire. Il faut fonctionner en réseau pour aller chercher les candidats et créer un " Welcome Desk ", permettant de répondre aux besoins particuliers qu'ont les entreprises de services financiers, notamment en informatique.

Y a-t-il déjà un mouvement en marche en ce sens dans la région ?

G. S. : Des contacts ont été pris pour orchestrer ce front commun. À une époque, nous avons su nous mobiliser pour accueillir la Banque Centrale Européenne, même si cela n'a finalement pas abouti. Je pense que nous avons cette capacité à faire front commun et je crois que nous pouvons bien plus bénéficier de ces délocalisations que d'autres places financières telles que Lyon ou Bordeaux.

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