La coopérative céréalière Advitam tient la barre dans un contexte tourmenté
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La coopérative céréalière Advitam tient la barre dans un contexte tourmenté

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Le groupe Advitam, adossé à la coopérative céréalière Unéal, signe un bilan "insatisfaisant" pour l’année 2021-2022, marquée par une récolte médiocre et un contexte de très grande incertitude. 2023 s’annonce encore plus incertaine, tant sur les prix du grain que sur l’ensemble des charges associées aux hausses des prix des intrants et de l’énergie.

Armel Lesaffre et Jean-Philippe Kerr sont à la tête du groupe Advitam — Photo : Jeanne Magnien

Ça a tangué, et ça va tanguer encore. Un peu sonnés, les dirigeants du groupe Advitam et les 6 000 agriculteurs adhérents au sein de la coopérative Unéal auquel il s’adosse, font le bilan d’une drôle de campagne 2021-2022. Et sont déjà pris dans la tourmente de 2022-2023. "En 33 ans de maison, je n’ai jamais vu ça, s’alarme Jean-Philippe Kerr, qui a pris en septembre 2022 la direction générale du groupe qui siège à Saint-Laurent-Blangy, près d’Arras (Pas-de-Calais). On a connu des coups durs, mais jamais un tel niveau d’incertitudes, aussi généralisées."

Concerné au premier rang par la volatilité des prix des céréales induite par la guerre en Ukraine, le groupe (2 800 salariés, 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires) doit faire face, comme toutes les entreprises, à celle des tarifs de l’énergie. Avec en toile de fond, la montée des tensions autour du changement climatique, de plus en plus palpables pour les agriculteurs de la région.

Un bilan 2021-2022 en demi-teinte

Pour Advitam, l’exercice débute et s’achève en juin, à la veille de la moisson. En 2021, cette dernière a été médiocre, marquée par une météo pluvieuse qui a affecté les conditions de récolte et les rendements. Étalée sur 45 longs jours, la moisson s’est soldée 1,13 million de tonnes de céréales récoltées, soit un rendement de 82 quintaux à l’hectare, en dessous de la moyenne décennale. Très humide, le grain a dû être séché après récolte, et a fait de mauvaises performances à l’export. "Traditionnellement, nous commercialisons un tiers du grain pour l’alimentation animale, un tiers pour l’industrie, et un tiers à l’export. En 2021, une large partie du grain n’avait pas la qualité minimale requise par les exportateurs", décrit Jean-Philippe Kerr.

Mal entamée, l’année s’est gâtée en septembre, avec une hausse historique des prix des engrais azotés. En novembre, ce sont les céréales qui crèvent les plafonds. Une bonne nouvelle pour les céréaliers, moins pour les éleveurs, soit un adhérent sur deux, qui doivent acheter de quoi nourrir leurs bêtes. Les besoins en trésorerie du groupe s’envolent, il doit être soutenu par son pool bancaire, à hauteur de plus de 150 millions d’euros. "Des blés à plus de 400 euros la tonne, du colza à 1 000 euros la tonne, c’est du jamais-vu", assure Jean-Philippe Kerr, étonné de "la soudaineté et l’amplitude" de ces variations de prix. Cet exercice de "dérèglement économique et financier" a vu ensuite le déclenchement de la guerre en Ukraine, au printemps 2022. Nouvelle envolée des prix et, à nouveau, des courbes aléatoires.

Au total, sur l’année, les revenus sont en hausse. Mais l'augmentation des charges a pesé lourd et grevé l’exercice. Si le chiffre d’affaires est passé de 1,4 à 1,7 milliard d’euros sur la période, l’Ebitda, en baisse de 4 millions, s’établit à 38 millions d’euros. Le résultat net passe carrément dans le rouge, de +5 millions d’euros en juin 2021, à -3,5 millions d'euros en juin 2022.

Un plan d’action pour 2023

Face à la situation, un objectif pour 2023 : "restaurer la performance du groupe", assure Armel Lesaffre, président d'Advitam. Une feuille de route est en préparation et devrait être mise en œuvre dès le début 2023, qui s’annonce marqué par la hausse continue des coûts de l’énergie et des frais financiers du groupe, au travers de l’augmentation des taux d’intérêt. Parmi les premières mesures décidées, l’augmentation de la marge d’intermédiation de la coopérative, qui passe de 15 à 20 euros la tonne. Une mesure qui compense tout juste l’inflation, assurent les dirigeants. Pour anticiper la hausse du besoin de trésorerie, notamment pour l’achat d’engrais, passés de 250 à 700 euros la tonne en un an, une participation aux frais de 500 euros par adhérent a également été demandée. "Cela n’était jamais arrivé, ou quasi", souffle la direction.

Plus drastique encore, une remise en question de la politique de diversification menée ces dernières années est envisagée. Avec d’ores et déjà, la fermeture de quatre magasins en circuit court Prise Directe, sur les onze que comptait le réseau. "Depuis avril 2021, la fréquentation comme le panier moyen sont en baisse continue. Entre l’arrêt des restrictions liées au Covid et l’inflation, les clients retrouvent leurs habitudes de consommation d’avant 2020, ou se tournent vers le discount. Les employés des quatre magasins fermés seront replacés au sein de notre réseau. Pour les sept restants, nous restons très vigilants, et nous n’excluons pas d’en fermer davantage", pose Armel Lesaffre. Les jardineries Gamm Vert, elles, restent rentables. Elles ont été rejointes, en octobre, par neuf magasins rachetés à Jardiland au nord et à l’est de Paris.

Une meilleure valorisation de la biomasse

Plus que jamais en ces temps troublés, le groupe Advitam se place aux côtés de ses adhérents. Manquant de visibilité à court terme, les exploitants sont confrontés, à moyen terme, aux effets du changement climatique. Gestion de l’eau et des intrants, sélection et adaptabilité des espèces, robotisation, régénération des sols, limitation de l’empreinte carbone des cultures… autant de sujets très techniques sur lesquels Unéal forme et informe ses adhérents, soumis à ces sources d’angoisse et de pression supplémentaire.

Et ce, alors même que les agriculteurs ont un rôle central dans les transformations sociétales qui s’annoncent, rappelle Armel Lesaffre. "Advitam est le deuxième employeur du Pas-de-Calais. Tout ce qu’on a construit repose sur des agriculteurs, il ne faut pas l’oublier. Il y a la question de la souveraineté alimentaire mais, aussi, de toutes les nouvelles applications du végétal. Le plastique, l’énergie, les carburants verts, c’est la biomasse. Les puits de carbone, la captation de CO2, c’est la biomasse. Cette biomasse, c’est nous, agriculteurs, qui en avons la maîtrise. Il est temps que les politiques comme les consommateurs en prennent conscience." Et soutiennent davantage les exploitants dans leurs efforts.

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